A la veille des vacances, vous vous demandez peut-être quel livre (papier ou numérique) choisir pour mettre dans votre valise. Pour choisir un livre, vous pouvez vous fier aux recommandations des médias, ou faire confiance à l’avis des communautés de lecteurs sur Internet, qui se développent rapidement et connaissent un succès grandissant. Ils peuvent désormais être considérés comme des ‘influenceurs’ à part entière, ‘nouveaux piliers du marketing numérique’ selon Hatem Bakri. Dorota Wilson insiste sur la crédibilité des ‘nano-influenceurs’ et précise: ‘Les messages émanant d’un individu provoquent une adhésion beaucoup plus forte […] chaque individu est devenu un média’.
Perte d’influence des médias traditionnels
En août 2018, Livre Hebdo a réalisé une étude auprès de libraires pour mesurer l’influence des médias sur les ventes de livres. Cette enquête est basée sur le déclaratif de libraires, et non sur la réalité du comportement des acheteurs. Néanmoins, les résultats mettent en lumière l’impact perçu toujours très fort de la télévision (42%), devant les magazines, et la radio (18%)
Si l’on additionne les blogs, youtubeurs, réseaux sociaux et presse internet, on obtient un total ‘Digital’ qui se situerait en quatrième position à 15%.
Lorsque Bernard Pivot présentait ‘Apostrophes’ sur Antenne 2, il réunissait devant le petit écran entre 3 et 6 millions de téléspectateurs chaque semaine. Aujourd’hui, l’émission littéraire de référence est ‘La Grande Librairie’ présentée par François Busnel sur France 5. Certes, l’audience est en progression puisqu’après avoir longtemps plafonné à 300 000, elle compte actuellement en moyenne 500 000 téléspectateurs. Mais le périmètre d’influence de l’émission est très concentré, avec un ‘panier’ de 5 titres présentés par semaine, et bon nombre d’auteurs invités ‘récurrents’ au fil des années.
Le déclin de la presse se poursuit (la presse magazine accuse un repli de 6% en 2018, selon l’ACPM); toutefois ‘Le Monde’ et ‘Télérama’ conservent un important pouvoir de prescription, suivis de près, et c’est nouveau, par la presse régionale. On notera également la bonne performance du’ Figaro’ et de ‘Elle’.
Si l’on examine les titres mis en avant dans ces divers supports, la littérature générale et les essais dominent. Des catégories majeures, comme la jeunesse, la BD, les livres pratiques ne sont pas représentées dans les médias.
Les médias traditionnels contribuent largement à amplifier le succès de certains titres, mais restent cantonnés à un nombre très limité d’ouvrages.
Quand les communautés de lecteurs prennent le relai : Babelio, le site de référence
Alors que le petit monde des blogueurs, booktubeurs et bookstagrameurs se développe et se ramifie, les communautés de lecteurs s’organisent, au premier rang desquelles :
J’ai rencontré Guillaume Teisseire, qui a fondé Babelio avec deux amis en 2007.
Babelio est une plateforme communautaire qui permet aux lecteurs :
- la consultation de milliers de critiques et citations (avec possibilité ‘like’)
- le catalogage numérique (enregistrement des livres de sa bibliothèque personnelle)
- des contributions (ajout de livres/ citations/critiques) donnant lieu à des récompenses symboliques (insignes)
- la participation à des quizz, groupes spécifiques, opérations spéciales
- le mise en relation sur demande avec des ‘amis’ au profil similaire
Le site revendique plus de 4 millions de visiteurs uniques par mois, et 780 000 inscrits. Selon Guillaume Teisseire, les abonnés forment une ‘communauté de lecteurs très impliquée, ce sont vraiment des très ‘gros lecteurs’, comparés aux simples visiteurs, qui eux, ont une pratique de lecture plus occasionnelle’. Chaque jour, Babelio accueille 400 à 500 nouveaux inscrits et recueille 900 nouvelles critiques.
Une des grandes forces de Babelio, c’est son SEO. Quel que soit le titre de livre entré dans une requête Google, on peut être sûr de voir Babelio apparaître dans les toutes premières positions. Guillaume Teisseire commente : ‘Le site est optimisé selon les recommandations de Google; étant donné le nombre de nouvelles critiques chaque jour, qui sont des contenus originaux, bien écrits, Google nous considère comme un site de qualité’. Ces mises à jour permanentes permettent aux communautés de lecteurs d’obtenir une excellente visibilité sur Internet.
