Au cours des dernières années, les chatbots, ou interfaces intelligentes basées sur le texte ou la voix se sont multipliées et investissent petit à petit le secteur de la santé. Les opportunités pour ce type d’outils sont particulièrement importantes : aider au diagnostic, alléger les salles d’attentes, éviter les ré hospitalisations, responsabiliser les patients sur leurs parcours de soins… Les chatbots en santé s’inscrivent aujourd’hui dans un environnement médical en souffrance : pénurie de médecins avec l’augmentation des déserts médicaux, l’accroissement du nombre de patients atteints de pathologies chroniques, une pandémie qui a mis en exergue les faiblesses du secteur hospitalier.

Mais, dans ce contexte que peuvent apporter les chatbots en santé ? Quels sont leurs différents cas d’usage ?

 

1. Définissons tout d’abord ce qu’est un chatbot 

 

Si le principe du chatbot, aussi appelé « agent conversationnel » en français, est connu depuis les années 60, il s’est démocratisé assez récemment. Un chatbot est une application informatique numérique utilisée pour mener une conversation en ligne par texte, au lieu de fournir un contact direct avec un agent humain. Ce logiciel est donc aujourd’hui présent sur la grande majorité des sites en lignes de diverses entreprises privées afin d’aiguiller le client sans avoir besoin de mobiliser du personnel. Certains utilisent un apprentissage automatique sophistiqué, comme Siri ou l’assistant Google. Certaines sont plus basiques – à peine plus que des réponses automatisées aux FAQ. Ils interagissent avec les consommateurs par le biais de messages texte, de chat contextuel, de chat vocal, etc.

Les chatbots répondent à des questions mineures et résolvent des problèmes simples afin notamment d’éviter de monopoliser le temps des employés. Les chatbots les plus avancés peuvent comprendre des phrases complètes et avoir des conversations réalistes. Quand le chatbot se retrouve dans l’impossibilité de répondre, il fait alors remonter les problèmes au personnel en direct.

Au fur et à mesure qu’une organisation de soins de santé va collecter des données, elle va pouvoir enrichir et entrainer le chatbot à l’aide du Machine Learning afin de proposer des informations toujours plus pertinentes aux patients. Et parce que les personnes sont désormais de plus en plus équipées de smartphones, les chatbots médicaux permettent ainsi aux établissements de santé d’atteindre leurs patients là où ils passent plus de temps, c’est-à-dire sur leurs smartphones ! 

 

2. Quels sont les avantages des chatbots en santé ? 

 

  • Les avantages pour les patients

Les patients sont toujours plus à la recherche d’informations concernant leur santé, leurs symptômes, les modalités de prise en charge et leurs traitements. Les chatbots peuvent véritablement s’inscrire dans ce contexte et proposer aux patients des informations sur les médicaments, les parcours de soins… Les chatbots agissent alors comme des outils utiles pour fournir des pré-diagnostics -à confirmer bien évidemment par un praticien ensuite-, des recommandations quant à la meilleure démarche à adopter pour leur prise en charge. Certains de ces agents conversationnels peuvent également recueillir les commentaires des patients, afin d’aider notamment les organisations à améliorer leurs services.

Dans un contexte d’une croissance très importante du nombre de patients atteints de pathologies chroniques, souvent polymédicamentés, les chatbots en santé présentent aussi l’intérêt de rappeler aux patients la prise de leurs médicaments aux moments opportuns afin de favoriser une meilleure observance et ainsi éviter des hospitalisations inutiles. Ces outils proposent également la prise de rendez-vous avec des médecins, mais aussi la géolocalisation de la pharmacie ou du cabinet médical le plus proche.

 

  • Les avantages pour les professionnels de santé

Les chatbots apportent de nombreux avantages pour les équipes hospitalières sur les différents points suivants  :

  • allégement de leur charge de travail quotidienne grâce notamment à un premier triage des patients
  • meilleure organisation des parcours patients,
  • aide immédiate en cas d’urgence ou de premiers secours,
  • gestion des médicaments,
  • solutions pour des problèmes médicaux plus simples.

« La technologie permet d’automatiser les tâches récurrentes et donc de laisser aux hommes plus de temps pour se pencher sur des missions à réelle valeur ajoutée. »

Elisabeth Hachmanian, Associée responsable de l’activité Consulting Santé publique et privée, PwC France

 

3. Quels sont les cas d’usage des chatbots santé ?

 

Les chatbots peuvent être utilisés pour trier les patients et les guider pour qu’ils reçoivent l’aide adéquate grâce notamment à des pré-diagnostics. Les chatbots sont aujourd’hui considérés comme une alternative plus fiable et plus précise aux recherches en ligne que les patients effectuent lorsqu’ils essaient de comprendre la cause de leurs symptômes. Les chatbots peuvent également orienter les patients qui ne savent pas où et quand ils doivent aller consulter un professionnel de santé. En effet, beaucoup de gens ne savent pas quand leur état de santé nécessite une visite aux urgences ou bien une consultation chez leur médecin habituel… ou en téléconsultation.

