Made in France démocratisé ? L’exemple de Sensee ou le modèle DNVB

Interview d’Angélique Lenain – CEO de Sensee (lunettes Origine France Garantie).

Dans mon précédent article « Comment les supers pouvoirs du digital ont-ils permis le renouveau du Made in France », je vous parlais du digital comme un des facteurs ayant permis l’essor actuel du Made in France. En effet, les « supers pouvoirs » du digital au sens d’outils digitaux ont permis au Made in France de faire entendre sa voix, d’accéder à un canal de distribution (e-commerce), de trouver de nouvelles façons de se financer (financement participatif), d’innover, de s’internationaliser, etc. en dépassant la double contrainte qui le régit : ses marges réduites et le manque de lisibilité de l’offre Made in France (due à l’absence de marquage d’origine obligatoire qui génère un manque de transparence et de repère pour le consommateur final).

Même si 90 % des Français considèrent le Made in France comme important pour l’avenir (Sondage IFOP Octobre 2016), celui-ci reste encore l’apanage d’une minorité de consomm’acteurs convaincus qu’une consommation respectueuse de l’environnement, des emplois et des savoir-faire fait sens. De plus, en dépit d’une autre étude IFOP / Pro France parue cette année, et qui indique que 74% des français sont prêts à payer plus cher (de 5 à 10% plus cher) pour un produit Made in France,  la majorité de la population continue de penser que celui-ci reste encore difficilement accessible en termes de prix. Des événements comme le Salon MIF Expo, qui aura lieu les 10, 11 et 12 Novembre prochains Porte de Versailles, des initiatives retail comme L’Appartement Français, la boutique Vive la France en cours de lancement par le label Origine France Garantie (Paris – Centre Commercial Italie 2), ou encore La Rue du Made in France, récent événement de boutiques éphémères sur Paris, cherchent d’ailleurs tous à combattre ce préjugé en offrant des produits du quotidien, cumulant accessibilité des prix et fabrication française. En effet, le Made in France évolue de plus en plus vers un positionnement prix équivalent à celui de grandes marques internationales qui produisent en mode « Made in partout », pour reprendre l’expression formulée par Benjamin Carle dans son livre « Mon année Made in France » paru en 2015 aux éditions Plon.

Récemment, j’ai eu la chance de pouvoir interviewer Angélique Lenain, CEO de Sensee. Nous avons pu échanger sur le modèle de cette entreprise résolument tournée vers le digital et qui a pour objectif de disrupter un domaine d’activité complexe et conservateur : le marché de l’optique. En lançant son offre en 2015, Sensee s’est ainsi donné une mission ambitieuse et louable de diminuer de moitié le budget optique des français, sans rogner sur la qualité puisque l’entreprise propose une offre de lunettes avec des montures fabriquées en France et certifiées Origine France Garantie à partir de 18 Euros ! Pour y parvenir, Sensee a fait le choix d’un business model de marque média, qui bannit les intermédiaires, communément appelé le modèle « Digital Native Vertical Brand» (DNVB). C’est aussi le modèle économique choisi par Le Slip Français.

Laissons la parole à Angélique Lenain qui nous explique plus en détail le modèle de Sensee, la stratégie digitale de la marque et en quoi ceux-ci permettent in-fine d’offrir la qualité Made in France au plus grand nombre.

Pouvez-vous SVP vous présenter et présenter Sensee ?

Portrait d'Angélique Lenain - CEO de Sensee

Angelique Lenain – CEO de Sensee

« Je m’appelle Angélique Lenain, je suis la Directrice Générale de Sensee. Sensee, c’est une jeune marque de lunettes dont les montures sont 100% fabriquées en France. Celles-ci sont dessinées à Paris et fabriquées à Oyonnax (Ain) et uniquement vendues dans nos boutiques de Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, nos corners à Bordeaux et à Lille et exclusivement sur notre site Internet www.sensee.com. Ce sont des lunettes qui ont comme particularité d’être d’une qualité et d’un look formidables et d’un rapport qualité prix complètement inégalé puisqu’on commence avec des lunettes Origine France Garantie et des verres à la vue à partir de 18 Euros. »

Le manifesto donne les grands principes de la marque Sensee selon son fondateur Marc Simoncini

Manifesto de Sensee par Marc Simoncini

Le digital est-il pour vous une des raisons du renouveau du Made in France ? Et si oui, pourquoi ?

