Les Questions Twitter sont-elles juste un outil éditorial d’engagement ou présentent-elles un réel potentiel d’outil de Consumer InsightRemettent-elles en cause le rôle de la fonction étude dans l’entreprise en permettant à d’autres fonctions de mener de véritables enquêtes consommateurs?

Comme tous les secteurs, celui des études de marché est en pleine transformation digitale et bouleversé par l’émergence de nouveaux acteurs. Il y a quelques jours, j’ai lu avec intérêt un article sur Greenbookblog sur le déclin des enquêtes consommateurs traditionnelles et l’émergence de nouvelles solutions de sondage proposées par Facebook, Google et Twitter. L’auteur, Adriana Rocha, s’y demandait si d’ici cinq ans, avec le développement des solutions des trois géants du web, la responsabilité des enquêtes consommateurs n’appartiendrait plus uniquement à la fonction étude mais serait partagée avec les fonctions marketing et techniques au sein des entreprises.

La problématique m’a interpellée d’autant plus que l’auteur semblait mettre les 3 solutions, à mon avis difficilement comparables, sur un pied d’égalité. Cela m’a donné envie de pousser la réflexion sur le potentiel d’outil Consumer Insight des solutions d’enquêtes proposées par Facebook, Google et Twitter.

Mon premier article porte sur les Questions Twitter lancées il y a un peu moins de deux mois.

Les Questions Twitter, mode d’emploi

Le 21 octobre dernier, Twitter annonçait l’intégration d’un outil de sondages natifs, Twitter Polls ou Questions Twitter en français.

Cette fonction est disponible via mobile IOS ou Android et via Twitter.com sur tous les comptes pour créer, depuis la boite de saisie Ecrire un nouveau Tweet, un sondage avec quatre options de réponse (deux au lancement), en ligne pendant 24 heures.

La Question Twitter est visible dans la Timeline des Followers du compte qui l’a créée. Les Followers peuvent y répondre en sélectionnant une des réponses, la mettre en favori ou la retweeter comme un Tweet classique.

Les votants ont accès aux résultats automatiquement calculés des votes. Au bout de 24 heures, les votes sont clôturés et chaque votant reçoit une notification Twitter lui rappelant qu’il peut consulter les résultats définitifs.

Les réponses des votants restent confidentielles : on ne peut pas savoir qui a voté et ce qu’il a voté.




 

Ci-dessous la liste des contraintes à respecter lors de la création d’une question Twitter :

Contraintes à respecter lors de la création d'une Question Twitter

 

  • taille limite de la question : 116 caractères
  • 4 possibilités de réponses
  • taille limite de chaque proposition de réponse : 20 caractères
  • impossibilité d’insérer des images
  • durée limite du sondage : 24 heures

 

 

Les Questions Twitter, un outil Consumer Insight ?

De prime abord, la gratuité et la quasi instantanéité sautent aux yeux comme les deux points forts de cette fonction.

Quand je me pose la question du type d’objectifs études auxquels cet outil permettrait de répondre, j’imagine de brèves questions (d’usage, d’attitude, d’intention …) traditionnellement posée dans le cadre d’une étude omnibus et des tests en tous genres (idée, fonctionnalité, élément créatif …)

Mais ma réflexion se heurte vite à une limite de taille : la représentativité.

L’outil n’est pas représentatif

Cible interrogée questions TwitterUn des premiers critères à définir avant de lancer une enquête est la cible à interroger. A-t-on besoin de réponses représentatives de la population française, des internautes, d’une catégorie socio-démographique particulière, de la clientèle d’une marque, de l’audience Twitter … ?

Et les Questions Twitter ne permettent pas de cibler les utilisateurs interrogés sauf si l’on sponsorise le tweet pour cibler avec en général une clé d’entrée affinitaire (intérêt pour le sport, le cinéma …). Mais dans ce cas, l’outil n’est plus gratuit et peut même devenir cher puisqu’on paye l’engagement et non la réponse : l’utilisateur peut juste cliquer sur le tweet pour le lire en plein écran sans pour autant répondre à la question et l’annonceur paiera.

