Suite à mon premier article sur les DNVB, ces digital natives vertical brands, intitulé les 5 raisons pour lesquelles nous aimons tant ces marques, vous aurez remarqué que nous avons pour la plupart déjà consommé un jour ce nouveau modèle de marques. Elles font partie de notre environnement de consommation: de quoi faire de l’ombre aux grands groupes et marques traditionnelles. Ces derniers prennent en effet conscience de la croissance des DNVB et commencent à riposter. Nous allons donc éclaircir dans cet article les différentes actions que les marques traditionnelles mettent en place. 

Des engagements affirmés: vers plus de transparence, de produits bio, d’écologie et d’actions citoyennes

Les grands groupes ont compris que leurs marques traditionnelles ne pouvaient plus satisfaire et conquérir comme avant. Ils ont donc fait le choix de prendre des mesures pour être plus en adéquation avec les valeurs des nouvelles générations à savoir: des produits certifiés biologiques et vegan, qui affichent leurs compositions et qui mettent en place des actions environnementales et sociétales.

Des produits naturels certifiés bio et vegan

Si on regarde en particulier le domaine des cosmétiques, on ne peut plus passer à côté des attentes des consommateurs en matière de produits naturels et biologiques. Plusieurs groupes l’ont bien compris et se sont lancés dans des nouvelles gammes plus vertes. L’Oréal tout d’abord a racheté en 2018 la société allemande Logocos Naturkosmetik et a lancé une nouvelle marque bio La Provençale. En 2019, le groupe vient également de lancer une nouvelle ligne certifiée bio de soins sous sa marque traditionnelle Garnier. Dans cette même approche, Unilever a lancé la marque Love, Beauty and Planet, une marque à la fois respectueuse des animaux et de l’environnement tandis que Henkel a misé également sur la tendance vegan avec sa nouvelle marque baptisée NAE.

La provencale bio- Love beauty and planet- NAE

Les marques de beauté naturelles développées par les grands groupes en 2019

Des stratégies de transparence

Les marques ont besoin aujourd’hui d’être honnêtes envers leurs consommateurs. Que ce soit en terme d’ingrédients, de production et fabrication de leurs produits ou encore de la relation au consommateur, les marques tentent de nouvelles démarches: la transparence étant très certainement la tendance bio de demain, et même déjà d’aujourd’hui.

Dans cette optique par exemple, Nestlé a permis à 50 consommateurs tirés au sort qui s’inscrivaient sur le site « cestmoiquifabrique » de visiter ses usines. Le directeur général Pierre-Alexandre Teulié E-business a expliqué:

“il s’agit d’associer les consommateurs à la production des produits qu’ils ont l’habitude de consommer aux côtés de ceux qui les fabriquent”.




La course de Karting, organisée dans l’usine de production des verres de l’Opticien Krys, s’est également inscrite dans ce registre. Elle a permis à de nombreuses personnes de découvrir que Krys faisait ses verres en France.

En terme de transparence, on peut également évoquer la nouvelle gamme de tampons Cotton Comfort de la marque Tampax, qui propose une nouvelle alternative en matière de protection hygiénique avec son applicateur en plastique végétal. Plus rien à cacher, la marque s’engage pour la sécurité des consommatrices et certifie cette gamme Oeko-Tex® pour retirer toute substance indésirable.

Des approches écologiques et socialement responsables

De nombreuses grandes marques viennent de collaborer avec la plateforme e-commerce de la société Loop qui propose des produits du quotidien dans des emballages consignés. L’objectif étant d’en venir à terme aux emballages à usage unique. C’est le pari dans lequel se sont lancés par exemple Danone, Pampers, Coca-Cola… Une solution pour le consommateur qui, après sa commande passée sur le site e-commerce et la livraison de ses produits dans le sac Loop, peut renvoyer ses emballages dans ce même sac, par le biais d’un transporteur qui vient à domicile; l’objectif étant de réutiliser au moins cent fois les contenants. Une première étape pour les géants qui solutionne une partie de l’idée de l’éco-emballage sous forme de collaboration.

packagings d'huile Lesieur et Puget

Les packagings d’huile Lesieur et Puget qui seront disponibles sur Loop

Dans l’industrie la plus polluante qu’est le textile, l’environnement est également au coeur des stratégies des grandes marques de la fast-fashion. Avec leurs programmes respectifs H&M Conscious, et Zara Join Life, elles misent sur des matières recyclées et naturelles éco-responsables qui permettent le respect des terres, interdisent le rejet de produits chimiques dans les eaux ainsi que l’exposition des travailleurs aux engrais toxiques. Un bon moyen d’acheter des collections green à des prix bas tant que l’éthique soit aussi respectée.

join-life-zara

Programme join life de la marque Zara

La transformation digitale: vers une intégration progressive

Afin de concurrencer le modèle digital des DNVB et leur rapidité d’exécution, les marques traditionnelles ont la volonté d’instaurer la transformation digitale. Mais comment aujourd’hui y parviennent-elles?

