Après avoir cherché à optimiser chaque silo de l’entreprise, souvent au détriment les uns des autres, puis avoir eu une approche globale pour repérer les points de blocage, optimiser les flux et créer des synergies, les entreprises commencent à saisir les opportunités offertes par le phénomène “ transformation digitale ”. En effet, en plus de faire converger supply chain et marketing, back et front offices, la e-transformation offre de nombreuses opportunités, que ce soit en termes de création de valeur pour le client par l’innovation, de réduction des coûts par la dématérialisation, ou de mobilisation des équipes autour de projets fédérateurs.
Pour autant, sa mise en oeuvre est délicate tant les contraintes sont nombreuses et la légitimité de son pilotage controversée. Après la révolution agricole et la révolution industrielle, place à la révolution digitale ! Rapide tour d’horizon du sujet…

Qu’entend-on au juste par transformation digitale ?

La transformation digitale se réfère aux changements liés à la mise en oeuvre des technologies digitales (ou numériques) dans les tous les aspects de la société. A l’échelle de l’entreprise, il s’agit de disposer d’une vision 360° du client en conjuguant données, outils de gestion et solutions d’analyse. Mettre le client au coeur des préoccupations de l’entreprise, le connaître parfaitement pour lui proposer la meilleure offre au meilleur moment.
Incontournable et bénéfique, cette mutation a un impact significatif sur l’organisation, que ce soit en termes de compétences, de fonctionnement ou d’outils technologiques.

Les 5 piliers constitutifs de la transformation digitale

En matière de technologie, voici selon Sébastien Bourguignon les 5 piliers constitutifs de la transformation digitale :

  • Cloud computing : selon une étude récente, 55 % des sociétés interrogées déclarent exploiter au moins une solution Cloud. C’est l’avènement de l’informatique « on demand ». ERP, CRM, SIRH/FI, GED, messagerie… quasiment tout le système d’information peut désormais être dans les nuages.
  • Réseaux sociaux : avec un nombre faramineux d’utilisateurs actifs sur un mois (Facebook : 1,32Md, Twitter : 241M, LinkedIn : 187M, Instagram : 150M) et un taux d’utilisation par les internautes tout aussi impressionnant de 68 %, il devient incontournable pour une société d’y être présente et active. Ces réseaux sont de nouveaux vecteurs de communication et de publicité pour les marques, mais surtout de business car ils  permettent de capter de nombreuses informations sur le client. Ils peuvent aussi servir à recruter les talents de demain.
  • Technologies mobiles : 46 % des Français sont équipés d’un Smartphone et environ un tiers d’entre eux dispose d’une tablette. Ces nouveaux terminaux permettent de consommer de l’information et d’en produire instantanément. En outre, ils vont de plus en plus loin dans les fonctionnalités proposées et dans l’expérience utilisateur. Ces technologies sont en train de révolutionner les usages des particuliers dans leur relation aux marques et leur comportement d’achat.
  • Objets connectés : drone, montre connectée, équipement santé… Ces technologies sont en train d’exploser. Actuellement, 23% des Français disposent d’au moins un objet connecté à leur domicile. On estime que d’ici 2020, plus de 80 milliards de ces objets seront connectés à internet.
  • Big data : cette technologie permet de gérer des volumes gigantesques de données. Bien que très prometteuse, son niveau de déploiement est encore faible, moins de 10 % des entreprises françaises en utiliseraient déjà. Mais les perspectives de croissance de ce secteur sont fortes, 26 % par an jusqu’en 2018. A noter que la valeur de cette technologie provient essentiellement des piliers technologiques précédents. Le Big data se pratique dans le Cloud. Ensuite, toutes les données collectées au travers des technologies mobiles, des objets connectés, du CRM, du site de e-commerce et des réseaux sociaux, ne peuvent être pleinement exploitées et produire leur valeur qu’avec le Big data. Sa valeur vient donc d’une meilleure connaissance des clients, d’un ciblage plus fin et du fait qu’elle permette de contextualiser de l’offre.

Les enjeux de la transformation digitale

Dans un contexte de ruptures technologiques, culturelles et sociétales, dans une économie en crise, la transformation digitale devient un levier important de création d’emplois et de valeur. Nous y sommes, c’est la phase de destruction créative induite par toute révolution liée aux innovations majeures. Mais plus qu’une destruction, les chiffres montrent une restructuration de la chaîne de valeur. L’enjeu majeur consiste donc, pour l’entreprise, à s’adapter à une économie de plus en plus collaborative et à la demande, avec une facturation à l’utilisation. Tous les secteurs sont concernés et quasiment tous les services de l’entreprise peuvent être désintermédiés.
Pour aller plus loin, voici une présentation synthétique mais néanmoins complète des enjeux de la transformation digitale par Frédéric Cavazza :

Où en sont les entreprises françaises ?

