Le métavers serait-il un flop ? Après plusieurs mois d’euphorie digitale, l’engouement pour ces univers virtuels est retombé en même temps que les revers de fortune des cryptomonnaies et NFTs. Si Mark Zuckerberg continue d’investir massivement, le public, lui, semble encore indifférent à ces nouveaux mondes en 3D. Alors métavers : top ou flop ? Qu’en est-il à l’orée de cette rentrée 2022 ? On fait le point.

Métavers : Mark Zuckerberg annonce l'arrivée D'Horizon Worlds en France et en Espagne

Métavers : top ? 

Qu’est-ce que le métavers ?

Difficile de se mettre d’accord sur ce qu’est le métavers. Alors qu’il existe presque autant de définitions que d’univers, l’utilisateur, lui, s’y perd. Une étude récente indiquait que seul 16% de la population comprenait ce qu’est le métavers.

Dans sa définition “originelle” et liée au Web 3, le métavers (ou metaverse à l’anglo-saxonne) désigne un univers en trois dimensions persistant (c’est à dire qui conserve les traces laissées par les utilisateurs) qui n’a pas de limites spatio-temporelles, à la fois décentralisé (qui n’appartient plus à une poignée d’acteurs mais à ses utilisateurs) et intéropérable (où il est possible de passer d’un monde à l’autre sans perdre ses assets). Pour une expérience immersive optimale, le, ou plutôt les métavers, sont souvent associés à l’utilisation de casques virtuels (encore très onéreux) même s’ils ne sont pas obligatoires.

À l’heure actuelle, le métavers que nous venons de définir n’existe pas. Horizon Worlds (le métavers du groupe Meta) mais aussi Roblox, Sandbox, Decentraland… sont des univers virtuels en 3D mais ils ne répondent pas à la problématique d’interopérabilité. En effet, il est encore impossible de passer d’un univers à l’autre avec un même avatar par exemple. Mais est-ce que le métavers existera un jour dans sa forme “utopique” ? Rien n’est moins sûr.

Un monde d’opportunités

Intimement lié au Web 3, aux cryptomonnaies, à la blockchain et aux NFTs, le métavers fait l’objet de tous les fantasmes. Les acteurs du Web rêvent d’y attirer les internautes tandis que les marques y voient des opportunités de business sans limite (dont l’immobilier).

De nombreuses études ont été menées sur le sujet. Leurs chiffres donnent le tournis sur le succès futur de ces univers virtuels. Mais peut-on vraiment s’appuyer dessus ? Comment se projeter sur un concept qui n’existe pas réellement et dont personne ne parvient à s’accorder sur la définition même ? Pas simple.

Si l’on en croit les prévisions de Gartner (février 2022), 25% de la population passera au moins une heure en moyenne dans le métavers d’ici 2026. Une autre étude, celle de l’IET (The Institution of Engineering and Technology) annonce que les enfants de la prochaine génération passeront dix ans de leur vie ou en moyenne 2h45 dans le “VR metaverse” (le métavers augmenté par la réalité virtuelle).  Le Journal du Net évoque un marché valorisé à 800 milliards de dollars d’ici 2024.

Mais pour que les opportunités soient au rendez-vous, il faut, auparavant, y attirer les utilisateurs. Comme le souligne Cécile Ducrocq, Responsable communication et marketing chez Fabernovel, dans le podcast Let’s go digital, le principal enjeu est de séduire les communautés. “Un univers sans personne ne présente aucun intérêt”. Pour se faire, le métavers doit être accessible au plus grand nombre et, bien sûr, présenter un intérêt pour les utilisateurs.

Concerts, visites de musées, expériences immersives, rencontres… les métavers offrent de nombreuses possibilités de contenus et d’expériences inédites, Nombreuses sont supposées faciliter le lien social. Cécile Ducrocq en dit plus dans cet épisode de podcast du MBA MCI.

 

D’un point de vue purement marketing, Cécile Ducrocq explique que : “le principal défi pour les marques sera de se faire accepter par les communautés.  Si le métavers “originelle” s’impose, celles-ci auront le pouvoir de les bannir”. Autre difficulté majeure pour la discipline : il n’existe pas, à l’heure actuelle, d’outils de marketing digitaux permettant de tracker les utilisateurs comme c’est le cas avec le Web 2.0. Les méthodes de marketing digital devront donc se réinventer.

Métavers : flop ? 

Entre indifférence et méfiance du public 

La lune de miel serait-elle finie entre Web3 et Métavers ?” c’est la question que pose le consultant et observateur digital Frédéric Cavazza. L’éclatement de la bulle immobilière du métavers ajouté à l’indifférence d’une bonne partie du public sème le doute sur l’avenir radieux promis au métavers.

En janvier dernier, une étude Ifop sur le lien entre les Français et le métavers mettait en lumière un concept flou pour beaucoup. Seulement “35% des Français déclaraient voir de quoi il s’agit, dont 14% « précisément »”. Beaucoup associent le métavers aux divertissements et ne perçoivent pas les autres perspectives offertes par ces nouveaux univers. Aussi 21% considèrent ces débouchés comme inutiles.

Les Français et le métavers

Les Français et le métavers - source Ifop

L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 1 022 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

La méfiance est également de mise. En effet, pour 75% des Français, le métavers suscite la crainte. Un chiffre à nuancer car la crainte va de pair avec le manque de connaissance sur le sujet.

Le principal reproche qui est fait au métavers, c’est qu’en l’état, il ne correspond en rien à ce qui nous a été promis (un meta-univers virtuel ultra-réaliste). Je partage tout à fait ce constat, mais je tiens à rappeler que le métavers est un concept qui a plus de 25 ans (« Le Deuxième Monde » de Canal+, dès 1997 : le pionnier français du métavers), en progrès constant, mais qui mettra encore des années à être concrétisé » précise Frédéric Cavazza.