Si je parle pour Sensee, le digital, c’est l’outil qui nous a permis de rendre une qualité Made in France accessible au plus grand nombre, à un prix extrêmement compétitif. C’est l’outil qui nous a permis de faire sortir le Made in France de cette espèce d’enclave dans laquelle on l’avait mis qui consistait à dire : le Made in France c’est de la qualité « extrême » à un prix « extrême ». On avait tous tendance à penser que le Made in France était cantonné à du très cher, à du très peu accessible, à du luxe (comme celui proposé par des marques comme Hermès, Vuitton…). Le digital nous a permis de revoir la totalité de l’équation en repensant la chaîne de valeur. C’est le digital qui a permis l’émergence de ce que les américains appellent des « Digital Native Vertical Brands » (DNVB). Sensee en est une. Ce sont des marques dont l’objectif est d’intégrer la totalité de la chaîne de valeur, de la conception du produit à sa distribution. Intégrer la totalité de la chaîne de valeur c’est maîtriser la qualité de votre produit, l’expérience de votre client, c’est essentiel, surtout si vous êtes comme nous, complètement intransigeants sur la qualité du produit et de l’expérience. Pour créer une entreprise, c’est encore plus important de tout maîtriser de bout en bout car on fait beaucoup de « test & learn ». Cela nous permet de tester les choses et si elles ne fonctionnent pas, de réajuster rapidement. Si elles fonctionnent, il faut pouvoir déployer vite et dans ces cas-là, avoir les manettes sur la totalité de la chaîne de valeur est essentiel.

Maitriser cette chaîne de valeur, cela permet aussi de réintégrer la totalité des marges. L’optique est un secteur assez particulier. C’est plus de 6 milliards d’euros de CA en France par an, avec des très gros acteurs sur le marché. Il y a beaucoup d’intermédiaires entre la production des montures et des verres d’un côté et le client final de l’autre. Comme dans la plupart des secteurs, à chaque fois qu’un intermédiaire supplémentaire se rajoute, il y a un coefficient multiplicateur qui intervient sur les prix. Un coefficient multiplicateur habituel, c’est 2,5 fois mais en multipliant les intermédiaires, on peut aboutir à des coefficients de x5 ou x10. Pour vous donner un exemple, 2 verres unifocaux avec un traitement anti-rayures, ça coûte entre 1 et 2 euros à l’achat. C’est rare qu’on vous les vende à moins de 50 à 80 euros dans le commerce traditionnel (bien sûr, il faut intégrer un certain nombre de services et notamment le fait de les monter). On peut donc arriver à des prix d’équipements qui deviennent extrêmement élevés et coûteux pour un consommateur final qui a besoin de bien voir et qui peut, au final, renoncer à des soins parce que la lunette devient un luxe. Chez Sensee, nous créons, nous produisons et nous distribuons, ce qui fait que nous n’avons pas tous ces intermédiaires. Cela nous permet donc de fixer nos prix de vente pour remplir note promesse de toujours : de diviser par 2 le budget optique des français. Pour y parvenir, il est indispensable de réintégrer la totalité des marges car cela permet de revoir la répartition de la valeur entre le producteur, le distributeur (nous, Sensee) et le consommateur. Étant donné cette liberté, est-ce-que l’on va essayer d’aller gagner 10 euros de plus en produisant en Chine ou est-on prêts à payer 10 euros de plus pour produire en France ? Et c’est là qu’on a pris une décision forte de se dire, chez Sensee, on va faire les choses bien, et faire les choses bien pour nous, c’était aussi faire les choses en France. D’autant que sur la lunette, il y a une tradition de haute lunetterie dans le Jura et dans l’Ain qui est d’une qualité extrême et qui était en difficulté  au moment où on s’est penchés sur le sujet.

C’est bien le canal digital qui nous permet de réduire nos coûts de distribution par rapport au schéma des opticiens ou des chaînes d’opticiens traditionnels. C’est-à-dire qu’on peut avoir un maillage sur toute la France avec une quinzaine ou au maximum une cinquantaine de points de contacts et un site Internet. Les très grandes chaînes d’opticiens font quant à eux de la publicité en disant qu’ils ont 1250 magasins en France. Or un magasin, c’est énormément de coûts : c’est un pas de porte, ce sont des travaux d’aménagement, des loyers… Si vous réduisez ces coûts de façon drastique, vous récupérez des marges et vous décidez d’en réallouer aux consommateurs mais aussi à des producteurs français. C’est ça le choix de Sensee.

Le Made in France fait-il partie des raisons d’achat de la marque ?

Ça en fait partie. C’est même dans les 3 premières raisons d’achat. Néanmoins, ça dépend véritablement des gens. Il y a certaines personnes qui n’achètent que du Made in France et qui vont venir chez Sensee parce que nous avons fait ce choix. Mais ça reste une minorité. Il y a une autre partie de nos consommateurs qui est totalement indifférente au Made in France. Ceux-ci ont juste repéré une lunette qui a le bon look au bon prix. Enfin, il y a une 3ème catégorie de consommateurs pour qui le Made in France sera le petit plus qu’ils apprécient. Et ça, je pense que c’est la majorité. Ces personnes-là, le Made in France les touche et les conforte dans leur plaisir d’acheter nos produits.

