Mardi soir dernier, j’ai eu la chance d’assister à la table ronde organisée au sein de l’incubateur Willa par Jérôme Thiriet autour de sa thèse professionnelle :
La révolution numérique est-elle une opportunité pour plus de mixité dans notre société ? 
Et je dois admettre que cet évènement fut une révélation.

Après avoir travaillé pendant plus de huit ans dans un secteur d’activité profondément masculin et assez machiste (oups! je l’ai dit), j’avais bien remarqué qu’il me fallait parler plus fort et travailler plus dur pour prouver ma légitimité professionnelle. Toutefois je ne m’étais jamais sentie l’âme d’une féministe. Pour moi cette notion avait une connotation plutôt négative. Elle me semblait trop radicale, trop dirigée « contre l’homme », et je n’étais pas à l’aise avec l’idée de la femme présentée comme une « espèce particulière ». Après tout pourquoi les femmes ont-elles droit à une seule journée contre 364 pour les hommes ?

 

Lors de cette conférence, de nombreux sujets ont été abordés par les intervenants. Voici, modestement, ce que j’ai appris lors de ce débat autour de la mixité, de l’inclusion et de la place des femmes dans la société numérique actuelle.

La sociologie du genre qu’est-ce que c’est ?

Céline Parsoud, fondatrice de Gender Busters – cabinet de communication au service de la mixité dans les organisations – et présidente de Women Up, commence par nous parler de genre.

Le terme “genre” dépasse la simple opposition des sexes d’un point de vue biologique. Il intègre une surcouche sociale, culturelle et éducationnelle dans la définition des rôles masculins ou féminins. C’est cette construction sociale qui va prédéterminer nos comportements et qui donne vie aux stéréotypes de genre.

Les stéréotypes de genre sont tellement ancrés dans nos habitudes et notre héritage culturel que nous les reproduisons sans même les voir. Pour exemple, j’ai réalisé que dans l’armoire de ma fille on y trouve 5 pyjamas rose, 1 pyjama blanc et 1 pyjama bleu. Son bol, ses couverts et son verre en plastique sont rose… Il s’agit sans doute d’un exemple assez basique mais tellement parlant.

Mais si l’on parle de construction sociale du genre, c’est forcément qu’à un moment nous avons été soumis, influencés par des représentations marquées du féminin et du masculin. Les dessins animés sont un bon exemple de l’évolution des mentalités sur ce sujet. Blanche Neige (1937) et la Belle au Bois Dormant (1957) ont été sauvées par un beau prince sur un cheval blanc, Raiponce (2010) et Mérida (2012) se débrouillent très bien toutes seules.

Sans penser que la femme n’a pas besoin de l’homme, il s’agit de rééquilibrer l’image du féminin, de lui redonner ses capacités et sa place.

 

Stéréotypes et publicité, ce n’est pas encore gagné

C’est ensuite Christelle Delarue qui prend la parole pour nous parler de la première agence de pub féministe française qu’elle a créé : Mad&Women. Elle prône le féminisme comme levier pour l’égalité femmes / hommes et comme source positive de créativité.

« les hommes sont 87% des experts dans la pub, les femmes sont 6 fois plus à poil »

S’il est bien un média qui pousse aux stéréotypes de genre, c’est bien celui de la publicité. On a grandi avec cette culture visuelle qui à permis de considérer ces pratiques comme normales. Dans les années 50-60, la femme était une ménagère moderne avec son nouvel aspirateur, aujourd’hui elle est sensuelle, photoshopée et souvent déshabillée dans les pubs de bijoux, parfums…

Mais les choses changent peu à peu, heureusement, et nous évoluons aussi avec elles. Il y a quelques mois j’ai croisé cette publicité dans le métro, et pour la première fois je dois dire que j’ai été profondément choquée. Je n’avais jamais vraiment prêté attention au sexisme dans la pub mais là oui ! Et apparemment je n’ai pas été la seule.

Avec les nouveaux moyens numériques et principalement les réseaux sociaux, les individus reprennent le pouvoir et peuvent ébranler une marque avec un bad buzz.

 

Mixité et numérique, un enjeu sociétal et économique

Dans la sphère professionnelle, la fracture homme / femme reste très présente. En France, seulement 17% des métiers sont mixtes. Dans le numérique, les métiers du marketing, de la communication et des RH sont considérés comme des métiers “féminisés” tandis que les métiers plus techniques, de développeurs ou “de faiseurs” sont largement associés aux hommes.