Pour se faire une idée, la journaliste Louise Eccles du Times a passé une journée dans le métavers de Meta (Horizon Worlds). Elle livre dans cette vidéo ses impressions mitigées.

Sécurité et protection de la vie privée 

Au-delà des opportunités qu’il offre, le métavers n’est pas exempt de risques. La sécurité est un enjeu prioritaire pour attirer les utilisateurs. A ce niveau, il y a encore des progrès à faire. De nombreuses femmes ont notamment dénoncé des propos et comportements inappropriés voir des cas de harcèlement sexuel. La mise en place de règles et d’une modération importante semble indispensable.

Les marques, elles aussi, devront se protéger. Fraudes publicitaires, mais aussi possibilité d’apparaître à côté d’un contenu inapproprié sont autant de risques pour les marques. Sans parler de l’émergence d’un darkverse qui suscite l’inquiétude.

Concernant la protection de la vie privée, le respect de la loi sur les RGPD devra s’appliquer. Comme le souligne Cécile Ducrocq dans le podcast Let’s go Digital, l’intérêt du métavers dans le Web3 est qu’aucune partie tierce ne puissent s’approprier les données personnelles des utilisateurs. Elles devront leur appartenir.

Pas très vert le métavers  

A l’heure où la sobriété énergétique est dans tous les esprits, l’impact du Métavers pose aussi de nombreuses questions. Sur le site 20 Minutes, les experts sont pessimistes. “Frédéric Bordage, expert indépendant en numérique responsable et sobriété numérique. C’est un projet totalement déraisonnable. Il n’y a derrière que des raisons économiques ». Point de vue partagé par Tristan Labaume, président de l’alliance Green IT, qui grince des dents et lâche : « c’est un méta-noir, oui plutôt ».”

Dans un tel contexte, quelques voix sont beaucoup plus virulentes à l’égard du métavers. Dans son article de début septembre, le consultant Franck Confino n’y va pas de main morte avec le métavers. Reprenant les mots du PDG d’Evernote, le conférencier décrit le métavers comme « une vieille idée qui n’a jamais marché ». Il dénonce également  les sommes folles investies et les impacts néfastes de ces mondes virtuels sur l’environnement.

Métavers : le pari fou Mark Zuckerberg 

S’il y en a un qui y croit dur comme fer, c’est bien lui. Après avoir rebaptisé son groupe Meta en octobre 2021, le patron de Facebook investit sans compter pour développer sa version du métavers nommée Horizon Worlds.

Un objectif ambitieux…

Mark Zuckerberg ne cache pas ses ambitions : atteindre un milliard d’utilisateurs d’ici 2030. Après avoir déjà investi 10 milliards dans le projet en 2021, le groupe dont le bénéfice net a chuté de 36% sur un an a du s’endette également pour la première fois hauteur de 10 milliards de dollars. Mark Zuckerberg ferait-il fausse route ou serait-il visionnaire d’un nouveau monde dont une minorité mesure encore le potentiel ?  Seul l’avenir le dira. Toujours est-il que l’entrepreneur a subi récemment quelques revers.

… mais des signaux préoccupants

En mai 2022 l’ONG SumOfUs dressait un bilan sombre du métavers de Zuckerberg signalant des défaillances dans le système de modération de Meta. En résultait de nombreux dérapages : harcèlement sexuel, propos racistes, homophobes, complotistes et consorts… Un problème pour attirer les communautés dans un univers que Meta souhaite accueillant et sécurisé.

Métavers Eldorado ? Mark Zuckerberg annonce l'arrivée d'Horizon Worlds en France et en Espagne sur Facebook

Métavers : Mark Zuckerberg annonce sur Facebook l'arrivée D'Horizon Worlds en France et en Espagne

Métavers : Mark Zuckerberg annonce l'arrivée d'Horizon Worlds en France et en Espagne

L’annonce de l’arrivée d’Horizon Worlds en France et en Espagne n’a pas non plus suscité la réaction escomptée. En effet, la photo publiée par Mark Zuckerberg à l’esthétique basique et la représentation plus qu’approximative de la Tour Eiffel et de la Sagrada Familia en arrière plan ont déclenché plus de railleries que d’enthousiasme. Les réactions ont été telles que le patron de Meta a dû s’expliquer et promettre une amélioration prochaine du design de sa plateforme.

Autre signal inquiétant envoyé au marché :  la démission du vice-président d’Horizon World, Vivek Sharma, salarié depuis 6 ans dans le groupe et qui dirigeait auparavant les divisions de Facebook Gaming et Facebook Marketplace.

Faut-il pour autant clouer au pilori Horizon Worlds ? Probablement pas. La multinationale qui est la seule à investir massivement dans le métavers essuie en partie les plâtres de ce nouvel univers.

Début septembre, à l’occasion du lancement d’une campagne de communication sur les applications futures du métavers, le groupe concédait qu’il faudra attendre 10 ans avant de voir les impacts dans le monde réel. Comparant les perspectives du métavers à la croissance de la téléphonie mobile, Meta estime que le métavers pourrait contribuer à hauteur de 440 milliards de dollars du PIB de l’Europe d’ici 10 ans. Mais la comparaison est-elle fiable ?

Alors Zuckerberg : génie visionnaire ou entrepreneur buté ? Le métavers a-t-il de beaux jours devant lui ou va-t-il s’éteindre comme un feu de paille ? Les prochains mois nous apporteront probablement quelques pistes de réponse.