Pourquoi avoir fait le choix de la certification Origine France Garantie ?

Par rapport au choix de la certification Origine France Garantie, il y a une question de valeurs et d’éthique qui est forte chez Sensee. Si l’on dit quelque chose, c’est qu’on le fait vraiment. Faire le choix d’Origine France Garantie, c’est se dire « on va aller au bout, on vous le dit et on s’astreint à le faire ». Je ne vous cache pas que c’est un niveau d’exigence assez contraignant qui nous a posé quelques soucis pour certains projets mais on s’y tient. C’est une exigence, c’est une volonté. Une volonté positive mais également défensive car on a été extrêmement attaqués lorsque l’on a voulu rentrer sur ce marché. On s’est dit que certains pourraient remettre en cause la véracité de nos productions françaises. Même avec la certification, certains essaient de continuer à faire croire que nos lunettes sont faites en Chine ! Chaque produit est audité et garantit individuellement par un organisme indépendant.

Mise en avant de la certification Origine France Garantie à l'intérieur des boutiques de la marque Sensee

Les produits Sensee sont certifiés Origine France Garantie

Au tout début de l’aventure, vous n’avez démarré qu’avec un canal de distribution online et puis vous avez ensuite complété avec de la boutique physique. Et ce que cela veut dire que le 100% digital ne fonctionne pas ?

Ça n’a pas fonctionné, je n’ai aucun souci à le dire mais ce que l’on a monté en 2012, ce n’était pas un modèle 100% digital, c’était un modèle pure-player. On a créé un site pour pouvoir vendre des produits de marque 2 fois moins cher que dans les boutiques traditionnelles. Et ça, ça n’a pas marché. Le marché n’était pas prêt. Depuis 2014, la loi a évolué, nous avons un cadre juridique clair pour la vente en ligne de produits d’optique. Ça aide car c’est rassurant pour un client de se dire que si le cadre réglementaire est clair, ça prouve que c’est autorisé et si c’est autorisé par les pouvoirs publics, c’est que ce n’est pas dangereux. En 2014, on s’est dit qu’il était temps de revoir notre copie et de réinventer ce que nous souhaitions faire avec toujours ce même objectif de diviser par 2 le budget optique des français. Et là, on a appris de toutes nos erreurs et c’est aussi pour cela que nous avons décidé de partir sur de la production française. Nous avions été aussi beaucoup attaqués sur le thème de « si ce n’est pas cher, ce n’est pas de la qualité ». On s’est dit, si ce n’est pas cher mais que c’est français, on ne peut pas être perçu comme de la piètre qualité. Le Made in France a aussi été une façon pour nous de couper l’herbe sous le pied de nos détracteurs. On s’est également dit que c’était complètement aberrant en 2014/2015 d’envisager un canal de distribution en étant uniquement d’un côté. C’est aussi « old school » d’être complètement « pure player » que d’être « brick & mortar » parce que les clients ne sont plus l’un ou l’autre. Les clients sont multicanaux et ont des besoins qui sont plus ou moins bien adressés au travers d’un canal physique ou au travers d’un canal digital selon le moment, selon le besoin, selon où ils habitent, selon leur âge, selon leurs envies, selon le temps dont ils disposent,… Le physique comme le digital ne sont pas des fins en soi, ce ne sont que des outils pour bien répondre à la demande de votre client. C’est donc là que nous avons ressorti le fond de notre ADN digital qui consiste à dire que nous sommes complètement « customer centric ». La seule chose qui compte, c’est le client. Le client a besoin de quoi, comment ? Pour l’instant, le client ne nous connaît pas donc il a besoin de nous voir dans la rue pour savoir que l’on existe et aussi pour se rassurer. Pour l’instant, il ne sait pas que l’on peut acheter facilement des lunettes sur Internet, il a peut-être besoin d’aller les acheter dans une boutique avec quelqu’un qui l’aide à acheter de façon à ce qu’il sache qu’il peut aussi le faire à la maison. Ou peut-être qu’il a besoin de commencer en boutique et s’il n’est pas sûr, de finir l’achat chez lui. C’est là que nous nous sommes dit qu’il était impératif d’être présent en boutique et en digital. Donc on a tout repensé. On a créé une collection de lunettes, on a recréé toute une identité de marque (avant nous n’étions que revendeurs) mais en plus, on a créé des boutiques, on a recréé un site Internet et tout le back-office de façon à nous permettre de servir les deux. L’idée est que notre back-office soit customer centric. Il doit être accessible de la même façon par la boutique comme depuis le site. L’idée c’est donc d’avoir une expérience « seamless » comme disent les américains, c’est-à-dire une expérience complètement fluide, sans « couture » pour le client final.

