Startups et grands groupe, l’âge de la maturité?

Les startups étaient à l’honneur à Vivatech. L’édition 2019 qui s’est déroulée en mai à Paris, a rencontré un véritable succès. Plus de 124.000 visiteurs se sont rendus Porte de Versailles pour découvrir les innovations qui façonneront le monde de demain. 13.000 startups, 3300 investisseurs et de nombreux grands groupes étaient présents lors de la 4ème édition de ce salon. En parcourant les allées de Vivatech, on ne pouvait qu’être impressionné par la richesse de cet écosystème qui soutient l’innovation et les startups. 

Sur les stands des grands groupes, de nombreuses startups aux activités très diverses étaient mises en avant. Les conférences montraient des collaborations réussies entre les deux parties avec des propos matures des grands groupes qui laissaient penser que leurs stratégies, organisations et process étaient maintenant adaptés à ces coopérations. 

photo du salon Vivatech 2019

Salon Vivatech 2019

Du côté des startups, même si le discours sur ces partenariats est souvent positif de prime abord, car indispensables pour grand nombre d’entre elles, les difficultés restent très présentes et travailler avec un grand groupe relève encore parfois du parcours du combattant. Alors où en est-on réellement des relations entre grands groupes et startups? 

Une phase d’apprentissage pour les startups et grands groupes

Depuis plusieurs années, l’intérêt des grands groupes pour les startups n’a cessé de croître. Après une phase d’observation où les corporates menaient des learning expeditions pour comprendre le mode de fonctionnement des jeunes pousses, les grandes entreprises ont commencé à se rapprocher de ces sociétés innovantes pour mener en commun des expérimentations. Depuis 5 ans, on ne compte plus le nombre d’incubateurs, accélérateurs et autres dispositifs d’accompagnement des start-ups créés par les grands groupes. Selon l’étude menée par David et Goliath en 2018, 53% des grandes entreprises françaises seraient dotées d’un incubateur, accélérateur ou autres labs.

Cependant, la première phase de collaboration a été une phase d’apprentissage pour les deux parties. Pour certains grands groupes, à leur création, les dispositifs d’innovation autour des startups relevaient plus de la communication que d’une vraie stratégie. Le nombre de “POCs” (Proof of concept) a alors explosé entre les startups et les corporates, avec des conditions de réalisation demandées aux startups qui mettaient parfois la pérennité de ces jeunes entreprises en danger. Les objectifs fixés aux responsables open innovation des grands groupes étaient souvent le nombre de POCs réalisés. Les POCs étaient un phénomène de mode et d’image pour certains corporates, plus qu’une réflexion liée à un développement de business. Alma Guirao, fondatrice de Citeasy témoigne dans le podcast “POC en stock”  : “cela peut être un vrai naufrage, être chronophage dans la vie d’une startup et ne déboucher sur rien… c’est très compliqué pour une startup de dire non à un grand groupe”. Elle pointe aussi les pratiques non adaptées mises en oeuvre pour la réalisation d’expérimentations : demande de réponse à un cahier des charges alors qu’on est sur une expérimentation, demande de POC gratuit….

Les grands groupes reconnaissent également qu’au fil des années, ils ont appris à mieux travailler avec ces jeunes pousses. Dans les accélérateurs qui accompagnent des promotions de startups, les critères de sélection ont évolué pour assurer plus de chance de réussite à ces partenariats. Chez Orange Fab, les startups sélectionnées lors des appels à projet ont déjà au moins un prototype. Pour d’autres, la possibilité d’industrialiser le déploiement de la solution est souvent pris en compte dans les critères d’accompagnement de la startup. La réflexion business associée à ces alliances reprend le dessus.

Des collaborations mieux intégrées dans les stratégies des grands groupes  

Du côté des grands groupes, on est donc maintenant beaucoup plus orienté business pour décider des collaborations avec des startups. Les métiers sont souvent impliqués dès le démarrage dans les relations avec les startups.  Ce n’est pas le statut de startup qui intéresse les Business Units mais l’adéquation entre le produit de la startup et le besoin du métier. Les directions de l’innovation jouent un rôle d’accompagnateurs dans ces collaborations pour définir la méthode, partager les bonnes pratiques, rationaliser les démarches. C’est le cas par exemple chez CDiscount où des process très unifiés ont été mis en place avec les achats, l’IT, le juridique pour sécuriser le fait que les POCs puissent se transformer en un projet que l’on peut déployer.

Les règles de collaboration avec les startups ont été travaillées par un certain nombre de corporates afin de ne pas étouffer les startups. Mathilde Delignou, chef de projet Open Innovation et développement des partenariats chez GRT Gaz le confirme : “nous n’avons jamais fait de POCs ou équivalent sans rémunérer les entreprises.”