L’usage de la technologie via les startups

Les grands groupes souhaitent intégrer de plus en plus du digital dans leur stratégie de développement. Le groupe l’Oréal en est un exemple avec l’acquisition de la société ModiFace, spécialisée dans les applications de la réalité augmentée au sein de l’industrie cosmétique. Par ce biais, les consommateurs peuvent virtuellement et en trois dimensions, tester des produits de maquillage, de coloration capillaire, ou de réaliser des diagnostics de peau. Lubomira Rochet, Chief Digital Officer décrit:

Cette acquisition nous permet d’entamer la seconde phase de la transformation digitale de L’Oréal, qui se concentre sur la réinvention de l’expérience beauté à travers des technologies comme la voix, la réalité augmentée et l’intelligence artificielle

Par ce biais, l’avantage est de pouvoir transférer le conseil du retail sur le numérique, dans l’objectif d’accroître les ventes et de réduire les coûts.

Modiface et l'Oreal

Application Modiface basée sur la réalité augmentée

Quant à LVMH, le groupe accélère son développement avec les startups, via son programme la maison des startups basé à la station F: une véritable vitrine en termes de transformation digitale. Cet accélérateur qui a accueilli 50 startups l’année dernière, vise en effet à inventer de nouveaux services et des produits innovants afin de rester compétitif sur le marché. Ian Rogers, Chief Digital Officer, indique:

« Plutôt que de la collaboration, nous voulons de la co-construction »

Maison des startups- LVMH

Maison des Startups par LVMH installée à Station F

De nombreux projets de collaboration, applicables à tous ses secteurs (vins & spiritueux, mode & maroquinerie, parfums & cosmétiques et des montres & joaillerie) ont été mis en place. A titre d’exemple la startup Alcméon et les Parfums Christian Dior ont collaboré pour une solution de social messenging (communication via les réseaux sociaux), l’objectif étant de rassembler toutes les requêtes des internautes des divers réseaux sociaux sur une plateforme unique.

En travaillant et collaborant avec ces startups, les grands groupes apprennent leurs techniques d’agilité et la réduction du time to market (mise en place d’un produit sur le marché): une solution face au pain point (problème) du manque de rapidité que beaucoup d’entre eux connaissent.

Des nouvelles expériences digitales en point de vente

On l’a vu dans le premier article, les DNVB grâce à du retail éphémère ou permanent, transforment le point de vente en une expérience disruptive. Les marques traditionnelles vont donc de plus en plus dans ce sens et teste des nouveaux concepts, notamment digitaux. Dernièrement, Guerlain a mis en place une expérience autour de la voix pour ses parfums grâce à l’utilisation de l’intelligence Google Home au Bon Marché. En rentrant dans un « cube », Google nous pose une série de questions et propose à la fin 3 fragrances qui, selon nos choix, pourraient nous correspondre.

Guerlain- Google Home- Bon marché

Expérience vocale de Guerlain au Bon marché

La marque de sous-vêtements Undiz, a souhaité offrir à sa clientèle jeune et habituée aux codes du e-commerce, un parcours d’achat « sans couture » dans son concept de la Undiz Machine. Les vêtements possèdent chacun des étiquettes à radio-fréquences RFID, qui permettent de les localiser et d’avoir l’état des stocks en temps réel. Les produits arrivent ensuite dans des capsules et parviennent au client dans un système de tubes à air. Objectif: relier la réserve à la boutique pour aller plus vite et éviter d’interrompre le service client proposé. Un bon outil également pour offrir dans un espace restreint toute la gamme de la marque.

Undiz machine

Le concept du groupe Etam : »Undiz Machine »

Des nouveaux relais digitaux

Les marques traditionnelles investissent également des nouveaux relais digitaux pour créer du brand content et faire parler d’elles autrement que sur des réseaux plus traditionnels comme Instagram ou facebook. Guerlain a par exemple lancé dernièrement son application Olfaplay, le premier réseau social pour les passionnés de parfum: chaque utilisateur via cette application peut en effet enregistrer son podcast et raconter son histoire personnelle autour du parfum. Cette aventure au travers du digital suscite de l’émotion et renvoie à « l’instinctif » en opposition à la tendance des selfies. Selon la journaliste Bettina Aykroyd:

… »plus on avance dans la digitalisation de la société, plus il est nécessaire de remettre l’humain en avant. » 

L’investissement dans la technologie oui mais encore faut-il que ce soit utile et que les résultats soient suffisamment efficaces pour concurrencer les DNVB dans leur stratégie digitale. Le numérique doit servir à la connaissance de son consommateur dans l’objectif de tisser des relations « sans couture ». C’est finalement l’utilisation de la data qui est au cœur des facteurs clés de succès.

