Ma première expérience avec BlaBlaCar.

J’ai testé pour vous BlaBlaCar. Le champion planétaire de la sharing economy et accessoirement leader français des services de covoiturage. Une petite start-up devenue licorne et donc valorisée au-delà du milliard de dollars. J’intégrais ainsi un club de 20 millions d’utilisateurs dans 19 pays. C’était à l’occasion d’un voyage depuis Paris vers le Périgord pendant les vacances de Noël.


La sharing economy pour les nuls

Alors, pour ceux d’entre vous qui auraient passé les dernières années en hibernation au fond d’une grotte. Pour ceux qui n’avaient jusque-là jamais entendu parler de sharing economy. Il s’agit d’un nouveau mode de consommation qui privilégie l’échange de biens et de services entre personnes à l’achat de nouveaux produits. La sharing economy repose sur :

  • Une organisation en réseaux et communautés.
  • Une mutualisation de ressources matérielles ou immatérielles.
  • Une intermédiation via des plateformes numériques.
  • Des échanges plus horizontaux (moins de hiérarchie).

Concrètement, avec BlaBlaCar, société créée en 2004 et connue jusqu’en avril 2013 sous le nom de covoiturage.fr, des conducteurs et des passagers souhaitant partager un trajet et les frais associés (essence et péages) sont mis en relation par ce service de covoiturage. Les conducteurs publient leurs places disponibles et les passagers les achètent en ligne. Une partie de la somme revient au site pour son rôle d’intermédiaire.

Et cela se démocratise.

Déjà, en 2015, la quasi-totalité de la population avait eu recours au moins une fois à la sharing economy. Covoiturage, vente sur le Bon Coin ou encore logement loué sur Airbnb, plus de 60% le faisait même régulièrement. Et les nouveaux usages ne font que se développer : conciergerie entre voisins, déménagement ou garde-meubles entre particulier, potager partagé, demain tout sera collaboratif !

De quoi continuer à participer à la hausse du pouvoir d’achat, au-delà des 495 euros par an en moyenne que ces nouveaux modes de consommation apportent actuellement aux Français. (étude CSA pour l’organisme de crédit à la consommation Cofidis)

 

Sharing economy, de nouveaux modes de consommation massivement adoptés par les Français.  

Leur principale motivation est pécunière.

Jusqu’à ce mois de décembre, je ne faisais donc pas encore partie du tiers des Français qui avait déjà pratiqué le covoiturage. Et pour qui la motivation à consommer « collaboratif » était principalement financière. Toujours d’après l’étude CSA, on y apprenait que 87% des Français recouraient à l’économie collaborative pour économiser de l’argent. 76% pour en gagner. Il faut dire qu’en France, entre crise et précarité, avec le prix des trajets en train qui reste souvent élevé (et opaque), et le coût du déplacement en voiture, justifier de partager ses frais avec d’autres passagers à l’occasion d’un covoiturage prend tout son sens. Tout cela en gagnant également en souplesse.

Cependant, il s’agit d’une préoccupation compatible avec l’envie de se sentir utile, que revendiquaient 41% des consommateurs.

« La sharing economy permet aussi de soigner un mal de notre société qui est la distanciation du lien social. Le covoiturage rompt par exemple la solitude, permet de faire de nouvelles rencontres et de passer un moment convivial, en même temps que des économies». Céline François, directrice marketing de Cofidis France.

 

Volet économique (réduction du coût du voyage), volet social (échange et liens entre les personnes) mais également volet écologique (ne pas prendre de multiples voitures pour un seul et même voyage). J’avais envie de découvrir quelles étaient les (réelles) motivations de ces hommes et femmes que je ne connaissais pas encore mais qui allaient passer plusieurs heures dans ma voiture.

 

L’application BlaBlaCar : une expérience client optimale de la sharing economy

Pour chaque entreprise, digitale ou non d’ailleurs, l’enjeu de 2017 sera l’expérience client.

Je dois avouer avoir été bluffé par ce que BlaBlaCar m’a proposé sur cet aspect-là. Ma customer journey a été extrêmement fluide.

