Deuxième partie de l’article “La politique à l’heure du digital”, la communication 2.0.

Après s’être appesanti sur les nouvelles formes que prennent désormais les relations entre citoyen et pouvoir politique, nous allons maintenant nous intéresser aux moyens grâce auxquels les acteurs politiques communiquent avec leurs publics cibles.

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« Attention, le marchand de sable va passer »

J’aborderai autant la communication politique, essentiellement en période électorale, que la communication publique – celle engagée par l’ensemble des institutions exerçant une mission de service public.

L’intérêt des politiques pour la communication ne date pas d’hier : les affiches électorales, les passages à la télévision ou encore le rôle des spin-doctors – ces communicants comme Jacques Séguéla ou Stéphane Fouks dont l’influence n’est plus à démontrer – en témoignent.

L’utilisation des nouveaux canaux numériques par la sphère politique est quant à elle beaucoup plus récente et difficile à jauger. Il apparaît à première vue un décalage entre une “chose publique” qui se veut sérieuse et réfléchie et des réseaux sociaux qui sont dans l’instantané, et dont l’information est traitée sans filtre ni analyse poussée.

Mais qu’en est-il vraiment ? Comment les politiques se sont-ils emparés des nouveaux codes de communication liés au digital ?

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La communication politique : “le pire risque, c’est celui de ne pas en prendre”, vraiment ?

Aujourd’hui, tout homme politique jouissant d’une exposition médiatique se doit de posséder des comptes Facebook et Twitter, un blog voire une chaîne YouTube ou une application mobile pour les plus intrépides. Il faut toucher le plus de monde possible, quelque soient les habitudes de consommation digitale.

Sur Twitter, le plus important est que – au-delà du nombre de personnes touchés – les journalistes politiques suivent massivement ces comptes. Dès lors, le moindre tweet est susceptible de trouver rapidement un écho national via les médias classiques.

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Tweets tout en retenue pour cette candidate qui s’était présentée aux départementales de 2015

Le fait est que le “off” n’existe plus : du “casse-toi pauv’con” de Nicolas Sarkozy à l’affaire du Falcon de Manuel Valls, les exemples de dérapage relayés par la presse ou la télévision sont légion. Car si les “fuites” ne sont pas nouvelles, les réseaux sociaux leur confèrent une résonance autrement plus forte.

A l’inverse de la communication “classique, pour laquelle le journaliste pouvait jouer le rôle de modérateur ou de filtre, celle d’aujourd’hui est instantanée et peut connaître des dérapages. On se souvient par exemple du bad buzz qu’avait fait le lipdub des Jeunes de l’UMP en 2010

Ces accidents sont d’autant plus aisés que les directions des partis politiques n’encadrent pas la communication de leurs membres, se contentant de diffuser une charte graphique et quelques consignes très générales.

 

La communication publique : tenter pour exister

D’un autre côté, il faut pouvoir exister dans ce nouveau paysage numérique ; tâche peu aisée pour les institutions qui doivent faire passer leurs messages sur des réseaux sociaux où il est parfois difficile de se faire entendre.

A ce titre, Romain Pigenel a mené une petite révolution au sein du Service d’Information du Gouvernement (SIG). Actuel directeur adjoint du service, il s’est attelé à dépoussiérer l’image conventionnelle de l’exécutif sur les réseaux sociaux avec de nombreuses références à la pop-culture.

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En début d’année, le compte Twitter du gouvernement avait en effet profité du retour de la série House of Cards sur Canal + pour s’offrir un bon coup de projecteur. Game of Thrones y était également passé avec une présentation très médiévale des réformes récemment menées.

Enfin, comment rendre plus sexy le choc de simplification ou le pacte de responsabilité et de solidarité ? Tout simplement avec une carte interactive de la “Terre du Milieu” (référence au Seigneur des Anneaux de JRR Tolkien) pour présenter les derniers dispositifs du gouvernement…

 

Des initiatives innovantes qui ont été largement saluées : en plus de parler au plus grand nombre, elles ont eu le mérite d’occuper l’espace médiatique pendant un certain temps ; le cas de House of Cards menant à une véritable discussion entre la chaîne de télévision et l’institution. Car le problème est bien là : la parole publique, autrefois écoutée, s’est progressivement dissoute avec l’avènement du digital où elle est mise au même niveau qu’une publication lambda sur les fils d’actualité Facebook ou Twitter. Sitôt publiée, sitôt oubliée ; à moins donc de changer de stratégie…

 

CONCLUSION : arriver armé dans la « jungle » des réseaux sociaux

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Vladimir l’a compris, il sort toujours couvert

La communication en politique a bien changé, et elle doit le faire d’autant plus vite qu’elle a compris relativement tard l’enjeu de la digitalisation.

D’un côté, les politiques doivent être rôdés à l’usage des réseaux sociaux. Il serait pour cela souhaitable que la communication se professionnalise au sein des partis et que les militants soient formés aux nouveaux codes du numérique. D’un autre côté, l’information politique est mise au même niveau que les autres, et hors circonstances exceptionnelles (élections, situations de crise ou d’urgence) elle doit batailler pour se faire une place.

Pour cela, elle peut s’inspirer des ONG, plus agiles et qui ont en général plutôt bien négocié le virage digital. Récemment, on pourra pourra penser à la campagne de Greenpeace “Winter Is Not Coming” – encore une fois inspirée de Game of Thrones -, et qui a habilement prolongé la mobilisation née autour de la COP21.