Selon une récente étude publiée par The Economist, les entreprises attendent beaucoup de la transformation digitale, mais se trouvent face à des défis qu’elles jugent complexes.
Si les deux tiers des entreprises ont déjà numérisé la moitié de leurs opérations, seules 18 % ont aujourd’hui intégré la totalité des processus clients dans leur back-office et 10 % ont tout numérisé. L’étude estime qu’il y a aujourd’hui deux grands groupes d’entreprises au regard de la transformation digitale : les leaders d’un côté, les retardataires de l’autre. Les premières anticiperaient les possibilités offertes par le digital, les autres le subiraient, y allant à contrecoeur pour des questions de réduction des coûts et de conformité réglementaire. Le rapport ajoute que, le plus souvent, les bonnes pratiques numériques ont été mises en place dans les entreprises ayant créé une cellule spécifique à ce thème, avec un responsable dédié. Le but de toute initiative de transformation numérique, conclut l’étude, devrait être la capacité de l’ensemble de l’entreprise à profiter des innovations technologiques pour remettre en question ses process.

Mise en oeuvre : de la nécessité d’une approche (toute aussi) disruptive ?

Si l’importance de la tâche à accomplir nécessite une impulsion forte, légitimée par une vision d’entreprise ambitieuse et partagée, la mise en oeuvre doit-elle pour autant être portée par un Chief Digital Officer (CDO) ?
Frédéric Levaux, CDO et Directeur Exécutif du cabinet de conseil EY, adressait ses conseils aux membres de sa profession à l’occasion du CDO Day, organisé par l’Usine Digitale le 26 novembre.

  • Entre stratège et animateur : « Notre métier de CDO, c’est d’être des intermittents, non pas du spectacle, mais de la transformation digitale », plaisante-t-il. Un métier de transition : « C’est notre rôle de générer des électrochocs en comité de direction au départ, en brandissant les menaces d’ubérisation, mais on n’arrive à rien en faisant peur : nous devons surtout leur faire prendre conscience des opportunités nouvelles ». Un métier qui requiert « écoute et humilité », poursuit-il. « Avant d’aller chercher des réponses digitales en externe, il y a beaucoup à apprendre des points de friction internes à l’entreprise. Il faut déjà en faire l’inventaire, et discuter avec les managers opérationnels de leurs problématiques quotidiennes. »
  • Nourrir la disruption mais en externe : « La disruption en interne, c’est comme un virus : l’organisation va tout faire pour la combattre… il faut donc la nourrir en externe, par exemple en menant des projets en partenariat avec des start-up. » Pour approfondir ses relations avec l’écosystème des jeunes pousses, « On peut miser sur des événements dédiés, des start-up days, des hackathons… »

Et le CIO dans tout ça ?

Le Dr. Nils Olaya Fonstad, Research Scientist au MIT Sloan, évoque ici le rôle croissant du CIO (DSI) dans l’innovation et la transformation digitale.

Toutefois, dans un environnement toujours plus mouvant et collaboratif, gardons-nous des recettes toutes prêtes et des idées portées par un même Homme, qu’il soit CDO, CIO ou même CEO !

Comment réussir à échouer dans sa transformation digitale

Aux antipodes des méthodes de plus en plus nombreuses pour réussir sa transformation, dont « Nine questions to help you get your digital transformation right » de McKinsey et « Les 7 compétences clés pour devenir digital » d’Accenture, Richard Collin liste dans un billet plein d’humour quelques unes des ultrasolutions qui mènent invariablement… à l’échec.
Dans « Comment réussir à échouer« , Paul Watzlawick nous invite à comprendre et approfondir les recettes qui mènent infailliblement à l’échec. Ainsi pour réussir à échouer, il suffit de trouver à chaque problème l’ultrasolution, c’est-à-dire « une solution qui se débarrasse non seulement du problème, mais de tout le reste », histoire de s’éviter de devoir changer soi-même !

  • Ultrasolution n°1 : agir uniquement pour la transformation digitale, alors qu’il s’agit d’un changement de référentiel qu’il faut découvrir, incarner, dessiner. Travail, capitalisme, propriété, entreprise libérée… toute une société est à reprenser et surtout à construire, en toute agilité !
  • Ultrasolution n°2 : recruter un CDO avec la mission de piloter la transformation, alors que nous devons tous être CDO, acteurs leaders du numérique. L’air est clairement au collaboratif, à l’action inspirée et motivée par une recherche de sens plus en plus prégnante.
  • Ultrasolution n°3 : ne pas changer d’ère, alors qu’une culture nouvelle et accessible est à faire émerger.
  • Ultrasolution n°4 : évangéliser, publier une liste de valeurs nouvelles et audacieuses, tenir des discours, faire des plans…et ne pas faire ce que l’on dit ni l’incarner.
  • Ultrasolution n°5 : être en permanence « branché » ou se dire que c’est bien d’avoir la geek attitude, alors qu’il faut être capable de parfois se débrancher pour se retrouver, trouver d’autres formes d’inspiration et de partage.

En conclusion, comme le souligne Richard Collin « quand la solution est le problème », notre défi est de sortir du cadre. Commençons par nous emparer de toutes les opportunités qui nous inspirent. Cette transformation doit être l’oeuvre de chacun, un état d’esprit nouveau, créatif, généreux, collaboratif. De la passion naît la passion… et l’engagement.