Les laboratoires Sanofi ont ainsi recensé dans leur livre blanc consacré aux chatbots différents cas d’usage. Je vous propose de reprendre ces cas d’usage et d’identifier à chaque fois des exemples de chatbots aujourd’hui disponibles sur le marché.

 

  • Information médicale

L’information médicale doit pouvoir s’adresser aussi bien aux professionnels de santé qu’aux patients.

Les laboratoires Sanofi ont ainsi développé un chatbot destiné aux médecins. En effet, ces derniers ont régulièrement besoin de se renseigner sur les interactions médicamenteuses ou encre les contre-indicateurs. Dans ce contexte, le service développé a pour objectif de faciliter ces recherches afin de permettre au médecin de concentrer sa consultation sur sa relation avec son patient.

Notre chatbot ambitionne de rendre les recherches plus simples, plus rapides et plus sécurisées pour libérer du temps de consultation, au profit de l’écoute du patient. Le travail sur l’ergonomie du chatbot, sa personnalité (la façon dont il s’exprime) et son intégration aux outils de suivi des patients et de prescription, sont essentiels.

Isabelle Vitali, Directeur Innovation & Business Excellence, Sanofi France

VIK Imagyn propose d’aider les patientes atteintes de cancer de l’ovaire dans leur quotidien. C’est un cancer qui touche encore 5 000 femmes par an en France, malheureusement le plus souvent à des stades avancés (stade III dans les trois quarts des cas). Afin d’accompagner les patientes dans leur parcours de soins, souvent complexe, l’association de patientes Imagyn (Initiative des Malades Atteintes de cancers GYNécologiques) s’est associée avec Wefight afin de développer un assistant virtuel : Vik IMAGYN Ovaire, un chatbot tourné vers les patientes et les aidants. 

VIK Imagyn Ovaire : nouveau robot conversationnel

VIK Imagyn Ovaire

Ce développement s’est fait avec le soutien du laboratoire GSK/Tesaro. “Ce compagnon virtuel répond à toute vos questions sur le cancer de l’ovaire. Il vous accompagnera tout au long de votre parcours de soin et même après. Vous avez des questions sur la maladie, le sport, le bien-être, la cuisine, la sexualité, les adresses utiles, … ?”. 

Au-delà de ce type de cancer, Vik est aujourd’hui disponible également pour les pathologies suivantes : le cancer du sein, l’asthme, la migraine et la dépression.

Parce qu’un manque d’informations peut entrainer un parcours de soins parfois chaotique, Vik s’inscrit dans l’accompagnement et le soutien des patients pour leur éviter des complications et de fait, des ré hospitalisations.  

« Un patient qui comprend sa maladie et qui est adhérent à son traitement aura moins de rechutes et de complications. C’est le principe de l’éducation thérapeutique mais appliqué de manière interactive, personnalisée et à grand échelle »

Benoît Brouard et Pierre Nectoux, fondateurs de Vik

 

  • Un cas d’usage d’actualité : le coronavirus

Avec la crise du coronavirus, l’opportunité de montrer au grand public le fonctionnement et l’utilité des chatbots s’est présentée. Ainsi, le chatbot d’auto-diagnostic Covid-19, réalisé en partenariat avec l’Institut Pasteur, l’AP-HP et le Ministère de la Santé demande au patient de répondre à 21 questions afin de déterminer le risque qu’il soit ou non contaminé.  Il indique ensuite les démarches à entreprendre, ou propose aussi de suivre le développement de l’épidémie en France.

Plus largement, l’OMS a également mis en place un chatbot sur l’application Whatsapp afin de suivre l’évolution de la Covid-19 dans le monde.

CovidBot

CovidBot

 

 

  • Prévention

Ramsay, créé par la Fondation d’entreprise Ramsay Santé, est une offre aujourd’hui disponible pour favoriser l’adoption des bons comportements » dans quatre domaines distincts : l’arrêt du tabac, la nutrition, le stress et le sommeil. Il offre la possibilité aux patients de poser toutes les questions, de les accompagner lors de périodes critiques (risque de reprise de la cigarette…). Grâce à l’intelligence artificielle, la solution est évolutive et va s’enrichir au fur et à mesure des questions posées par les patients.

https://youtu.be/-YEIk6tOQdw

 

  • Pré-diagnostic et orientation

Afin notamment de lutter contre l’engorgement de certains services hospitaliers, certains chatbots se proposent de réaliser des pré-diagnostics des patients afin de de les orienter directement vers le service adéquat ou bien encore vers la médecine de ville. C’est ainsi le cas de Babylon Health, service d’abonnement britannique, de consultation médicale et de santé en ligne, fondé en 2013. La société propose une consultation en IA basée sur les antécédents médicaux personnels et les connaissances médicales courantes, ainsi qu’une consultation vidéo en direct avec un vrai médecin chaque fois qu’un patient en a besoin. 