  1. Proposer un trajet : le prix m’est recommandé par BlaBlaCar pour m’adapter au mieux à l’offre et la demande. Je pouvais ainsi optimiser mes chances de trouver des covoitureurs.
Publier une annonce - sharing

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  1. Puis communiquer avec des personnes intéressées : vous pouvez répondre en public ou en privé.
Communiquer - sharing

Communiquer – sharing

  1. Après, gérer l’annonce.
Gérer l'annonce - sharing

Gérer l’annonce – sharing

  1. Se contacter : une fois le covoiturage accepté, nous pouvons entrer en contact avec nos covoitureurs. Les informations sont fournies par BlaBlaCar.
Se contacter - sharing

Se contacter – sharing

  1. Proposition d’un lieu de rendez-vous : une fonctionnalité permet de définir précisément le point de rencontre.
Rendez-vous - sharing

Rendez-vous – sharing

  1. Enfin, paiement : la saisie du RIB permet d’être payé par BlaBlaCar, après que les covoitureurs aient confirmé avoir voyagé avec vous.
Paiement - sharing

Paiement – sharing

En vidéo, c’est plus sympa.




et même en brésilien !




Néophyte, j’ai tout de suite été mis en confiance puisque les ‘blablacaristes’ sont autant de profils renseignés sur le web et jugés par leurs pairs.

Ainsi, en quelques minutes, je me suis donc retrouvé avec 3 inconnus prêts à monter dans ma voiture. C’est çà la sharing economy !


Pour être bien noté, les conseils de BlaBlaCar

Le meilleur profil

Pour donner confiance aux passagers, le ­conducteur a intérêt à être complet  : mettre sa photo, indiquer son modèle de voiture, ses préférences (cigarette ou non, musique, niveau de discussion…), ainsi que les détails du trajet (lieu de départ exact, possibilité de faire des pauses, nombre de personnes à l’arrière, etc.)

Monter en grade

Les avis positifs reçus, comme l’ancienneté et le profil, permettent de « monter en grade  » : un membre de Blablacar peut ainsi être ­ «  débutant  », «  habitué  », «  confirmé  », ­ «  expert » ou « ambassadeur  ». Ce dernier statut ouvre la porte d’une communauté qui organise des ­festivités et peut télé­conseiller bénévolement les nouveaux ­arrivants sur le site.


           

Et alors ce trajet collaboratif, comment s’est-il passé ?

C’était l’un pour ne pas dire le but de mon test.

Dresser, sans tomber dans la caricature, le portrait-robot de mes partenaires de voyage. Enfermé durant 4 heures dans un habitacle étroit avec eux, je vais m’y aventurer.

Premier constat : il n’y a que des hommes qui ont répondu à ma proposition de voyage. En tant que nouvel inscrit de sexe masculin, j’ai sans doute fait peur aux femmes. BlaBlaCar a créé la parade à cela : la possibilité pour une femme qui préfère voyager sans homme d’utiliser le filtre Entre femmes. Il est disponible pour les femmes qui se sont connectées avant de chercher des trajets.

This is Ladies'car - sharing

This is Ladies’car – sharing

Côté diversité, je crois que j’ai eu la chance d’être servi. Il y a là :

  • Yassine, 18 ans, l’étudiant sans trop de moyen financier. Assis à l’avant. Sa devise est très claire, le traditionnel ‘c’est moins cher que la SNCF’, annonçant une vision bien financière du covoiturage.
  • Dimitri, 30 ans, l’usager occasionnel parce-que son permis a été momentanément retiré par la gendarmerie. Trop ivre de sa soirée de la veille pour rester éveillé plus de 15min.
  • Jérémie, 32 ans, l’adepte du covoiturage de la première heure. Qui m’en explique toutes les vertus sociales. Me dit que « c’était mieux avant ». Le premier à mettre ses écouteurs dès lors que nous rentrons sur l’autoroute, sans doute blasé par ses 2 compagnons de route qui ont rendu le covoiturage purement économique.

Est-ce que cette répartition indiquée par BlaBlaCar allait s’avérer réelle pour mon premier covoiturage ?

Bien que je me sois efforcé  d’instaurer des relations humaines harmonieuses au sein de cette micro-société éphémère. Alors que je pensais pouvoir vous faire partager mon retour sur le concept des vertus sociales. Je crois malheureusement pouvoir résumer en quelques lignes l’ensemble des dialogues de nos 4 heures de voyage :

*******
De 16h à 16h15 :
Questions générales : « Tu habites où ? Tu travailles chez qui ? Tu faisais quoi sur Paris ?»
De 16h15 à 16h20 :
Questions logistiques : « Je vous dépose où ? »
De 16h20 à 16h30 :
Question de principe : j’essaie de relancer la discussion plusieurs fois, sans succès…
19h15 :
Dépôt de Dimitri à Limoges.
19h30 :
Remarque de Yassine : il y a du brouillard ce soir
19h45 :
Question de Jérémie : vous n’êtes pas fatigué ?
20h :
Arrivée à Brive : clin d’œil à nos amis de la SNCF, je dépose les 2 derniers survivants à la gare (à leur demande, j’ai fait preuve de souplesse en m’éloignant de l’autoroute)

