La dernière étude de BPI France Le Lab intitulée « Vers l’uberisation des GAFA » fait un constat fascinant : l’uberisation n’est pas un jeu de lutte à mort mais serait plutôt « une invitation à jouer collectif ». Ce constat peut paraitre surprenant, mais, pour bien le comprendre, il faut retourner à l’origine de ce phénomène. Il est aussi important de réaliser que, derrière ce néologisme encore flou pour beaucoup, se cache un phénomène d’une ampleur encore insoupçonnée qui pourrait bien changer jusqu’à notre approche du travail.

Mais au fait, c’est quoi l’uberisation ?

Basons-nous sur le Petit Robert qui définit l’uberisation comme étant :
« le fait de déstabiliser et transformer avec un modèle économique innovant tirant parti des nouvelles technologies »
A noter : le terme a été mentionné pour la première fois par Maurice Lévi (un publicitaire) en 2014. Depuis ce néologisme a souvent été utilisé comme un synonyme de précarisation, ce qui n’est pas forcément faux mais c’est une approche réductrice étant donnée la complexité de ce changement. Nous noterons que ce mot n’existe qu’en Français.

L’uberisation peut concerner tout type d’entreprise et ce dans un nombre de plus en plus grand de secteurs :

Les origines du phénomène

Les disrupteurs issus du numérique ne manquent pas, mais alors pourquoi Uber est-il devenu un symbole ? Les premières explications se trouvent dans les caractéristiques du secteur disrupté :
  • Le secteur des taxis était un monopole stable depuis plus d’un siècle et réputé irréformable
  • Un besoin fondamental de l’Homme : se déplacer
  • Le grand nombre de scandales dans plusieurs pays et la visibilité des protestations
  • Le secteur touché est un secteur de service
Les autres explications se trouvent dans les caractéristiques de cette disruption :
  • Une structure collaborative à faible coût et centrée sur le besoin client
  • L’usage d’une plateforme mobile innovante de l’information
  • Un système essentiellement basé sur l’utilisation du statut d’auto-entrepreneur
  • L’aspect frontal de cette disruption : le service fourni Uber est un substitut au service des taxis
Vous prenez ces éléments, vous les répliquez à l’échelle mondiale et vous obtenez les prémices d’un phénomène qui peut s’apparenter aux plus grands mouvements industrielles comme le Fordisme.

Une disruption créatrice de valeur ?

N’entrons pas dans les nombreuses polémiques et focalisons-nous sur ce qui fait consensus même chez les taxis : l’arrivée d’Uber a poussé les acteurs établis à se remettre en question fondamentalement et durablement. Auparavant plutôt attentistes, des compagnies comme G7 ont élaboré de véritables stratégies numériques avec le développement d’applications mobiles performantes. Mais ils ont aussi opéré des stratégies de montée en gamme (véhicules électriques et hybrides) tout en rendant leur grille tarifaire plus compétitive.

Infographie Taxis VS. VTC

Source : Coface 2016

On obtient un constat singulier : l’arrivée d’Uber a entrainé une amélioration du service et même de la popularité des taxis. De surcroit, Uber a contribué à populariser l’utilisation d’un véhicule avec chauffeur en créant de une valeur additionnelle pour l’usager.

Bien sûr, tout n’est pas rose : les revenus des chauffeurs de taxi ont chuté et leurs licences ont vu leur valeur être divisée par 2. Mais certains de ces problèmes trouvent leur source dans un système qui depuis longtemps devait être réformé, comme le prouvent les tentatives gouvernementales infructueuses de réformer ce secteur pour créer des emplois.

En résumé, nous avons affaire ici à un exemple de destruction créatrice comme décrite par Schumpeter au début du 20ème siècle. En effet, il évoquait la destruction d’un secteur d’activité conjointement à l’apparition d’un nouveau secteur et posait la question :
Pouvons-nous reprocher aux constructeurs d’automobile de mettre les fabricants de calèches au chômage ?

En quoi cela concerne votre (prochain) job ?

L’exemple de la disruption du secteur des taxis, doit vous amener à la réflexion sur comment votre entreprise ou votre job pourrait être à son tour uberisé. Mieux : comment, vous, vous pourriez modifier votre façon de travailler ou votre business model avant qu’on le fasse à votre place. Il est d’ailleurs probable qu’en cherchant un peu vous trouviez une start-up, un projet ou autre qui y travaille déjà…

L’utilisation du statut d’auto-entrepreneur dans le système instauré par Uber illustre un autre aspect de l’uberisation : les nouvelles formes de travail. Les freelances, par exemple, ont connu une augmentation de leur nombre de plus de 110% en 10 ans et ils sont aujourd’hui environ 1 million en France. A noter, plus de 60% d’entre eux font appel à une plateforme numérique pour gérer leur activité. Ces plateformes connaissent un véritable boom : +1822% en 8 ans (source des statistiques : creads.fr). A savoir si c’est une bonne chose, on dira juste que 80% des freelances affirment l’être par choix…

Enfin, dans l’étude de la BPI évoquée en introduction, une nouvelle dimension de l’uberisation y est évoquée : celle liée à l’impact des technologies de la blockchain et de l’intelligence artificielle. Qui serait disrupté cette fois-ci ? Les GAFA et Uber, rien que ça ! Mais cela fera l’objet d’un nouvel article.

Pour plus de clarifications, vous pouvez visionner la vidéo ci-dessous :



Pour plus d’informations sur la transformation digitale et l’IA, n’hésitez pas à lire ces excellents articles du blog MBA MCI :

Sources :
https://www.europe1.fr/economie/la-revanche-des-taxis-face-aux-vtc-3575570
https://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/les-taxis-devoilent-le-lourd-impact-des-vtc-sur-leur-chiffre-d-affaires-1091736.html
https://www.definitions-marketing.com/definition/uberisation/