En 2020, on aurait pu croire que la pandémie aurait boosté le streaming musical à l’instar du streaming audiovisuel et sa tête de proue Netflix. Cependant les chiffres de cette industrie sonore sont un peu plus contrastés et inquiètent particulièrement, même si ça ne date pas du Covid-19, les artistes qui remplissent les plateformes de contenus. « Justice at Spotify » porté par le syndicat américain des musiciens UMAW, s’engagent pour changer le modèle économique, notamment des royalties, de la plateforme suédoise.

L’industrie musicale en 2020 : Mi-figue, mi-figue

Cette année, les revenus de l’industrie de la musique devrait fondre de 25%. La cause ? Sans surprise, le vertigineux plongeon du spectacle vivant lié à la pandémie mondiale. Désastreux. Soit. Ne nous étendons pas plus.

Il y a cependant des bonnes nouvelles, enfin ça à l’air d’y ressembler en tout cas.

Cette année, Spotify connaît une croissance de ses abonnés et utilisateurs conséquente. En passant de 299 à 320 millions d’utilisateurs actifs dont 144 millions d’abonnés « Premium » sur l’année écoulée, le géant suédois connaît une année record … Mais à relativiser. Certes, le chiffres d’affaires est bon est s’établit à 1,97 milliards de dollars au 1er trimester 2020 (+14% par rapport au 3ème trimestre 2019), pourtant avec un ARPU (revenu moyen par client) en baisse Spotify peine à être rentable.

Spotify ARPU

Pire encore, le résultat de la compagnie est en baisse. D’après BFM Bourse, le résultat opérationnel est passé de 54 millions de dollars au 3e trimestre 2019 à -40 millions au 3e trimestre 2020. Bon.

Heureusement, le marché global de l’industrie du streaming musical s’est tout de même un peu mieux porté en 2020. On note +93 millions d’abonnés premium, soit une hausse de 30% comparé à 2019 … et encore une baisse des recettes mondiales. Le marché du streaming musical a baissé de 2% au deuxième trimestre 2020 dans le monde selon Counterpoint Research (1ère baisse des recettes en glissement trimestriel du streaming musical). Cependant, la croissance à retrouver son niveau pré-épidémique au dernier trimestre 2020.

Trêve d’optimisme. Ne parlons plus macro, parlons micro, parlons musique.

Qualité vs quantité : le PDG de Spotify nous livre son pronostic

Il n’est plus possible d’enregistrer un album une fois tous les trois ou quatre ans en espérant que ce sera assez.”

Le verdict est sans appel. En disant cela, Daniel Ek, s’est évidemment attiré les foudres des artistes à travers le monde. Dans une industrie en crise, cette déclaration de fin juillet n’aura permis que de mettre de l’huile sur le feu.

Dans le secteur, le streaming est devenu le moyen de rémunération numéro 1, d’où la colère légitime des musiciens. En 2001, les artistes pouvaient vivre exclusivement de leurs ventes physiques, le chiffre d’affaire mondial de l’industrie était alors plus élevé. Maintenant, les revenus globaux ont diminués, et le streaming est devenu le nerf de la guerre.

Infographie: La métamorphose l'industrie musicale | Statista

La rémunération des artistes s’avère de plus en plus complexe et profond, fonction de la compétition intensive du secteur, des revenus générés par les utilisateurs des plateformes de streaming en baisse et une inégalité grandissante dans la consommation. Selon Alpha Data Music, sur les 1,6 million d’artistes dont la musique a été mise à disposition sur les plateformes en 2019, 10% ont concentré 99,4% des écoutes. Ce qui signifie que 1,44 million de la communauté d’artistes dont la musique est présente sur Spotify, Apple Music ou Deezer représentent ensemble 0,6% des écoutes globales. Compliqué de se faire sa place au soleil.

De plus l’arrivée de nouvelles fonctionnalités comme celle qui permettra de monnayer une meilleure visibilité ne vas guère dans le sens des revenus des artistes. Spotify va permettre aux artistes et labels musicaux d’influencer ses algorithmes de recommandation en échange d’une diminution de leurs royalties. On imagine facilement les grosses majors et les artistes les plus écoutés qui pourront sacrifier une partie de leurs rémunérations sur quelques titres pour renforcer leur promotion… Conséquence de tout cela, les artistes montent aux créneaux.

« Justice at Spotify » : Les artistes se rebiffent contre le géant du streaming musical

Depuis le printemps, c’est le même refrain : le streaming ne permet pas aux musiciens de vivre décemment et accroît les inégalités. La campagne Pay Performers d’Aepo Artis a été lancée en septembre 2020 nous informant que 90% des artistes reçoivent moins de 1 000 euros par an même si leurs titres sont streamés jusqu’à 100 000 fois sur les plateformes, et seulement 1% des artistes perçoivent un SMIC grâce aux streams.

Il faut tout d’abord comprendre le système de redistribution de Spotify pour mieux cerner le problème

Chaque écoute est comptabilisée, puis mise dans un pot. Les écoutes de l’ensemble des artistes qui sont sur la plateforme dans le monde sont additionnées. Ensuite, les revenus qui viennent des abonnements de ces plateformes sont redistribués aux ayants droit au prorata du nombre d’écoutes sur le total”, comme l’explique Suzanne Lortie, professeure à l’École des médias de l’Université du Québec à Radio canada. En rémunérant les artistes par rapport à la part de marché qu’ils possèdent sur la plateforme, le géant du streaming privilégie les plus gros artistes et prodigue un quasi-monopole des revenus aux trois principales majors : Sony BMG, Universal Music Group et Warner Music Group.

Initiée par The United Musicians and Allied Workers Union outre-atlantique, la campagne “Justice at Spotify” dénonce l’ensemble du système économique instauré par Spotify, notamment au niveau des royalties. Le syndicat et plus de 20 000 artistes (dont DIIV, King Gizzard & the Lizard Wizard…) réclament entre autre une redevance par stream au moins d’un centime de dollar afin de passer d’un modèle « market-centric » à un modèle « user-centric », c’est-à-dire de rémunérer chaque artiste par rapport à leur nombre de streams directs, système déjà en place chez Deezer ou Bandcamp.

Un énième bras de fer de type « David contre Goliath », alors que la solution est pourtant simple : Il suffit de produire plus dixit le PDG du géant suédois ! Tant que l’orchestre joue, on danse …

Au moins il y a désormais un algorithme qui évalue si vous avez des goûts musicaux douteux à partir de votre Spotify que vous pouvez retrouvez ici. A défaut de bien rémunérer les artistes, contentons nous d’un peu d’auto-dérision sur nos goûts musicaux douteux.

Sources

La métamorphose de l’industrie musicale – Statista

Les parts de marché du streaming audio début 2020 – Sound and Vision

Spotify : Troisième trimestre 2020 : quelle croissance des prix ? – Printzblog

1% des artistes représentent 90% des streams selon Alpha Data – Printzblog

Spotify : Le nombre d’utilisateurs augmentent, les pertes aussi – BFM Bourse

Le marché du streaming musical en ligne en baisse de 2% au deuxième trimestre 2020 au niveau mondial – Offremedia.com

Streaming musical : Des miettes derrière le mirage – Libération

Spotify veut monnayer une meilleure visibilité des artistes contre une baisse de leurs revenus – Clubic

Sur Spotify, 90% des artistes reçoivent moins de 1 000 euros par an – Tsugi

Justice at Spotify” : 10 000 artistes se soulèvent contre la plateforme – Tsugi