Avez-vous vu The Big Short ? Au delà de son sujet d’un optimisme qui fait chaud au cœur (la crise financière de 2008 c’était déjà dingue mais attendez de voir la suite…), le film met en lumière la dépendance d’un marché ultra-libéralisé soumis aux notes d’une poignée d’agences. De là à faire l’analogie avec l’internet, champ des possibles par excellence, il n’y a qu’un pas : internet est-il accroc aux agences chargées de mesurer son audience ?

 

CONFLITS D’INTERETS, GONFLER LES AUDIENCES

L’équivalent des redoutables Standarts & Poors, Moody’s ou Fitch s’appellent Comscore, Compete, Quantcast et surtout Nielsen qui, à travers son outil Médiamétrie sert de référence quasi unique aux médias en France.

Cette situation de quasi-monople n’a pas manqué d’émouvoir les journalistes de Slate qui en ont fait leurs choux gras il y a quelque temps déjà. Dans un article datant de 2012, le journal dénonçait la toute puissance de Médiamétrie en soulignant, dans le désordre, les conflits d’intérêt avec leurs clients actionnaires, les pratiques peu scrupuleuses des sites pour doper leur audience et enfin la fiabilité relative des mesures.

D’un point de vue technologique, on a forcément du mal à comprendre comment telle situation peut perdurer aujourd’hui.

Afin de mesurer l’audience d’un site, on se fie à 2 méthodes : l’un basé sur l’internaute (user-centric), l’autre sur le site mesuré (site-centric).

On ne s’attardera pas sur l’évidente concurrence sur les mesures site-centric : des applications quantifiant le trafic sur les sites, aussi courantes que Google Analytics suffisent à prouver que les solutions sont nombreuses. Reste à répondre aux obstacles naturels ou malicieux. Mais dans un cas comme dans l’autre force est de constater que soit on en arrive à bout, soit on fait sans (tant que le client ne demande rien…).

Ainsi, device et systèmes d’exploitation ont rapidement été intégrés dans des outils automatisés, tandis que le co-branding, les pop-under ou autre jeux-concours destinés à gonfler fallacieusement les audiences ont fait long feu.

Pour ce qui est du user-centric, c’est une autre paire de manche… Pour extrapoler les comportements de milliards d’usagers, l’échantillon type est la méthode la plus usitée. Cela induit des coûts assez importants d’autant que les panels doivent atteindre une taille critique pour être suffisamment représentatif. En France, ils sont peu ceux capables d’investir dans des panels de 20 à 25000 personnes. En fait, ils sont deux : Médiamétrie et plus récemment Comscore.

 

MONOPLE

Il est étonnant de constater que la polémique se soit plus souvent portée sur le site-centric que sur le user-centric. Est-ce par méconnaissance ou par pur intérêt économique, la quantité de l’audience restant le paramètre le plus lisible pour les annonceurs ?

Reste que la concurrence sur la mesure user-centric est ridiculement faible. Mais là encore, la révolution (technologique) est en marche ! Comment résister à l’afflux de cookies sur le moindre site en activité destiné à tracer nos moindres faits & gestes ? A-t-on encore besoin d’une boite noire posée par un organisme pour collecter des datas?

On peut légitimement en douter…

A l’aube du tout connecté, il est fort à parier que chaque site, chaque station, chaque chaîne pourra acquérir le profil de son auditoire par ses propres moyens. Libre à lui ensuite de démarcher ses annonceurs sans la bénédiction d’instituts de sondage.

A cela une seule et même condition : la fiabilité des données. Le rôle d’organismes tels que l’ACPM (anciennement OJD) ou des normes ISO sera en ce point déterminant. La naissance d’un nouveau monopole ?

En attendant regardez The Big Short : Jim Carell et Christian Bale y sont formidables.


Pour aller plus loin: