La blockchain et les IoT (Internet of Things) sont désormais au service de l’agroalimentaire, et notamment de la traçabilité alimentaire : l’actualité le montre. Certaines multinationales et quelques startups se sont récemment lancées dans cette odyssée dans le but de mettre en œuvre cet outil puissant et encore peu connu ou mal compris. Leur objectif ? Garantir la transparence, comme jamais auparavant, de la « food supply chain » (la chaîne d’approvisionnement alimentaire).

 

Son défi ?

 

santé, environnement, étiqueIl est de taille : la blockchain est l’un des moyens les plus plébiscités, dit « nouvelle révolution », pour répondre aux attentes de transparence alimentaire des consommateurs qui, lassés et inquiétés par les scandales à répétition, sont devenus plus attentifs, exigeants et en quête d’authenticité.

« Nous croyons dans la transparence parce que les gens veulent s’assurer que leur nourriture est produite de façon responsable », a déclaré Christine Daugherty, vice-présidente, production alimentaire durable pour Tyson Foods, Inc

Dans la résolution de problèmes d’opacité dans la chaîne de valeur alimentaire, cet outil a un rôle à jouer dans 3 domaines : la santé, l’environnement et l’éthique.

A ces attentes des consommateurs, s’ajoute la question démographique. Nous serons 9 milliards d’êtres humains sur terre en 2050, soit 2,6 milliards de plus qu’aujourd’hui. Nourrir cette population croissante signifie augmenter la production agricole de 70 % d’ici là selon la FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations) et aussi gaspiller moins.

 

produce more, waste less

 

 

 

 

 

 

 

Face à ce défi, il faudra répondre à un besoin clé : certifier la traçabilité à moindre coût, garantir à tous une sécurité alimentaire.

population mondiale

« Le bloc asiatique n’a pas de terre pour nourrir ses populations : en France, on a 4 hectares pour nourrir un Français quand la Chine dispose seulement de 0,2 hectares. On va devoir produire pour tout le monde et on leur doit la traçabilité », plaide Hervé Pillaud, secrétaire général de la Chambre d’agriculture de Vendée.

 

 

Flashback sur le concept de la blockchain et son application dans la traçabilité alimentaire

 

On se souvient plus ou moins du bitcoin, la monnaie virtuelle, qui reste le système de référence de cette technologie car elle fût la première application de la blockchain. Les promesses d’application sont nombreuses et le champ des possibles reste infini.

En matière de traçabilité alimentaire, nous pouvons définir la blockchain ainsi :

 

Il s’agit d’un réseau décentralisé de serveurs dans lequel chacun des enregistrements ou blocs sont liés et garantis. C’est comme un grand livre ouvert où les transactions d’information sont stockées sur de nombreux ordinateurs et chacune d’entre elles est vérifiées par les nombreux participants – les mineurs– à l’aide de la cryptographie et n’est validée une fois qu’il y a consensus. Tous les serveurs participants peuvent y accéder et vérifier mais ne peuvent les modifier. Les parties autorisées – éleveurs, fournisseurs, transformateurs, distributeurs, restaurateurs, camions de nourriture et consommateurs – peuvent ainsi consulter les informations sur leurs produits.

traçabilité alimentaire

 

Son application combinée aux technologies IoT permet de récolter des données quasiment en temps réel et de stocker les empreintes relatives à un produit contenant toutes les informations inhérentes à ses origines, à son parcours au long de la chaîne et à ses conditions de fabrication.

 

« Renouer la confiance par la vérification des preuves », « Conformité réglementaire »

Il s’agit avant tout de transparence et de fiabilité entre chaque maillon de la chaîne de valeur, du producteur initial au consommateur final. De ce système découlent une réactivité et une efficacité nettement accrues dans la gestion d’une incohérence de parcours, des crises sanitaires et de provenance. En les anticipant plus tôt dans la chaîne, on évite le gaspillage alimentaire des lots rejetés qui auraient pu être sauvés. Elle peut également éviter les processus de vérifications souvent très longs et faire l’objet d’une validation instantanée entre les organismes, simplifier les audits, les procédures de vérification aux douanes, du respect des réglementations et des nomenclatures.

Elle est à elle seule un système d’approbation basé sur le croisement de données. Enfin, la blockchain fera de l’aliment un créateur de lien comme l’explique Hervé Pillaud au LFDAY 2017.

 

 

Quelques projets ont été lancés…

 

Depuis plusieurs mois, les applications de la blockchain se multiplient en France comme à l’étranger, la plupart d’entre elle suscitent déjà beaucoup d’intérêt. Les degrés de maturité vont du POC (Proof of Concept) aux premiers déploiements, dont voici quelques exemples :

 

  • Connecting Food, startup française, propose une solution technologique innovante, basée sur la blockchain et les clouds, en certifiant en temps réel la conformité alimentaire. Son objectif: prouver les promesses inscrites sur l’emballage. Elle permet aux marques et aux distributeurs de régénérer la confiance des consommateurs pour les produits alimentaires et de protéger leur identité commerciale.