Cette base de données de très gros lecteurs a évidemment une grande valeur aux yeux des éditeurs. Babelio ne vend pas les données de ses communautés de lecteurs, mais commercialise auprès des éditeurs toute une panoplie de services leur permettant de promouvoir leurs livres:
- achat de publicités (display) sur le site
- campagnes e-mailings génériques (la lettre de Babelio) ou spécifiques (ex : toute l’actualité Libretto de mai)
- opération Masse Critique : les abonnés sont invités à choisir un ou plusieurs titres dans une liste thématique, reçoivent le livre à leur domicile, et s’engagent à publier une critique sur le site dans les 30 jours après réception.
- création de bouche à oreille : sélection sur des critères précis d’une cinquantaine de lecteurs amenés à lire un titre, même principe que Masse Critique, mais plus ciblé et exclusif.
- rencontres avec les auteurs : Babelio recrute les lecteurs, organise, anime et promeut l’évènement pour le compte de l’éditeur.
La volonté de Babelio étant d’inclure tous les éditeurs et tous les genres de livres, le ticket d’entrée pour l’opération Masse Critique par exemple est accessible, inférieur à 1000€. Tous ces dispositifs se développent et nécessitent une logistique bien huilée et des outils adaptés. Il y a en effet entre 150 et 200 opérations Masse Critique par an, générant l’envoi de près de 10 000 livres de la part de 500 éditeurs ! Le côté événementiel connaît également une forte croissance: 33 rencontres ont ainsi été organisées durant le premier semestre 2019 (contre 0 en 2016).
L’écosystème numérique de Babelio est bien rôdé : la marque est présente sur Facebook, Youtube, Twitter et Instagram, avec des contenus diversifiés et régulièrement mis à jour par un community manager.
La plateforme Babelio, n°1 sur sa catégorie en France, est donc solidement établie. En l’occurrence, il existe une prime à l’ancienneté : en effet, un lecteur ayant fait l’effort de ‘créer sa bibliothèque’ en enregistrant 500, 1 000 (ou plus) titres sur Babelio sera certainement rebuté par l’idée de refaire l’exercice une seconde fois pour une plate-forme plus récente, offrant peu ou prou les mêmes services, et…beaucoup moins de livres et d’inscrits.
Mais dans l’univers du numérique, il convient de toujours rester vigilant, car les positions peuvent très rapidement changer.
Prolifération des communautés de lecteurs
A l’instar de Babelio, de nombreux autres sites affichent désormais les avis de leur communauté de lecteurs.
Quasiment toutes les plateformes de vente en ligne recueillent les commentaires de leurs clients.
Ainsi Amazon propose sur son site des notations (sur 5) et critiques de lecteurs, sous l’appellation ‘commentaires clients’ ; Google Play Livre ou fnac.com proposent un système similaire, même si généralement les ‘avis clients’ sont moins détaillés que sur Amazon.
La chaîne de magasins spécialisés Cultura propose aux lecteurs de laisser leur avis sur la section ‘Forum’ de son blog communautaire .
Orange, fournisseur d’accès Internet, est aussi particulièrement actif sur le créneau du livre. La plateforme lecteurs.com est extrêmement complète, puisqu’elle permet aux lecteurs d’interagir, soit autour d’un titre donné, soit sur des discussions transversales dans le forum.
Le site Sens Critique a été créé pour fluidifier le bouche à oreille sur le web, et aider au choix des œuvres, et ce dans 6 univers (le cinéma étant le plus populaire). Si l’univers du livre ne représente que 7% de son activité, il draine tout de même 1 million de visiteurs mensuels et 50 000 intervenants actifs régulièrement. Une note est attribuée à chaque titre par un algorithme ; le ‘match des critiques’ met en regard une critique positive et une autre, moins élogieuse, sur un même titre. De nombreux ‘tops’ (ex : ‘le top des livres qui ont changé votre vie’) sont également disponibles.
Enfin, il existe des sites plus spécialisés, comme Book-Node, dont la communauté est constituée d’ados et jeunes adultes, et qui de ce fait est très axée sur les catégories ‘fantasy’, ‘romance’, ‘science-fiction’, ‘manga’, ‘young adult’.
Certains se sont lancés uniquement avec une application pour mobile : c’est le cas par exemple de Collibris et Gleeph.
Active depuis 2015, l’application Collibris offre la possibilité de scanner les livres pour constituer sa bibliothèque virtuelle, et d’interagir avec une communauté de lecteurs passionnés. Toutefois si l’on en croit la page de présentation de l’app sur Google Play, malgré une notation très honorable (4,2/5), elle souffre encore de quelques bugs.
Ouverte en mars 2018, l’application Gleeph propose elle aussi une fonctionnalité ‘scan’. Avec plus de 100 000 utilisateurs, majoritairement des femmes, et des 18-24 ans, l’application fait aussi le lien avec les librairies, au travers d’un système click & collect. Gleeph n’est pas un réseau social, et ne dispose pas d’un forum, même s’il est possible pour ses utilisateurs d’entamer une ‘conversation privée’.
En réaction à l’arrivée de ces concurrents, Babelio a lancé début 2019 sa propre application !
A vous de choisir !
Vous n’avez désormais plus aucune excuse pour partir en vacances sans au moins un livre avec vous : pour sortir des chemins battus et rebattus par les média, n’hésitez pas à consulter les sites qui en publiant les avis des communautés de lecteurs facilitent les interactions et le débat entre eux…et profitez du bouche à oreille pour faire de belles découvertes pendant l’été !
Sources :
Livre Hebdo n°1184 du 07/09/18, article p 31 ‘Les médias qui font vendre’
Site Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias (ACPM) : https://www.acpm.fr/Les-chiffres/Observatoire-2019-de-l-ACPM-Syntheses-2018/Presse-Payante-Grand-Public?family=7
Assises du Livre numérique -Table ronde Génération smartphone, ‘Réseaux de lecteurs, le mobile plébiscité’, avec Guillaume Boutin, cofondateur de Sens Critique et Khalil Mouna, cofondateur de Gleeph : https://www.sne.fr/evenement_sne/les-10-ans-des-assises-du-livre-numerique/
Un article très bien documenté, qui m’a donné envie de connaitre Babelio.
Merci Pascale pour ton commentaire !
Bonjour,
J’utilise Goodreads, qui appartient à Amazon. Le site est international donc beaucoup de livres en anglais, introuvables en France, bien pratique quand on s’intéresse à certains sujets. Un comble : je n’ai jamais rien acheté sur Amazon et il m’en faudrait beaucoup pour que je commence, je préfère passer des heures dans mes librairies de quartier ou chez Gibert.
Mais y faire sa liste de courses et déposer notes et critiques est très simple. Newsletters, stats, top lists…Tout y est également.
Babelio est très bien pour lire des critiques de lecteurs plutôt bien rédigées en général, et faire son opinion sur un livre avant achat. Et c’est vrai qu’on tombe systématiquement sur Babelio quand on fait des recherches sur un livre. Belle réussite.
Je suis tout à fait d’accord avec vous, merci pour vos commentaires !
Merci pour ce bel article qui m’a fait connaitre Babelio !
Merci Anne-Sylvie, n’hésite pas à aller sur Babelio pour trouver des idées de lectures !
Merci Isabelle pour cet article éclairant ; je fonce consulter sur Babélio les avis des lecteurs … pour un livre qui prendra le relais du tome 4 du passionnant « Charles de Gaules par Max Gallo. Ah ! Histoire quand tu nous tiens …
Merci Alain ! Au rayon Histoire, je crois que les ‘Mémoires’ et les ‘Discours’ de Winston Churchill valent le détour. Tu peux regarder les avis sur Babelio !
Bravo pour cet article documenté ! Il me donne l’occasion de découvrir Babelio et le sens critique , plus d’excuse pour ne pas trouver mon livre de vacances… même si flâner chez mon libraire reste mon option favorite !
Merci Laurence ! Tu peux tout à fait chercher des infos sur Babelio, ET flâner chez ton libraire…voilà un bon programme en perspective pour les vacances !
