Pourquoi la formation en présentiel va-t-elle disparaître ?

La formation en présentiel va-t-elle disparaître ?

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Bien qu’elle remonte à une époque encore plus ancienne, la formation professionnelle est inscrite dans la Constitution de la nouvelle République Française dès 1946.

En 1959, la « loi Debré » permet la création de cours du soir pour les centres de formation, l’idée étant que la formation est un effort individuel consenti par l’individu.

Beaucoup d’historiens s’accordent sur l’année 1971 comme date charnière, avec la loi n° 71-575 dite « loi Delors ».

Elle visait à introduire pour la première fois le principe de la formation professionnelle prise sur le temps de travail et donc financée en partie (0,80% de la masse salariale brute) par les entreprises.

En parallèle, elle pose le principe d’un financement privé de la formation créant dès lors (sans mauvais jeu de mot) un nouveau marché.

Pour rappel, le premier ordinateur personnel verra le jour 10 ans après.

La formation traditionnelle dite en présentiel, était le seul moyen de se former jusqu’à la révolution numérique des années 1990, accentuée par l’émergence des smartphones dans les années 2000.

Unique recours pour former les collaborateurs en entreprise, la formation en présentiel semble aujourd’hui laisser sa place progressivement à de nouveaux modes de formation plus courts, plus réguliers, plus ludiques, mais surtout plus digitaux.

Les nouveaux entrants sur le marché, en proposant de nouveaux outils numériques, de nouvelles méthodes dédiées à la transmission de la connaissance, ont incités les organismes de formation traditionnels à amorcer leur transition digitale, la crise sanitaire que nous vivons actuellement ayant fait exploser cette tendance.

Philippe Lacroix, cofondateur de la société ILDI, qui accompagne les entreprises et les acteurs de la formation dans leur transformation digitale nous le confirme :

« Ce n’est pas : ne nous laissons pas attaquer par les nouveaux entrants. C’est : il faut survivre ! ».

Les notions d’ingénierie pédagogiques étant maitrisées principalement par les formateurs, ceux-ci n’étant plus au centre dans une stratégie digitale, il est fondamental pour les organismes de formation traditionnels de se réapproprier cet ensemble de savoir et de savoir-faire.

Avec le développement exponentiel d’Internet et des smartphones, c’est tout un modèle économique et sociétal traditionnel qui a été bouleversé.

Aujourd’hui, l’individu est devenu un consomm-acteur ultra-connecté adepte de solutions digitales comme nous avons pu le voir dans l’univers de la restauration . Le monde professionnel l’a bien compris, la plupart des secteurs suivent cette évolution et la formation professionnelle n’y échappe pas.

L’enjeu numéro un pour la formation aujourd’hui est de proposer un environnement d’apprentissage personnalisable dans lequel chaque collaborateur / individu peut être suivi et accompagné à son rythme.

C’est un fait, les nouvelles générations consultent l’information (de leur entreprise) de manière immédiate, sur tous les supports et la partage sur les réseaux sociaux intuitivement. (Employee advocacy)

Ces publics sont difficilement séduits par des formations qui ne sont pas aussi accessibles qu’un Mooc (type ouvert de formation à distance capable d’accueillir un grand nombre de participants), une masterclass ou un tutoriel sur Youtube.

Selon une étude mené en 2019 par la fédération de la formation professionnelle 80 % ont pour priorité en cours et à venir la digitalisation de leur formations (La FFP représente plus de 900 entreprises de formation pour près de 2 300 établissements)

« On ne forme plus dans une salle, on ne forme plus tout le monde en même temps, au même rythme, au même moment, et on ne forme plus avec la même relation, à savoir un groupe / un formateur ».

Ordinateur / tablette / montre & smartphone - Pourquoi la formation en présentiel va-t-elle disparaître ?

Le principal avantage de toutes ces nouvelles modalités de formation digitale est leur parfaite adéquation avec un monde où tout change plus vite, où les distances peuvent être raccourcies grâce à la connectivité, où il devient primordial et facile de limiter les contraintes de temps et d’espace.

Le digital learning permet de ne plus penser en termes de temps et d’espace, mais de s’en affranchir pour se concentrer sur les objectifs atteints.

Ainsi, les besoins des collaborateurs ont évolué, et ne cessent d’évoluer. Dans une sphère professionnelle toujours plus digitalisée, les compétences acquises deviennent vite obsolètes.

La durée de vie des compétences est passée de 30 … à 5 ans selon une récente étude menée par le cabinet Deloitte sur les tendances RH 2019

L’idée d’une formation continue, tout au long de la vie semble aujourd’hui une réalité évidente.

Et si l’efficacité des formations d’aujourd’hui était conditionnée par de nouvelles normes et l’obligation de revêtir une nouvelle forme ?

Les habitudes ont la peau dure… La formation en présentiel va-t-elle disparaître ?

De nombreuses formations en entreprise sont encore exclusivement dispensées en présentiel dans une salle sombre à la lumière d’un rétroprojecteur où un groupe de collaborateurs souvent peu motivés se voit être les spectateurs scolaires d’une formation, ou la qualité de celle-ci ne dépend que de celle du formateur.

Avec l’idée sous-jacente de rendre compétent et/ou à niveau un groupe souvent hétéroclite aux niveaux disparate.

Contrainte de s’adapter, la formation en entreprise semble évoluer progressivement.

Dans sa prise en charge étatique en premier lieu, avec l’apparition des OPCA (devenu OPCO), le CPF (compte professionnel de formation), mais également avec l’apparition de nouveaux postes en entreprise dédiés à l’accompagnement et à la formation des salariés. (Par ex : Chef de Service Learning & Development).

Mais cette évolution est surtout marquée par une diversification des formes, des modalités de formation.

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Selon Clarence Thiery, co-fondatrice de Sydo (Extrait de l’article de FocusRH)

il y aurait 10 grandes tendances parmi lesquelles :

1. la classe virtuelle ou webclass.

2. l’e-learning, c’est-à-dire les Mooc, xMooc, Spoc, etc.

3. les learning games ou « gamification » de la formation.

4. le blended learning (des formations mixtes).

5. le social learning ou apprentissage social, formation par l’échange.

6. les micro et mobile learning (des contenus parcellisés consultables sur smartphones et tablettes).

7. l’adaptive learning (des formations personnalisées prenant compte du profil de l’apprenant).

8. la formation intégrée (tutorat et mentoring).

9. l’informal et l’incidental learning (une formation sans cadre spécifique).

10. l’immersive learning et la réalité virtuelle (un apprentissage par des simulations et par de l’immersion totale).

Autant de concepts venus révolutionner et diversifier la formation ces dernières années avec pour socle commun, une UX (expérience utilisateur) repensée, plus interactive, fragmentée en module de niveaux, et qui recentre l’apprenant au cœur du processus de formation.

Le formateur n’est plus présent pour aider les apprenants à apprendre, mais pour les guider à devenir acteurs d’une dynamique d’apprentissage, à devenir autonome dans leur apprentissage.

« Ce n’est plus qu’est-ce que je dois dire mais qu’est-ce que je dois faire faire aux apprenants pour qu’ils apprennent »

La formation en présentiel peut-elle finalement disparaître ?

Pour Alain Fernandez, expert en gestion de la formation et auteur de nombreux livres pratiques à ce sujet, l’analyse est simple :

« L’évolution de la formation, c’est la fin de la formation ».

Comprenez : formation en présentiel.

Les besoins des entreprises et des collaborateurs ont évolué, le développement des technologies numériques a fait émerger un nouvel impératif disruptif : ATAWAD, “any time, any where, any device” (“n’importe quand, n’importe où, et sur n’importe quel terminal”).

Autrement dit, les utilisateurs veulent avoir accès à leur formation partout et tout le temps. Les entreprises quant à elles ont besoin de polyvalence et d’adaptabilité de leurs ressources humaines.

Quand les collaborateurs deviennent acteurs de leur parcours de formation

Le collaborateur souhaite donc aujourd’hui pouvoir se former à tout moment et en toute autonomie, c’est le nouveau défi auquel doivent répondre communément les entreprises et les organismes de formation pour accompagner la montée en compétences des salariés.

Difficile ainsi d’imaginer pouvoir répondre à toutes ces exigences avec la seule formation ponctuelle en présentiel.

Il est impératif aujourd’hui d’accompagner l’individu à son entrée, pendant sa mission et même, jusqu’à sa sortie de l’entreprise. Et la mobilité croissante des individus va continuer de pousser en ce sens.

Alain Fernandez considère que :

« le présentiel de demain représentera ce que représentait le digital il y a 10 ans ».

Il met en relief une transition structurelle du monde du travail, et donc de la formation professionnelle, où l’on passe de métiers cadrés par une définition de poste ultra précise à des postes en évolution permanente.

Savoir, savoir être, savoir faire, savoir faire faire, et savoir apprendre ne suffisent plus pour les individus. Il leur faut également apprendre à savoir devenir.

« Autrefois, les gens voulaient se former ; aujourd’hui {…} ils veulent des réponses précises à leurs problèmes particuliers. Ils ne viennent plus en formation, ils viennent en consultation ».

La tendance se retrouve dans les chiffres, où l’on constate que 86% des entreprises investissent dans ces nouvelles formes de formation, pour se donner les moyens d’actualiser les connaissances de leurs collaborateurs en permanence, et contrer ainsi les effets d’une crise de compétence à venir.