 

Qu’à cela ne tienne ! Inversons le raisonnement et partons de la cible interrogée par les Twitter Questions pour définir les problématiques que l’on pourrait adresser.

Les Questions Twitter nous permettent-elles d’interroger l’audience Twitter, au profil plus jeune, plus diplômée et plus CSP+ que la moyenne ? Non car il n’y aucune raison que le profil des votants corresponde au profil moyen de l’audience Twitter.

Les Questions Twitter nous permettent-elles d’interroger la clientèle d’une marque via ses followers ? Bonne question qui en soulèvent d’autres. Les followers d’une marque en sont-ils tous clients ? Sont-ils représentatifs de la clientèle ou au contraire les clients les plus engagés, probablement les ‘gros’ consommateurs de la marque? On le suppose mais on ne peut pas en être certain.

De plus, on ne peut pas maîtriser la diffusion du sondage au-delà des followers de la marque compte tenu des retweets. On peut toujours supposer que les non followers qui se sont engagés en votant sont aussi en affinité avec la marque et ont un profil similaire à celui de ses followers. Mais rien ne permet de valider ces suppositions.

Aucune information de profil utilisateur TwitterAucune information de profil sur les votants, qui permettrait de trier ou redresser les réponses a posteriori, n’est communiquée.

Pour résumer, les Questions Twitter ne permettent ni de choisir la cible interrogée ni de savoir qui sont les votants. L’outil n’a donc pas vocation à être représentatif.

 

L’outil reste très basique

Certes, il existe des cas où, en l’absence de temps et/ou de budget, on fait fi de la cible et on décide qu’avoir des résultats même biaisés c’est toujours mieux que de ne pas en avoir. Qui n’a jamais testé une créa auprès de ses collègues, à l’échelle des employés de son entreprise ou auprès des ‘friends & family’ ?

Les Twitter Questions pourraient être une alternative à ces pratiques. Même dans ces cas, l’outil reste très basique. Les problématiques pouvant être abordées sont limitées par la taille maximum de l’intitulé de la question et des modalités de réponse et par l’impossibilité d’insérer des visuels pour départager un élément graphique (du type packaging ou affiche) d’un autre.

Les Questions Twitter ne sont pas un outil d’insight

Je ne considère donc pas les Questions Twitter comme un véritable outil de Consumer Insight qui pourrait remettre en cause le rôle de la fonction étude dans l’entreprise en permettant à d’autres fonctions de mener de véritables enquêtes consommateurs.

J’ai interrogé David Sourenian, Head of Research chez Twitter France, qui partage cette analyse

Cet outil n’a pas vocation à être représentatif. C’est clairement un outil d’engagement pour les marques, utilisateurs.

Il m’a toutefois aussi fait remarquer que cette vision pourrait être discutable à l’international car

elle soulève une question méthodologico-culturelle : en France, on estime les quotas nécessaires à la représentativité alors que dans d’autres pays, on ne met pas de quotas aux sondages et on estime que l’aléatoire fait bien les choses.

Débat de spécialistes à suivre …

Pour David Sourenian, le plus grand potentiel d’insight sur Twitter pour les marques ne se trouve pas dans les Questions Twitter mais dans la data.

L’analyse des conversations en temps réel sur Twitter est probablement beaucoup plus intéressant pour les marques. 

Les Questions Twitter, un outil d’engagement

Les Questions Twitter sont un formidable outil d’engagement, éditorial et ludique. C’est cet aspect des Questions Twitter qui peut contribuer à enrichir les consumer insights si l’on en applique les best practices aux nouveaux outils de sondage.

Ils devraient – et commencent – à s’en inspirer pour améliorer l’expérience des répondants, les taux de retour et la qualité des réponses.

Les clés de succès à mettre en oeuvre dans les nouveaux dispositifs d’enquêtes consommateurs sont les mêmes que celles des Questions Twitter :

  • concision des questions (sans aller jusqu’au format Twitter pour autant)
  • interactivité des formats
  • disponibilité sur mobile et continuité de l’enquête entre différents appareils
  • intégration à une expérience voire création d’une expérience