*******

Bref, un expérience à la fois riche et pauvre… Car au fond, au-delà de l’aspect financier, ce qui m’intéressait le plus finalement, c’était de passer un moment sympa à discuter de la pluie et du beau temps avec mes camarades de trajet. J’en arrivais donc à la conclusion que le covoiturage n’était plus social ou écologique, mais purement économique.

Mais une petite astuce devrait m’aider à pallier cela lors de mon projet trajet. En terme de stratégie, pour éviter de passer 80% sans parler  :

  • Ne faire monter personne dans la voiture tant que tout le monde n’est pas là.
  • Poser les questions générales avant de monter en voiture.
  • Faire en sorte de faire s’asseoir à l’avant la personne qui me parait la plus sympa.

 

Des partenariats efficaces et bien ciblés

Pour agrémenter le voyage qui peut donc parfois être laborieux, BlaBlaCar a mis en place quelques partenariats vraiment bien pensés.

Avec Autogrill®, 1 café offert pour tous les membres BlaBlaCar le jour du covoiturage

Avec Total®, les conducteurs résidant en France qui utilisent pour la première fois le service de réservation peuvent bénéficier d’un bon de carburants de 20€.

 

 

Le modèle économique et fiscal du covoiturage

De nombreux Français se posent la question de savoir s’ils doivent déclarer ou ne pas déclarer les revenus qu’ils tirent des plateformes de covoiturage. L’administration fiscale vient de publier une instruction qui indique clairement les activités soumises à une obligation de déclaration des revenus et celles qui ne le sont pas.

« Le covoiturage se distingue des activités de taxi et de voitures de transport avec chauffeur en ce qu’il consiste en l’utilisation en commun d’un véhicule (…) par un conducteur et un ou plusieurs passagers, effectuée à titre non onéreux, excepté le partage des frais, dans le cadre d’un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte».

Autrement dit, cette activité bénéficie de l’exonération à condition que les prix que le conducteur propose ne servent qu’à couvrir les frais directs supportés lors de ce déplacement (péage, carburant). Précision importante : les frais partagés ne doivent pas inclure la part de la personne qui propose le service.

«En effet, les notions de partage de frais et de co-consommation supposent que cette personne supporte personnellement sa propre quote-part de frais et ne bénéficie d’aucune forme de rémunération, directe ou indirecte, au titre de la prestation qu’il rend et dont il bénéficie en même temps»

Ainsi, contrairement à un service de transport de personnes à but lucratif, le covoiturage n’est pas censé rapporter de l’argent au conducteur, qui est seulement dédommagé d’une partie des frais engagés pendant le trajet. Si le revenu réalisé dépasse le montant du partage de frais, il est imposable au premier euro. C’est dans pour cela que BlaBlaCar indique dans ses communications ‘économisez de l’argent’ et non ‘gagnez de l’argent’. Enrichissement forbidden !

 

Mon modèle économique à moi

Mes dépenses
Essence : -56,07€
Péage : -19,40€
Total : -75,47€

Mes recettes
Yassine : +28€
Dimitri : +28€
Jérémie : +28€
Total : +84€

Note de moi-même : j’ai l’impression que je vais devoir de l’argent aux impôts 🙂

Recettes BlaBlaCar

Yassine : +6€ (17,5% du prix du voyage)
Dimitri : +6€ (17,5% du prix du voyage)
Jérémie : +6€ (17,5% du prix du voyage)
Total : +18€

En 2016, les frais facturés par BlaBlaCar, à la charge du passager, sont de 1,60 € par trajet pour les trajets de 8€ et moins, de 20% pour les trajets entre 8 € et 20,80 € et dégressifs en % ensuite. Je trouve que ces montants ne sont pas du tout exagérés.

 

Les contestations au modèle payant de BlaBlaCar

Tout le monde n’est pas de mon avis.

Pionnier et libérateur de la sharing economy sur Internet, le site covoiturage.fr est la résultante de plusieurs facteurs sociologiques et économiques (dont l’augmentation significative du prix du litre d’essence) qui ont permis l’émergence d’un état d’esprit covoitureur à la fin des années 2000.