Du marketing d’influence aux stratégies communautaires

Les marques traditionnelles ont déjà toutes investi dans le marketing d’influence en utilisant des top influenceurs (entre 100 000 fans jusqu’au million d’abonnés) ou dernièrement des micro-influenceurs (moins de 10 000 abonnés). Mais afin d’engager davantage les consommateurs et les fidéliser, comme font très bien les DNVB, certaines marques n’ont pas hésité à créer leur communauté au travers de leurs propres consommateurs.

C’est par exemple le cas de l’enseigne Go Sport qui avait lancé la campagne baptisée #GoHeroes dont le but était de « fédérer une communauté de sportifs engagés et impliqués qui aiment partager leurs expériences sportives sur les réseaux sociaux, pour, à terme devenir les égéries de l’enseigne. » N’importe qui pouvait donc devenir le visage de l’enseigne.

Décathlon est même aller plus loin pour faire du consommateur un consom’acteur et instaurer l’open innovation. Il s’agit du programme « Decathlon Création: The sport Idea Box », sur lequel tout internaute pouvait laisser ses idées pour améliorer des produits de l’enseigne. Chaque idée qui récoltait 100 votes de la part des internautes était étudiée par l’équipe de conception de Décathlon pour entrer en fabrication. L’enseigne a également mis en place plus dernièrement Une véritable co-création.

decathlon création

Décathlon Création: la plateforme collaborative

Le rachat des DNVB

Une dernière solution que trouvent les grands groupes pour concurrencer le nouveau modèle des DNVB est leur rachat. C’est en effet la manière la plus simple pour évincer toute concurrence. Plusieurs cas se sont présentés dans différents secteurs ces dernières années.

Un des plus connu est le rachat par Unilever de la DNVB Dollar Shave Club. Modèle typique de DNVB, à savoir une marque née sur internet, qui supprime les intermédiaires et donc propose un prix très abordable (des rasoirs), avec un univers de marque autour d’un storytelling crédible, et des échanges émotionnels avec une communauté online. Grâce cette acquisition, le groupe Unilever a bénéficié de nombreux atouts:

  • il s’est approprié le marché online du rasoir
  • il concurrence le leader Gillette
  • il se lance sur le marché des soins pour hommes
  • et enfin bénéficie du business modèle de l’abonnement que propose Dollar Shave Club.

Plusieurs arguments très positifs qui ont conquis le géant Unilever.

Mais encore aujourd’hui faut-il que les grands groupes aient la capacité et l’agilité pour comprendre et mettre en application la philosophie des DNVB et leur business model singulier pour éviter d’en faire une marque « grande consommation ».

Conclusion: des stratégies payantes?

Si les grands groupes et marques traditionnelles souhaitent rester dans le jeu et rivaliser avec les DNVB, on a vu qu’elles se tenaient à des stratégies diverses:

  • Une conscience écologique et responsable, des lancements de marques ou de produits bio
  • L’investissement dans le digital au travers de collaborations avec des startups, de nouveaux relais digitaux ou encore d’expériences in-store disruptives
  • Des projets collaboratifs avec une communauté de consommateurs
  • Le rachat des DNVB

Néanmoins, nous ne sommes pas dupes et il faut rester vigilant sur le fait qu’à travers ces quelques exemples, les marques ne soient pas dans une simple logique commerciale et marketing à travers des efforts anecdotiques. Des mesures éparpillées ne suffiront pas à engager le consommateur dans un discours cohérent. Il est nécessaire que les marques traditionnelles apportent de veritables missions et mettent en place des engagements à 360 dans leurs stratégies. La vision « consumer centric » (stratégie centrée sur le client) reste aujourd’hui une des clés de réussite des DNVB, le consommateur étant aujourd’hui omniscient.

Mais finalement, les grands groupes ne devraient-ils pas dans un premier temps disrupter leur modèle de management et leur organisation de travail pour mieux contourner leur propre culture au lieu de la changer? Nous le verrons en détail lors d’études de cas dans ma thèse fin 2019:-)

Les sources:

https://www.usine-digitale.fr/editorial/lvmh-installe-sa-maison-des-startups-a-station-f.N677859

https://www.fanvoice.com/blog/les-marques-francaises-au-coeur-de-lopen-innovation/

https://blog.digimind.com/fr/tendances/4-enjeux-pour-les-marques-lere-de-luber-consommateur/

https://chut.leschuchoteuses.fr/influence/lavenir-appartient-aux-marques-qui-feront-des-podcasts/