Guy Mamou-Mani, président du groupe Open et co-fondateur de l’association Jamais Sans Elles, partage avec nous le constat suivant : dans le digital les femmes sont représentées pour 5 à 10% sur les fonctions techniques. Si les femmes ne choisissent pas ces carrières (ingénieur, développeur) c’est d’abord parce qu’elles n’y sont pas orientées lors du choix de leurs études. Et il s’agit bien là d’un prisme culturel puisqu’en Inde, en Indonésie, au Vietnam et en Amérique du Sud ces métiers sont féminisés. Un constat embêtant pour le secteur du numérique qui manque cruellement de talents techniques.

« Le numérique est l’outil de la création du nouveau monde. Si les femmes ne sont pas impliquées, on va retrouver les mêmes biais encore et encore. C’est un enjeu absolu. »

Il faut donc développer l’attractivité de ces métiers et des initiatives vont dans ce sens comme l’intégration du codage à l’école primaire. Toutefois ce n’est pas suffisant, il faut également préparer l’environnement pour accueillir les femmes. La culture geek et l’univers start-up, fortement imprégnés de codes masculins, doivent s’adapter pour que les femmes puissent s’intégrer sereinement.

 

Carole Michelon, fondatrice de The Big Factory, oeuvre pour la mixité en entreprise et met en avant la diversité comme facteur de performance et d’innovation. D’ailleurs Gender Scan sort chaque année un baromètre sur le sujet et démontre qu’en France, 75 % des équipes mixtes ont été jugées surperformantes par leur manager. Il faut transformer les logiques d’entreprise envers les femmes. C’est un des leviers majeurs pour faire évoluer les pratiques et les mentalités.

Pour sensibiliser à la fois les particuliers et les organisations à la mixité et au sexisme, Carole Michelon vient de lancer Me and You Too. Quelques questions avec des mises en situation suffisent pour prendre conscience rapidement que nous avons tous des stéréotypes et des idées préconçues. Femme ou homme, nous pouvons tous être auteur ou victime de sexisme.

Évidemment j’ai fait le test… et bien apparemment j’ai plus de préjugés que mon collègue masculin Louis qui, lui, affiche un résultat de stéréotypes d’intensité faible.

 

Quels leviers pour favoriser la diversité ?

  • Agir sur la communication externe et l’impact des images sur la société. Quand on sait qu’une communication non stéréotypée génère un ROI de l’ordre de 26%, il est primordial que les marques s’emparent du sens réel de féminisme.
  • Stimuler la transformation culturelle des entreprises et des organisations. En valorisant le rôle des femmes, que ce soit sur le plan salarial, sur le plan des responsabilités et des champs d’action et en termes de reconnaissance.
  • Intégrer une dimension économique. Il faut que les femmes puissent avoir le pouvoir économique. Ce n’est pas parce que l’on parle des femmes et d’un combat sociétal qu’il n’y a pas d’argent derrière.
  • Déconstruire les stéréotypes actuels et éduquer les plus jeunes. Il s’agit de s’assurer que la question du genre ne soit pas un frein à l’accès aux métiers techniques ou numériques. Faire connaître les métiers du numérique mais il s’agit également d’une éducation de la confiance, du droit d’être, de se lancer, d’être imparfaite pour les jeunes filles.
  • Avancer main dans la main, hommes et femmes. La mixité représente un idéal ou les deux sexes seraient égaux. Les hommes ont donc forcément un rôle à jouer et beaucoup de choses à apporter.

 

En conclusion

Le numérique, en construisant le monde de demain, est l’opportunité de casser les codes et d’intégrer de nouvelles pratiques prônant l’égalité et la mixité.

Comme le souligne Alexandre Stopnicki, fondateur de l’agence digitale 3H33 et directeur pédagogique du #MBAMCI, l’Intelligence Artificielle est l’une des tendances lourdes. Et l’on pourrait presque rire des assistants vocaux portant des noms féminins et utilisant des voix douces si ce n’était pas sans rappeler la place des femmes dans les années 60, dactylos ou assistantes.

La féminisation des métiers du numérique est un véritable enjeu, sociétal comme économique et il y a donc encore du chemin à faire. J’ai été heureuse de découvrir cet univers lors de cette table ronde ainsi que les initiatives portées par tous les intervenants. Grâce à eux, j’ai envie de devenir une femme 3.0 engagée.

 


Lectures sur le sujet :

http://www.beeffi.com/jai-rencontre-celine-parsoud/

https://etreparents.com/eduquer-petites-filles-super-heroines/

https://www.usinenouvelle.com/editorial/dossier-le-sexisme-n-epargne-pas-la-tech.N620798

https://www.journaldunet.com/management/expert/68850/tech—la-mixite–c-est-l-innovation.shtml

http://www.global-contact.net/wordpress/wp-content/uploads/2017/10/Pr%C3%A9sentation_Gender-Scan-2017.pdf

https://mbamci.com/the-boson-project/