On peut dès lors imaginer un monde où le socle de base de formation serait constitué d’une dizaine de compétences essentielles (soft skills), liées à des capacités d’adaptation, de créativité, d’intelligence émotionnelle entre autres, et où l’apprentissage individuel des compétences particulières de chaque métier serait assuré par un certain nombre de « capsules » de formation, qui ne correspondrait plus qu’à 10% des capacités à acquérir.

Pour conclure, reformulons notre problématique :

Pourquoi la formation en présentiel “traditionnelle” va-t-elle disparaître ?

La formation en présentiel n’a pas encore dit son dernier mot. Parce qu’elle constitue encore aujourd’hui la base des formations en entreprise.

Trop peu d’acteurs déploient des solutions en distanciel adaptées à tous les types de formation, et nombreuses sont les entreprises qui ne conçoivent pas la formation autrement qu’en présentiel.

La transformation digitale des OF (organismes de formation) se traduit certes par une mutation des dispositifs d’apprentissage et l’émergence de nouveaux moyens on Line. Mais la transposition d’exercices classiques dans une classe traditionnelle à des workshops en visioconférence (Zoom, Teams, …) ne peut émerger du jour au lendemain.

Transformer les contenus pédagogiques sur supports projetés en formats numériques courts, interactifs et intuitifs n’est pas la panacée à toutes les thématiques de formation.

Manager une équipe ou apprendre la vente en direct derrière un écran d’ordinateur n’est pas si simple à matérialiser…

Former les formateurs à ces nouveaux outils n’est pas non plus une sinécure quand beaucoup d’entre eux se sentent dépassés ou désemparés face aux nouvelles technologies et à la refonte de leur modèle d’enseignement andragogique. Ce qui est également vrai pour les apprenants qui ne sont pas des nouvelles générations Y ou Z.

Enfin, un autre volet important à prendre en compte pour les organismes de formation concerne l’individualisation des parcours, qui se traduit par un suivi personnalisé et adapté au niveau de chacun. Cette personnalisation de la formation professionnelle modifie complètement le modèle économique des OF promettant certes sur le papier des économies substantielles mais ne garantissant pas à coup sûr la rentabilité de son déploiement.

La formation en présentiel n’est pas prête à rendre les armes. Il serait intéressant de sortir de ce manichéisme dogmatique.

N’existe-t-il pas un intermédiaire entre les formations 100 % distanciel et des formations 100 % présentiel ? La formation en présentiel va-t-elle disparaître ?

E-learning sur machine à ecrire - Pourquoi la formation en présentiel va-t-elle disparaître ?

Le Blended Learning, ou formation mixte, prend une place de plus en plus importante sur le marché en alliant l’aspect pratique des parcours de formation communs et la personnalisation des contenus et des modes de diffusion.

Prenons un exemple concret du Blended Learning, la pédagogie inversée (ou “flipped learning”). Alors que la théorie était habituellement abordée en classe et les devoirs à faire à la maison, les jours de formation sont désormais dédiés à la pratique et aux questionnements ; le formateur propose des mises en situation liées à ce qui a été vu de façon autonome par les apprenants et propose un temps d’échange autour des connaissances développées et de leur compréhension par chacun.

L’approche et les objectifs ont donc changés. L’essence n’est plus de former mais bien d’accompagner dans l’apprentissage : les collaborateurs sont dès lors mis au centre des processus d’ingénierie pédagogique.

Au rythme de l’évolution de notre société, très rapide, l’ensemble des secteurs d’activités s’adaptent et se transforment.

Le perfectionnement des technologies de réalité augmentée et virtuelle constitue pour de nombreux acteurs de la formation l’avenir le plus enthousiasmant, car il permet d’imaginer des dispositifs de formation entièrement en distanciel qui conserveraient toute l’interactivité d’une séance de groupe, comme nous l’explique Philippe Lacroix :

« La technologie matériel n’est pas mûre ; quand ce sera au point, on pourra imaginer utiliser ces techniques comme un dispositif à part entière, qui peux même devenir le dispositif unique de formation ».

D’autre part, et pour voir plus loin, la formation professionnelle va devoir s’adapter à cette profonde transformation de société, le recours au numérique n’exigeant plus la présence permanente des collaborateurs au sein de l’entreprise.

Alain Fernandez évoque un avenir où ce sont les habitudes de travail qui seront amenées à évoluer, et même toute son organisation qui devra être repensée.

« On va demander aux gens de venir travailler 1 jour par semaine, le reste du temps on perd des centaines et des millions d’heures de train, de voyage, d’embouteillage, d’essence, … ».

Il anticipe ainsi également les impératifs environnementaux, qui même s’ils sont déjà très présents dans les réflexions sociétales actuelles, vont devenir omniprésents et moteurs de changements profonds dans les modes de fonctionnement de nos sociétés modernes.

Peut-on parler de fin de la formation en présentiel ? La réponse est bien plus large, et une chose est sûre, ce ne sera jamais la fin de la formation, qui est elle-même ancestrale.