Les orientations business sont également très claires dans la sélection des startups accompagnées. Chez Orange Fab, le choix des startups accélérées est lié aux enjeux business d’Orange. “Avant de faire une accélération, on va chercher en interne des directions métiers et des Business Units qui peuvent avoir de l’intérêt pour travailler avec la startup. Une fois le binôme composé, on décide d’accélérer.” explique Marielle Charpin qui a pendant 5 ans accompagné des startups chez Orange Fab.

La réflexion stratégique autour de l’acquisition de startups est également beaucoup plus claire dans certains grands groupes. Les raisons des rachats peuvent être multiples : gain de parts de marché, extension de l’offre, risque concurrentiel… 207 startups ont été rachetées en 2017 (soit 20% de plus qu’en 2016) dont 53% par des acteurs français.

Accorhotel, par exemple, a une stratégie d’acquisition ciblée pour renforcer ses parts de marché ou étendre son offre. 12 startups ont été rachetées par le groupe durant les deux dernières années. Lors d’une conférence sur le salon Vivatech, Sébastien Bazin, son PDG expliquait que le rachat d’une startup s’imposait  lorsqu’elle était stratégique pour son entreprise et/ou qu’elle représentait un risque de disruption mais que s’il s’agissait d’étendre l’expérience client, d’autres types de partenariats pouvaient exister. 

Quelle perception du côté des startups? 

Les partenariats entre grands groupes et start-ups continuent à se développer fortement : 84% des jeunes entreprises déclarent avoir des interactions avec une grande entreprise, soit 5 points de plus qu’en 2017 selon l’étude David avec Goliath. Même si certains grands groupes ont travaillé pour développer les conditions de réussite avec les startups, les bonnes pratiques ne sont pas encore assez répandues. L’infographie ci-dessous montre l’insatisfaction des jeunes pousses vis à vis des corporates :

En effet, les écueils restent nombreux pour les startups qui font souvent face à des process d’achat qui ne leur sont pas adaptés : cahier des charges, contrats très lourds pour mettre en place un POC, négociations très longues alors que les gains de chaque partie ne sont pas encore avérés, demande d’exclusivité qui ne permettrait pas à la jeune entreprise de se développer, conditions de paiement trop longues…

L’autre grande difficulté rapportée par les startups, c’est le temps de décision : une startup croisée à Vivatech témoignait de son partenariat avec un grand assureur qui avait pris une participation dans son entreprise : “au bout de 3 mois, nous étions d’accord sur tout, il leur a fallu encore 6 mois pour signer, nous avons failli ne pas pouvoir continuer notre activité”. 

Seules 20% des jeunes entreprises déclarent attendre au plus 3 mois entre la première prise de contact et le lancement opérationnel du partenariat. Les organisations complexes, les process de décision voir la culture 

Dès que les relations sont génératrices de chiffre d’affaires pour les startups, leur satisfaction vis à vis des partenariats augmentent fortement.

Alors quel avenir pour ces coopérations?

Les corporates les plus matures ont commencé à se réorganiser avec des orientations beaucoup plus business qu’avant. Cela les rend aussi beaucoup plus exigeants sur la sélection des startups afin de maximiser les chances de réussite du partenariat.Leurs objectifs sont souvent plus clairs même si leurs processus restent souvent à adapter pour faciliter la collaboration des startups avec lesquelles elles travaillent.

Du côté des jeunes pousses, il va falloir professionnaliser les approches : ce n’est plus leur statut de startups qui intéressent les grands groupes mais leur capacité à développer de la valeur ensemble, ce qui est beaucoup plus sain. Elles doivent être plus dans une approche de vente de leurs produits ou services et poser leurs conditions pour que ces partenariats soient également fructueux pour elles. Tout accepter d’un grand groupe, ne permet pas de pérenniser le développement de l’entreprise.

Infographie

https://podcasts.apple.com/fr/podcast/poc-en-stock-s01e02-alma-guirao-citeasy/id1448054674?i=1000427304998&mt=2

https://www.solutions-numeriques.com/dossiers/grands-groupes-et-startups-les-secrets-dune-collaboration-reussie/

https://blog.lehub.bpifrance.fr/accelerer-collaborations-startups-grands-groupes-bons-leviers/

http://www.davidavecgoliath.com/docs/etude-2018-DavidAvecGoliath.pdf

Pour aller plus loin

https://mbamci.com/nantes-nouvel-eldorado-des-startups/

https://mbamci.com/incubateur-accompagnateur-startups/