« Nous vérifions ce que la marque ou le retailer ont choisi, décidé et déclaré à leurs consommateurs, est exactement ce qu’il y a dans l’emballage ou dans le produit vendu. » Enjeu important quand « Seulement environ 10% des produits mis sur le marché sont vérifiés et certifiés. », explique Stefano Volpi, cofondateur de la startup.

 

  • Bureau Veritas et la startup Stratumn: le projet blockchain est axé autour de la traçabilité du thon pour aider les entreprises à interagir de manière transparente et fiable avec leurs partenaires.

 

 

  • Ripe, Leur technologie repose sur la transparence et la coordination de l’information dans la chaîne d’approvisionnement en réunissant les capteurs IoT et la technologie blockchain. Un système de tableau de bord dynamique mesure les conditions de croissance, de transport et de stockage afin d’améliorer la compréhension de la provenance des aliments, d’alerter l’écosystème de la détérioration et d’automatiser les achats alimentaires en fonction d’une maturation optimale.

 

  • Filament, La startup tente de mettre au point un réseau sans-fil longue portée pour les objets connectés afin de surveiller la santé des cultures pour ensuite enregistrer les données sur une blockchain. Dans l’industrie, en connectant les objets physiques, cette solution peut aider à réduire les coûts, à accroître l’efficacité, à prendre de meilleures décisions. Dans la distribution, cette solution, permet de suivre plus facilement les niveaux de stock d’inventaire et l’état des machines.

 

  • Arc net a lancé une plate-forme qui crée un ADN numérique unique pour chaque produit. Elle permet de collecter des données, y compris l’ADN animal pendant tout le cycle de vie d’un élément, pour être liées au code arc-net. L’identifiant est affiché sur l’emballage sous forme de QR code pour permettre à l’application mobile d’afficher l’historique complet et la provenance des aliments.

 

  • Provenance déploie une expérience pilote pour établir la traçabilité du thon capturé en Indonésie livré aux restaurants japonais. Les informations proviennent de capteurs ou d’étiquettes RFID et enregistrées dans la blockchain. Elle propose une mise en avant de chaque producteur inscrit sur la plateforme. Celui-ci dispose d’un profil qui détaille ses processus de fabrication et met en valeur la provenance de son produit.

 

Les dérivés…

 

  • Skuchain développe des étiquettes et des codes RFID pour être utilisés avec la technologie blockchain pour se protéger contre la contrefaçon des produits.

 

  • FarmShare utilise la technologie blockchain pour faire progresser l’agriculture soutenue par la communauté, où les gens utilisent une monnaie locale pour acheter des aliments produits localement.

 

  • Full Profile la pépite australienne positionnée sur le commerce de grain a lancé AgriDigital : un service basé sur la blockchain, qui enregistre les transactions physiques de commodités agricoles.

 

  • FoodBlockchain.XYZ, basée en Suisse envisage d’utiliser la technologie blockchain pour gérer les relations commerciales entre les différents acteurs de la chaîne d’approvisionnement en émettant un jeton appelé Foodcoin. Elle permet aux entreprises alimentaires d’acheter des matières premières aux fournisseurs offrant la meilleure combinaison prix, qualité et indicateurs socio-environnementaux.

 

Sans oublier, Alibaba, Wallmart, PwC, AusPost et Blackmores, d’autres exemples emblématiques dans le lancement de cas d’usage.

 

Perspectives…

 

Le chantier est encore grand et les opportunités nombreuses pour ces startups, retailers et marques qui ensemble pourront apporter de réel progrès sur la chaîne de valeur alimentaire et répondre aussi à nos attentes de transparence abordées dans mon précédent article.

Cette technologie disruptive n’en est qu’à ses balbutiements et il reste d’importants progrès à accomplir, notamment sur le rôle des objets connectés dans la fiabilité de la saisie des données car en soit la blockchain n’authentifie pas les données mais prouve leurs existences à un moment T. Des enjeux d’ordre technique dans la standardisation des protocoles d’échanges pour l’interopérabilité des systèmes, d’ordre juridique dans l’établissement de mécanismes de régulation et de résolution de conflit et d’ordre organisationnel sont également à prendre en compte dans le passage de sa mise en pratique.

 

« Pour anticiper la révolution blockchain, et face aux incertitudes concernant cette technologie, trois principes d’actions ressortent pour aider les décideurs à être prêts en cas d’innovation majeure : connaître précisément son environnement, garder toutes ses options ouvertes et ne pas hésiter à mener des expérimentations ». Extrait du livre blanc blockchain, Medef.

 

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Sources d’inspiration :

 

Agroéconomicus – Manifeste d’agriculture collabor’active, Hervé Pillaud.

Bizhackathon blockchain organisé par le MEDEF et son livre blanc

www.decision-achats.fr – « Les bienfaits de la blockchain sur la supply chain »

http://www.georgiacrop.com/research-reveals-what-consumers-want-from-food-and-ag

http://www.foodintegrity.org/research/consumer-trust-research/

http://theconversation.com/blockchains-could-help-restore-trust-in-the-food-we-choose-to-eat-62276

https://agfundernews.com/arc-net-raises-2m-food-supply-chain-traceability-using-blockchain-tech.html

 

Image en tête issue du livre blanc bizhackathon blockchain, MEDEF