Reconnaissance faciale : vers une interdiction d’utilisation dans les espaces publics en Europe ?

 

 

Levée de boucliers en Europe sur l’utilisation de la reconnaissance faciale : l’Europe envisage d’interdire la reconnaissance faciale dans les espaces publics pendant une durée de trois à cinq ans.

Un livre blanc de dix-huit pages va être présenté en plein débat à la Commission Européenne. Il portera sur l’utilisation de ces technologies à base d’intelligence artificielle pour des raisons sécuritaires et de maintien de l’ordre dans les lieux publics.

Mais pourquoi une telle levée de boucliers ?

La reconnaissance faciale, c’est quoi ?

Quelle est son utilisation dans le monde et plus particulièrement en France ?

Quels sont les risques pour la protection de données et pour la liberté ?

Doit-on en avoir peur ?

 

Avant d’aller plus loin, la reconnaissance faciale, qu’est-ce que c’est ?

 

La reconnaissance faciale est une technique qui permet, à partir des traits de visage,

  •  l’authentification d’une personne : vérifier qu’une personne est bien celle qu’elle prétend être (dans le cadre d’un contrôle d’accès par exemple)

ou

  • l’identification d’une personne :  retrouver une personne au sein d’un groupe d’individus, dans un lieu, une image ou une base de données.

(Source : Commission nationale de l’informatique et des libertés -CNIL)

 

reconnaissance faciale définition.

reconnaissance faciale définition (source Le Parisien)

 

Selon une étude du cabinet Mordor intelligence, le marché mondial de la reconnaissance faciale est estimé à 5,07 milliards de dollars en 2019 et dépasserait les 10 milliards en 2025.

 

Quelle est la mise en application de la reconnaissance faciale ?

 

La reconnaissance faciale a diverses applications dont la vidéo surveillance, la domotique ou encore la robotique.

Sa mise en application est très variée en fonction des pays. Voici quelques exemples:

Du smartphone déverrouillé à l’ouverture d’un compte bancaire, au passage de commande d’un burger et paiement chez Caliburger en 2017, de la vidéo surveillance dans les aéroports US à la surveillance par les forces de l’ordre jusqu’au contrôle des populations en Chine !

La Chine va d’ailleurs encore plus loin avec l’instauration d’un crédit social Bonus/ Malus en fonction du « comportement » des citoyens ou bien, encore, l’obligation de reconnaissance faciale pour tout achat d’abonnement mobile.

En France, où en sommes-nous ?

Juridiquement encadrée par le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) de mai 2018 et par la Loi Informatique et Liberté (CNIL) de 1978, l’utilisation de la reconnaissance faciale est uniquement permise dès lors qu’il y a consentement de la personne concernée. Les applications sont nombreuses en dépit de alertes faites par la CNIL et par certaines associations et politiques.

Savez-vous que la reconnaissance faciale est présente depuis de nombreuses années dans notre quotidien sans que nous n’en soyons vraiment conscients ?

Vous avez peut-être déjà :

  • Déverrouillé votre smartphone (fonctionnalité disponible depuis 2017 chez Apple)
  • Ouvert votre compte bancaire (la Société Générale le propose depuis 2018)
  • Passé les portiques aux Aéroports de Paris, à la gare du Nord pour l’Eurostar depuis 2018 dans le but de fluidifier les contrôles aux frontières, au regard du nombre croissant de passagers et des menaces terroristes potentiels sur le transport aérien.
  • Accédé au service public en ligne : Alicem

Le ministère de l’intérieur a lancé Alicem, en phase de test depuis juin 2018. Cette application pour smartphone développée par le ministère de l’Intérieur et l’Agence Nationale des Titres Sécurisés (ANTS) permet à tout particulier, après consentement, de prouver son identité sur Internet et d’accéder à plus de 500 services publics ou privés.

 

Alicem : définition

Alicem : définition  (source Ants)

 

  • Assisté à certains événements culturels après consentement des participants etc. …

Pour ses défenseurs, la reconnaissance faciale permet des identifications fiables et sécurisées et son utilisation permet même de sauver des vies. N’a-t-elle pas permis de retrouver des enfants perdus en Inde ?

Le 14 janvier dernier, la reconnaissance faciale était l’un des sujets prépondérants de l’édition 2020 de la NFR à New York City avec une orientation plus marketing : au-delà de l’aspect sécuritaire et de paiement, la société PopID travaille actuellement sur la personnalisation de l’offre Client en fonction de son historique de commande mais aussi de son humeur…

Pour ses détracteurs, la reconnaissance faciale, c’est une atteinte à la vie privée.  Ils soupçonnent même une surveillance généralisée, un détournement des données biométriques.

Vous l’aurez compris, cette technologie ne laisse indifférent. Le système de reconnaissance faciale reste très controversé tant sur son efficacité que sur la protection des données et des libertés individuelles.

« De nouveaux outils de captation et d’exploitation vidéo se développent pour prévenir notamment des troubles à l’ordre public. Face aux enjeux qu’ils posent et à la nécessaire mise à jour du cadre juridique, la CNIL demande au Législateur de se saisir de ces questions. » (source CNIL)

En décembre dernier, Cédric O, le Secrétaire d’État en charge du Numérique, a émis le souhait de lancer, sur une période de six mois à un an, une phase d’expérimentation de reconnaissance faciale en temps réel sur les images de vidéo surveillance. Mais alors, comment le gouvernement prévoit-il de récolter le consentement des citoyens au regard du RGPD ?

La CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés), des associations comme La Quadrature du Net et le Conseil National du Numérique réclament, depuis septembre 2018, un cadre légal pour l’utilisation de la reconnaissance faciale pour trouver un

« juste équilibre entre les impératifs de sécurisation, notamment des espaces publics, et la préservation des droits et libertés de chacun. » (Source Cnil)

De quel retour d’expérience dispose-t-on sur l’utilisation de la reconnaissance faciale ?

 

Les retours d’expérience commencent à fleurir sur de nombreux continents. Voici quelques exemples :

  • Aux Etats-Unis, plusieurs villes, dont San Francisco et San Diego, ont établi un bilan très mitigé de l’expérimentation menée depuis plusieurs années :
    • Peu efficace : en 7 ans, à San Diego, aucune arrestation menée grâce à la reconnaissance faciale
    • 80% de taux d’erreur concertant les minorités ethniques et les femmes

Une étude publiée par le Massachusetts Institute of Technology et l’université de Stanford  en 2018 le confirme.

–> Ces deux villes ont donc mis fin à l’expérience, la jugeant peu efficace et controversée quant à la reconnaissance faciale des personnes à minorité         ethnique et des femmes.

En dehors de ces deux villes, le gouvernement américain a mis en lumière les biais raciaux et les erreurs et émet un doute sur la possibilité d’un développement à grande échelle pour le moment tout en continuant à développer les recherches en reconnaissance faciale (ex : la reconnaissance dans le noir sur les terrains militaires ) (source future-sciences)

  • En Grande Bretagne :

Plus près de nous, à Cardiff, lors de la finale de la ligue des Champions, le taux d’erreur était de 92% :

    • Sur 170 000 visages scannés, 2470 ont été considérés comme étant des suspects par le système.
    • Sur ces 2470 suspects, 2297 ont été considérés comme de fausses alertes. (Source : France 24)

De la même façon, En Angleterre, très récemment, un homme s’est vu condamné à payer une amende car il ne montrait pas son visage au système de reconnaissance faciale! (Source : le Figaro)

En résumé , le système n’est pas optimal et nécessite des corrections.

La crainte d’utiliser la reconnaissance faciale n’est pas uniquement liée aux États-Unis, à la Grande Bretagne ou à la France. De nombreux pays demandent un cadre à l’utilisation de la reconnaissance faciale pour qu’aucune dérive ne soit possible.

Au-delà de ces erreurs d’identification qui peuvent produire de vrais désastres humains, il est essentiel que les droits des citoyens en ce qui concerne la protection de leur données ou leur respect de la vie privée soient garantis.

 

Reconnaissance faciale : un cadre juridique est nécessaire.

 

Pour l’exécutif européen, il est important de préserver les droits des citoyens en matière de respect de la vie privée et de protection de données et donc de mettre en place des règles adaptées.

« A partir de ces dispositions existantes, le futur cadre réglementaire pourrait aller plus loin et inclure une interdiction limitée dans le temps de l’utilisation de technologies de reconnaissance faciale dans l’espace public« , écrit la Commission dans ce livre blanc.

Durant cette interdiction, « une solide méthodologie d’évaluation des impacts de ces technologies et d’éventuelles mesures de gestion des risques pourraient être identifiées et développées ». Des dérogations pourraient être accordées dans les domaines de la recherche et de la sécurité. » poursuit la Commission.

 

Le site Euractiv est parvenu à se procurer un extrait de 18 pages d’un livre blanc sur l’usage de l’intelligence artificielle.(source siècle digital)

La Commission Européenne devrait publier dans son intégralité le livret blanc en février prochain. Suite aux concertations, la commissaire en charge du numérique devrait faire des propositions en février 2020 (source : Challenge.fr)

Que réservent les 2 ou 3 années à venir ? La reconnaissance faciale va t elle être interdite dans les lieux publics ?

 

Une première annonce de la part de l’Union Européenne faite ce mois-ci, en janvier 2020, indique qu’elle envisage d’interdire l’utilisation dans les espaces publics de la technologie de reconnaissance faciale pour une durée de deux à trois ans. 

A suivre…

 

 

Et vous, quel est votre avis sur la question ?

Dans quelles utilisations trouvez-vous que la reconnaissance faciale est justifiée ? Pensez-vous que la demande de consentement sera aisée à mettre en place dans chaque situation ?

La relation Client me passionne depuis toujours et l’arrivée de la reconnaissance faciale va très certainement en modifier certains aspects.On parle, aux États-Unis, de personnalisation de l’offre en fonction de son humeur et de son historique de commande.

Seriez-vous prêts à y participer ? Trouvez-vous que cette technologie sera utile dans la relation Client pour faciliter l’expérience Client ?

 

Laissez-moi vos commentaires  !

  • Sources :
  • Pour aller plus loin :

Je vous invite à lire l’article de Manuel Thénard : Reconnaissance faciale : nos visages au coeur de l’ia