1h20

C’est le temps passé par les français sur les réseaux sociaux en moyenne chaque jour. 1h20 à publier, liker, visionner, follower, partager, commenter.

Ces espaces, où les images et les vidéos s’échangent par millions à la minute sont devenus les extensions de nos lieux de discussions. Contenu, Émotion, Engagement sont désormais les maîtres-mots des experts du marketing.

Les réseaux sociaux comme vecteurs de visibilité de l’art ?

Le rapprochement pourrait être évident. Parce que s’il y a un domaine qui suscite l’émotion, propose du contenu, sollicite nos sens, bouleverse les codes, c’est bien celui de l’art.

Parallèlement, la prépondérance de l’image, langage phare des réseaux sociaux, permet une meilleure accessibilité à l’art. Ils modifient le rapport du public à la création. Les œuvres sont largement partagées et commentées, comme le montrent les chiffres des mentions liées à l’art sur Instagram.

Mentions art Instagram

Les nouveaux usages des acheteurs d’art   

Selon le rapport Hiscox 2016 sur le marché de l’art en ligne, les réseaux sociaux sont une passerelle directe vers un public souvent plus jeune, réactif et à fort potentiel, complémentaire des habitués des salles de ventes et des galeries.

    • 31% des personnes interrogées reconnaissent être influencées par les réseaux sociaux lors de l’achat d’oeuvres d’art
    • le chiffre monte à 38% chez les nouveaux acheteurs plus habitués à ces pratiques
    • poussées par le middle market, les ventes d’art en ligne ont progressé de 24% en 2016

Facebook et Instagram sont les réseaux préférés des acheteurs d’art. 55% utilisent le premier et 50% consultent le second pour leurs recherches.

Facebook apporte l’information et permet d’engager la discussion. Instagram est un catalogue géant avec la promesse d’un engagement 58 fois plus important que sur FB. Très prisé par les journalistes, Twitter est aussi fortement utilisé par les professionnels pour partager les actualités du marché. Quant à Pinterest, l’art fait partie du top cinq des catégories les plus partagées. Les collectionneurs y sont très présents.

Artistes et réseaux sociaux, pourquoi cette retenue ?

Malgré l’opportunité que montrent ces chiffres, les artistes s’exposent peu sur ces espaces. Pour prendre le cas d’Instagram, seuls 33% des plasticiens, photographes et designers français l’utilisent pour montrer leur travail.

Réticences et convictions d’usage. Le secteur de la musique est en cela beaucoup plus décomplexé et on ne compte plus le nombre de jeunes musiciens qui se sont fait connaître via Youtube. Questions de droits, de protection des oeuvres, crainte de dévaloriser la création, manque de temps. Les raisons sont multiples. De surcroît un artiste n’est ni un marketeur ni un content manager.

Pourtant, l’enjeu est important pour ceux qui ne sont pas épaulés par des galeries ou qui n’appartiennent pas à des collectifs.

Comment émerger aujourd’hui pour un jeune artiste tout en protégeant son travail ? Difficile dans cette multitude. Mais à l’ère de la viralité et de l’émotion ciblée l’usage des réseaux doit être considéré comme un immense espace d’expression pour les créateurs.

Quelques usages et exemples d’un mariage heureux :

Moyen de se faire connaître, susciter la curiosité – La vitrine

Le premier atout des réseaux sociaux est la possibilité qu’ils offrent aux artistes de gagner en visibilité auprès des professionnels et du public. Ils permettent aux premiers de repérer des talents au delà des circuits traditionnels.

De plus la finesse des algorithmes permettant de suggérer des profils selon ses centres d’intérêt est incontestablement un levier d’exposition qualifiée pour un artiste. Miser sur ces espaces, c’est aussi faire le pari de s’adresser à un public plus large, moins averti mais sensible et “web friendly”. N’oublions pas que les acheteurs de demain sont aussi sur la toile.

Le cas de VuThéara Kham est assez emblématique. Ce jeune franco-cambodgien a commencé à publier aux tout débuts d’Instagram. Totalement autodidacte, le photographe joue parfaitement avec les codes du réseau social qui le sélectionne quelques mois dans les “utilisateurs suggérés”. Des journalistes le repèrent, des personnalités influentes le suivent. Il participe à des Salons, est exposé par la galerie Daniel Templon, ses clichés ont été publiés par les Éditions La Martinière dans PointOfVuth. Il travaille pour de nombreuses grandes marques et compte aujourd’hui 1,2 million d’abonnés, plus que le très médiatique JR (980K).

Reseaux sociaux VuTheara Instagram

Raconter l’histoire, engager, l’art du teasing – L’atelier

L’autre avantage des réseaux est de proposer un espace d’expression sans contrainte de temps ni de lieu. C’est important car les rapports à la création et à l’artiste changent. Raconter la génèse de l’oeuvre, c’est permettre de mieux l’appréhender au moment de sa découverte.

Comme créer une sorte de teasing, susciter l’envie. Engager le public dans le processus créatif via des valeurs exprimées ou des collaborations mises en avant. Partager un univers créatif pour donner envie de voir le résultat en vrai.

Parlant d’Instagram, la photographe brésilienne Adriana Zehbrauskas, déclare :

« Naturellement, c’est devenu un endroit où je pouvais poster des images d’histoires sur lesquelles je travaillais et qui ne pouvaient pas forcément trouver un espace dans le print”

JR, artiste français le plus liké du web crée des oeuvres monumentales et éphémères qui induisent la viralité. 1,4 million d’interactions pour cet appel à contribution : trouver un mur libre afin d’y exposer la couverture de l’ouvrage « Inside Out ».

Reseaux sociaux JR Facebook

Le Work in Progress de la série « Swimming Pool » Maria Svarbova sur Instagram

Espace de liberté – La Scène d’un engagement

Le cas d’Ai Weiwei est emblématique. Consacré personnalité la plus influente du monde de l’art en 2011 par Art Review, Ai Weiwei est surtout connu pour son militantisme. Pluridisciplinaire, cet artiste majeur de la scène artistique chinoise crée une dimension virale à chacune de ses actions. Twitter est son média de prédilection. Son compte comptabilise 345K followers. Il a su atteindre un public qui se reconnaît parfois plus dans ses engagements politiques que dans ses performances artistiques.

Reseaux sociaux AiWeiwei Twitter

 

 Entretenir le lien, attirer dans les lieux de vente – Vers l’espace d’exposition

Au-delà de la visibilité, travailler les réseaux sociaux permet de garder le lien avec les professionnels et le public. Fidéliser, donner envie de voir l’oeuvre in situ puis susciter l’acte d’achat

Jérôme Hirson est un céramiste-potier. Sur Facebook, il partage les échos médiatiques de son travail, celui d’autres artistes, informe des manifestations liées à son art. Sur Instagram, il montre ses créations. Son profil est extrêmement bien travaillé. Il réussi à reproduire le caractère épuré et esthétique de son travail. Utilisation très bien pensée des réseaux sociaux.

JHirson Reseaux sociaux

Ces exemples montrent la variété des utilisations possibles des réseaux sociaux pour les créateurs d’art. Mais la complexité des usages est telle qu’ils ne peuvent être que menés de concert avec l’ensemble des professionnels du marché. Galeries, Salons, Institutions culturelles en première ligne.

 

Sources : Rapport Hiscox 2016 sur le marché de l’art en ligne – Alexia Guggemos  L’observatoire du web social dans l’art contemporain – Club Innovation & Culture – Anatole Magazine