En 2012, le site a rendu payante la mise en relation de ses membres. Du coup, certains conducteurs ont eu l’impression de se transformer en taxis, transportant des jeunes qui mettent leurs écouteurs ou des personnes âgées qui voulaient absolument être déposées au pied de chez elles.

Un community manager de BlaBlaCar se justifiait ainsi en réponse à un article très critique.

« Depuis la mise en place du service de réservation, le nombre de covoitureurs a explosé : il y a maintenant plus de 3 millions de covoitureurs inscrits sur BlaBlaCar, contre 1 million en avril 2011. Ils ont (…) le besoin d’être rassurés, le besoin de savoir que derrière le profil d’un membre il y a une vraie personne avec un email certifié, un numéro de téléphone certifié et aussi un RIB. Et pour les conducteurs, le besoin de savoir que les passagers seront au rendez-vous. 

(…) Chez BlaBlaCar nous avons choisi d’aller dans le sens de la fiabilité et de la confiance pour que le covoiturage devienne un moyen de transport comme les autres, et accessible à tous. »

Une offre alternative essaie de se créér

Ainsi, certains covoitureurs de la première heure se sont inscrits sur d’autres sites mettant gratuitement en relation conducteurs et passagers. Avec l’espoir de côtoyer des covoitureurs qui certes, paient leur trajet, mais demeurent plus proches de l’idéal solidaire des débuts.

Si aujourd’hui le nombre de plateformes proposant des covoiturages gratuits est conséquent, l’offre proposée n’en reste pas moins très limitée. Il n’existe pas de réelle alternative à BlaBlaCar et ses 90% de parts de marché. Cela démontrant assez facilement que le passage au payant a permis de lever les freins et les craintes des gens, en leur offrant des potentielles rentrées financières. C’est cela qui a permis de démocratiser le covoiturage.

Des alternatives essaient de se développer - sharing

Des alternatives essaient de se développer – sharing

Alors, revenir aux valeurs de partage et de solidarité, pourquoi pas. Mais avec un mastodonte comme BlaBlaCar en face, le pari de créer une communauté conséquente est très hypothétique. Et même si le marché est amené à grossir significativement. En effet, si aujourd’hui 1,6% des déplacements longue distance sont effectués en covoiturage, le Commissariat général au développement durable prédit une hausse de 60% de cette part de marché dans les années à venir.

 

Et demain, quel type de covoiturage ?

  • Le court-voiturage

Selon une enquête de septembre 2016 de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), seuls 3% des déplacements domicile-travail sont effectués en covoiturage, alors que les courtes distances représentent 98% des sorties en voiture. Une pratique considérée comme contraignante en France (contraintes d’horaires et de l’incertitude du trajet retour entre autres) ramenée à un gain de 2 euros (le prix d’un ticket de métro) et au temps nécessaire à publier une annonce…

En ces périodes de pollution et de circulation alternée, réduire la circulation et l’empreinte carbone serait pourtant un beau challenge. Plusieurs start-up de la sharing economy (sharette, Wedrive) ont dû fermer faute de financement. Mais l’avenir passera peut-être par les algorithmes : karos s’appuie dessus pour anticiper les besoins et faire correspondre automatiquement l’offre et la demande. Et ainsi faciliter la vie de ses utilisateurs.

  • Le ‘co-motorage’

Original, Mapool parie lui sur le ‘co-motorage’ avec le partage des trajets en 2 roues pour ceux qui veulent se déplacer en ville. On en parlait déjà sur France2 en 2015.




  • Le cocamionnage

Alors oui, le trajet en camion a même été imaginé avec We truck. Victor Clément s’était inspiré de son expérience. Ainsi, il racontait que visitant les châteaux de la Loire, il devait se rendre en Bourgogne chez sa grand-mère. Le trajet était long et coûteux en train. L’offre de covoiturage très faible dans cette région. Les camions en file indienne sur la route allaient lui donner l’idée de faire voyager des particuliers avec des chauffeurs poids-lourd. Seulement voilà, l’idée aussi bonne fut-elle, a tourné court faute de viabilité.

Et pour aller encore plus loin

Demain, le covoiturage sans covoitureur : les voitures autonomes

« Faire partager un véhicule à deux inconnus et leur faire apprécier l’expérience est un premier pas vers l’idée de faire confiance à une machine et demain à une voiture autonome ». Robert Sadow

Je vous laisse méditer sur ce présage de Robert Sadow qui voit dans cette technologie une future disruption des activités des start-up de la sharing economy.