Bravo! Je me suis inscrite dans la foulée sur Babelio (on ne me changera plus et la curiosité est toujours la plus forte), mais quelques remarques:
-Je n’ai jamais la moindre difficulté pour trouver un livre de vacances même sans Babelio.
-Attention au risque toujours présent avec ce type d’application particulièrement fourni et riche, de passer plus de temps devant un écran fascinant que devant un livre, Ce n’est pas le but.recherché.
Nous sommes tous impliqués dans des groupes d’amis, d’affinités, qui d’une façon tout à fait conviviale et avec le secours des moyens actuels de communication, nous accompagnent tout au long de la vie dans nos quêtes littéraires. Babelio ne les remplacera jamais et il faut leur rendre grâce et continuer de les faire vivre.
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Merci pour ton commentaire ! Tu as raison, le bouche à oreille entre proches reste toujours un vecteur ultra-puissant, pour faire de belles découvertes littéraires !
Merci Isabelle, un article très interessant, je n’avais pas réalisé l’importance de ces sites. Je suis tombé récemment sur Babelio, par hasard, je cherchais un livre introuvable, le tome 2 de Argile et cendre, de Zoe Oldenbourg, et je faisais une nième recherche, sans trop d’espoir. Et puis de fil en aiguille (si on peut dire à l’heure du digital) j’ai enfin trouvé. Mais moi je me méfie un peu quand même, autant je suis quelques personnes, aussi sur youtube, autant je ne suis pas sûr de l’intérêt d’un « trip advisor » du livre, ce n’est pas parce que quelqu’un aura posté un commentaire que ce sera forcément pertinent.
Merci Yves ! Eh oui, rien de tel que de lire un livre pour se forger sa propre opinion ! Babelio permet aussi de partager son avis, positif ou négatif, et de le confronter à d’autres lecteurs.
Merci Isabelle pour cet éclairage complet pour choisir un livre. J’ai souvent un coup de cœur à la Fnac ou chez un libraire mais je sais maintenant que je pourrai me connecter sur Babelio avant de décider.
Merci Sylvie ! Et cela peut être bien pratique, aussi, quand on cherche un livre à offrir !
Isabelle,
Comme d’habitude, ton article est très bien construit et documenté. Contrairement au cinéma, je n’ai pas l’habitude de me fier aux critiques quand j’achète un livre. Je me laisse plutôt tenter par mon envie du moment lorsque je suis dans une librairie. Ce que j’aime faire pour le cinéma, c’est prolonger le plaisir après avoir vu un film en lisant différentes critiques sur internet (sens critique notamment). Cela me permet également de confronter mon propre ressenti avec celui d’autres personnes. Grâce à ton article, je vais essayer d’avoir ce même réflexe pour les livres.
Merci Emmanuel ! C’est le grand avantage des librairies : on y trouve ce qu’on était pas forcément venu chercher (une jolie illustration de la sérenpidité…) – ceci dit, les libraires eux-mêmes sont de plus en plus nombreux à accrocher sur des petits cartons en couverture leur avis sur les livres exposés !!!
Et merci pour cet article si bien documenté et qui apporte encore des nouveautés pour élargir notre horizon.
J’utilise Babelio après certaines lectures pour trouver des critiques et des points de vue qui enrichissent ma propre lecture. Les oeuvres y sont souvent analysées par des personnes très compétentes et rompues à l’analyse littéraire, c’est un plaisir. Sinon c’est souvent les longues interview d’auteurs, dans Télérama, qui m’inspirent des achats de livres et de BD et les échanges avec les amis du groupe de lecture auquel je participe.
Michèle
Merci pour cet article très intéressant et documenté ! Babelio est vraiment un site incroyable que j’utilise régulièrement à titre perso et pro. C’est bien aussi d’avoir fait connaître les autres communautés de lecteurs.
Merci Isabelle pour cet article. Dans le même genre mais pour les amateurs de BD, Comics et Manga, est-ce que vous connaissez Bubble? https://www.appbubble.co/
Je pense qu’il serait utile de le rajouter à votre liste pour ne pas laisser les lecteurs de 9ème art de côté, surtout en cette année de la BD. Bonne journée !