Matthew Mullenweg a fondé Automattic en 2005. Cette start-up développe et édite différents logiciels, dont le fameux CMS (Content Management System) de blogging WordPress. Agé de 19 ans à l’époque, Matt Mullenweg fait partie de ces jeunes créateurs d’entreprises qui révolutionnent aujourd’hui le management, à l’image d’un Alexandre Malsch de Melty. Cette innovation va au-delà du management, et débute dès le recrutement de leurs collaborateurs. Le recrutement chez Automattic passe par les essais.

 

Matt Mullenweg, créateur d'AutomatticUsant tout d’abord de méthodes de recrutement traditionnelles, telles que la sélection sur CV, la tenue d’un entretien, et enfin la délibération entre collaborateurs impliqués, Matt Mullenweg s’est vite rendu compte que des critères secondaires primaient sur les compétences professionnelles. Il se retrouvait à sélectionner un collaborateur, à la suite d’un entretien classique, parce que l’apparence de celui-ci, sa politesse, son éducation lui convenait, ou bien tout simplement parce qu’il savait charmer son auditoire.

Mais le charme ne signifie pas efficacité pour un poste de travail, hormis si ce poste requiert d’être charmant. Il s’agissait pour Automattic de mettre au point un système de sélection qui mette le candidat dans de réelles conditions de travail.

S’adapter aux conditions de travail d’une start-up

Une règle chez Automattic : la façon dont vous travaillez les importe peu, ce qui prime c’est le résultat. Il n’est donc pas rare que les collaborateurs décident de travailler toute une nuit plutôt que la journée. La plupart des postes sont des postes qui ne nécessitent pas une présence de bureau. Les collaborateurs peuvent travailler de chez eux et échangent entre eux grâce aux messageries instantanées.

Scott Berkun, ancien cadre de Microsoft, s’est plié à ces règles – ou non-règles de travail et en a d’ailleurs écrit un livre « The Year without pants : WordPress.com and the future of work ». Le titre est suffisamment évocateur pour comprendre la liberté laissée aux employés d’Automattic.

Néanmoins, cette liberté demande une capacité d’adaptation et d’autonomie, qui ne se dévoilent pas toujours lors d’un entretien d’embauche.

Le digital prend le pouvoir en matière de recrutement

Matt Mullenweg sélectionne les potentiels candidats de manière plutôt classique, en épluchant les CV reçus. Il se focalise sur les compétences souhaitées, l’expérience éventuelle dans une start-up, voire en tant qu’indépendant. Le niveau d’études n’est absolument pas pour lui significatif.

Consacrant un tiers de son temps au recrutement, Matt Mullenweg procède lui-même aux entretiens d’embauche. Ces entretiens se déroulent par écrit, via la messagerie instantanée de Skype. Sans avoir aucune idée du sexe, de la provenance, de l’identité, du look même de son interlocuteur, il affine ainsi sa sélection.

Jusqu’ici, me direz-vous, sélections de CV, entretiens (bien que par messagerie instantanée), ce recrutement semble plutôt traditionnel. Et c’est dans la suite que le recrutement devient innovant.

Un essai déterminant pour confirmer une embauche

En France, les périodes d’essai, on connaît bien sûr. Mais la période d’essai en France découle une pré-appartenance à l’entreprise. Elle survient après un certain nombre d’entretiens, vérifications, tests, négociations de salaire… Toutes ces étapes représentent un réel coût pour l’entreprise, financier et temporel. Pour l’employé, ce coût est encore plus lourd à supporter, puisque pour effectuer une période d’essai, il a auparavant quitté son poste, parfois déménagé, et si cette période ne débouche pas sur une embauche, il se retrouvera dans une situation précaire.

Ce que propose Matt Mullenweg, c’est une période allant de 3 à 8 semaines, pouvant être effectuée selon la disponibilité du candidat. Celui-ci peut ainsi rester en poste dans sa précédente entreprise, et effectuer son essai le soir, le week-end ou bien lors de ses vacances, à raison de 10 à 20 heures par semaine. Durant cet essai, le candidat se doit d’effectuer des tâches réelles, s’approchant le plus possible du poste proposé.

Le candidat est rémunéré pendant cet essai sur la base de 25€/heure, quelque soit le poste futur. Aucune négociation de salaire n’est faite en amont.

Le debrief est réalisé à nouveau sur Skype, à nouveau via la messagerie instantanée.

Les réels critères de recrutement pour Automattic

Outre des compétences techniques, la valeur d’un candidat, pour Matt Mullenweg, réside dans sa motivation, sa manière de gérer ses erreurs et sa capacité de communication par écrit. Ce dernier point est primordial puisque la plupart des collaborateurs travaillent à distance.

Automattic, éditeur de WordPress, des collaborateurs dans le monde entier

Travailler pour Automattic signifie travailler à distance avec ses collaborateurs.

Par ailleurs, le candidat n’est pas mis en compétition avec d’autres candidats. Ces essais permettent surtout au recruteur de le confronter aux normes de travail de l’entreprise. Ils donnent aussi la possibilité au candidat, mais aussi aux collaborateurs au sein de l’entreprise de savoir si leur relation de travail sera fructueuse. La complicité entre les membres d’une même équipe est pour Matt Mullenweg, une valeur essentielle pour conserver les collaborateurs qui construiront le futur de l’entreprise au fil des années, notamment dans un secteur d’innovation permanente.

Un recrutement basé sur les essais qui limite le turnover

Ce système de recrutement a permis depuis mars 2013, de présélectionner 314 candidatures reçues. De ces 314 candidatures, ont découlé 38 recrutements, après 94 essais réalisés. Sur ces personnes embauchées, seules deux personnes sont parties de l’entreprise.

Beaucoup d’experts RH ont émis des doutes quant à cette méthode qui mobilise les ressources de l’entreprise lors de l’encadrement de ces « essayeurs ». La plupart jugeaient cette technique non adaptable à une entreprise de plus de 10 salariés. Aujourd’hui, Automattic emploie presque 250 personnes, répartis dans le monde entier. Ces essais ont permis de découvrir des candidats à même de mener des projets partagés par des collaborateurs disséminés géographiquement.

Source: Harvard Business Review