Dans le premier cas, les utilisateurs signalent les symptômes de leur maladie à l’application, qui les compare à une base de données de maladies à l’aide de la reconnaissance vocale, puis propose un plan d’action approprié. Dans le second cas, qui va déjà au-delà du service habituel d’un chatbot, les médecins écoutent et regardent attentivement pour diagnostiquer le patient puis rédiger des ordonnances ou renvoyer vers un spécialiste si nécessaire.

 

  • Prise en charge à l’hôpital et en ambulatoire

Dans le contexte médical, les chatbots alimentés par l’IA peuvent être utilisés pour trier les patients et les guider pour qu’ils reçoivent l’aide appropriée. Les chatbots sont considérés comme une alternative plus fiable et plus précise aux recherches en ligne que les patients effectuent lorsqu’ils essaient de comprendre la cause de leurs symptômes. Les professionnels de santé considèrent ainsi que les chatbots peuvent aider les patients qui ne savent pas où ils doivent aller pour recevoir des soins. En effet, beaucoup de gens ne savent pas quand leur état nécessite une visite aux urgences ou quand il suffit de contacter leur médecin par télémédecine.

Depuis quelques années, l’hôpital Saint-Antoine AP-HP s’est doté d’un robot conversationnel, Memoquest, développé par la start-up Calmedica afin d’échanger par SMS avec les patients avant et après leur hospitalisation en ambulatoire. « Avec 35% de réponse en plus, une meilleure observation des consignes et une diminution du retard des patients cette solution numérique s’avère bien plus efficace que la traditionnelle relance téléphonique. »

 

  • Accompagnement des pathologies chroniques

Vivre avec un problème de santé chronique peut être difficile à communiquer. Gérer les symptômes, la douleur, les médicaments, travailler et vivre à proximité de la maladie nécessite un suivi constant et sujet à questionnement.

La start-up basée à Amsterdam, Nori Health, a développé un coach de style de vie pour les personnes atteintes de la maladie de Crohn et du syndrome du côlon irritable, des conditions qui affectent 3,4 millions de personnes rien qu’en Europe. Nori suggère des idées pour rester en bonne santé, comme la nutrition, les médicaments, le niveau de stress et le soutien mental. Elle posera des questions sur les conditions de santé du patient, ce qui déclenche la maladie… Alimenté par l’apprentissage automatique, plus le patient et les autres utilisateurs lui parlent, plus elle apprend et plus elle devient intelligente. Et si le patient a besoin de parler à un humain à la place, il y a toujours la possibilité de se connecter avec l’équipe de Nori Health.

 

  • Accompagnement des patients dans leur quotidien

Au-delà des cas d’usage présentés précédemment, le domaine de la médecine mentale s’avère de plus en plus souvent investigué. Lorsque le patient se sent seul, il a ainsi la possibilité de discuter avec Replika, un ami virtuel créé par intelligence artificiel auprès duquel on peut se confier.

Woebot est un autre chatbot développé dans l’objectif d’améliorer l’humeur du patient. Grâce à une approche s’appuyant sur l’empathie, il offre la possibilité au patient de s’exprimer sur ses soucis et au-delà d’une écoute attentive, Woebot propose également des conseils.

 

En conclusion, les chatbots en santé constituent de véritables opportunités, tant pour les professionnels de santé que pour les patients et leurs aidants. Meilleure organisation des parcours de soin patients, gestion des médicaments, aide en cas d’urgence ou de premiers secours, proposition de solution à des problèmes médicaux plus simples : autant de situations possibles pour les robots conversationnels d’intervenir et d’alléger la charge des professionnels de la santé. S’il est évident que les chatbots ne remplaceront jamais les médecins, ils peuvent offrir de nombreuses facilités pour soulager leur travail voire améliorer leurs performances. À l’avenir, des solutions de chatbots encore plus complètes devraient émerger sur le marché. Par exemple, un chatbot aidera les utilisateurs à vérifier leurs symptômes et, sur la base du diagnostic, à prendre rendez-vous, à répondre à leurs questions, et même à proposer une consultation directe de télémédecine avec un médecin par chat vidéo. Après la consultation, le médecin prescrira un médicament et la prescription sera stockée dans le système.

Avec l’essor de l’intelligence artificielle, de nombreuses solutions technologiques innovantes devraient voir le jour, et leur adoption renforcée notamment dans le contexte actuel de pandémie Covid-19.

 

Sources