Intérieur d'une des boutiques de la marque Sensee

Une boutique physique Sensee

D’ailleurs, aujourd’hui, un des grands enjeux digitaux, c’est d’arriver à « tracer » le parcours client dans sa globalité, sans faire de différence entre les canaux. Peu d’acteurs y parviennent vraiment. Est-ce-que cela est possible chez Sensee ?

Absolument, on a tout organisé autour de ça. On appelait ça le « cross-canal » au départ mais maintenant le terme est obsolète puisqu’aux yeux des consommateurs la notion de canal ne fait plus sens aujourd’hui. La data est clé. La donnée nous permet non seulement de savoir ce que fait le client mais également de le servir, de produire ses lunettes, etc. Toute notre data est centralisée dans un même endroit. Si vous avez acheté sur Internet il y a ¼ d’heure et que vous appelez le service clients la personne qui vous répondra aura accès à votre compte et saura vous conseiller au mieux. Vous pouvez également aller en boutique pour savoir où en est la production de vos lunettes achetées sur Internet.

J’ai vu sur votre site que vous aviez une fonctionnalité d’essayage de montures à domicile. Est-ce-que c’est une fonctionnalité que vous avez eu dès le démarrage du site ? Vous a-t-elle permis de progresser en conversion ?

C’est quelque chose que l’on avait déjà sur notre site lors de notre 1er lancement en mode « pure player ». On ne l’avait pas réintégré lors du lancement de Sensee et on s’est rapidement dit que la fonctionnalité permettrait de dépasser le frein, très légitime du « Pour acheter des lunettes, j’ai besoin de les essayer ». Les essayages virtuels c’est une chose – le site Sensee propose également une fonctionnalité de ce type, très réussie – l’essai en réel, ça va plus loin. Ça marche extrêmement bien. La conversion en vente des personnes qui font des essais à domicile, c’est un KPI très important, que je suis d’ailleurs toutes les semaines. Le service clients joue un rôle important par rapport à cette fonctionnalité. Un client qui a reçu depuis quelques jours ses montures et dont on a aucune nouvelle pourra être appelé par le service clients pour savoir s’il a besoin d’aide, s’il y a des questions auxquelles il n’a pas forcément trouvé réponse sur le site. Il a peut-être besoin d’avoir un conseil, une réassurance avec une voix, une présence physique. C’est encore une notion du cross-canal chez nous. On utilise le digital comme un outil mais l’idée n’a jamais été de déshumaniser la relation, au contraire.

Angélique Lenain sur BFM Business - Présentation de la fonctionnalité de l'essayage à domicile

Angélique Lenain sur BFM Business – Présentation de la fonctionnalité « essayage à domicile »

On parle du digital qui est vraiment central chez Sensee. Est-ce-que vous avez une équipe digitale intégrée ou faites-vous appel à des prestataires extérieurs en complément de vos équipes produits ?

Chez Sensee, il n’y a que des gens qui sont « digitaux ». Nous avons bien sûr une équipe technique, IT avec des développeurs, d’autant que l’on gère 2 sites (www.lentillesmoinscheres.com et Sensee), donc 2 back-offices. On fait parfois appel à des développeurs externes en complément. On a une équipe marketing interne ultra digitale parce que le marketing chez Sensee, c’est avant tout de l’acquisition, du SEO ou des réseaux sociaux. Tout cela est totalement internalisé… même notre mutuelle est digitale ! Le digital chez Sensee, c’est un état d’esprit et un outil au service du business.

Au sein de votre budget Marketing, quelle est le pourcentage dédié au digital – car j’ai vu que vous faisiez aussi de la pub TV par exemple ?

Ça dépend des années et de l’activité concernée. Sur l’activité Lentilles (www.lentillesmoinscheres.com), 100% de nos dépenses sont dédiées au digital. Sur l’activité Lunettes (www.sensee.com), c’est un peu différent car nous avons une vraie problématique de création de notoriété. On est une marque et une marque se doit de créer de l’appétence. Pour créer de la notoriété, vous avez bien sûr Internet mais il y a un phénomène qui reste encore vrai à l’heure du digital, c’est qu’une marque que vous avez beau voir de partout sur Internet, le jour où vous la voyez sur une affiche dans le métro, vous vous dites, tiens « c’est du vrai alors » ou « c’est sérieux alors ». On ne peut pas négliger cela. Nous avons commencé à faire un peu de « offline » en 2017, cela regroupe la presse, l’affichage dans le métro, des spots TV ou du sponsoring TV…  Néanmoins, Sensee est une marque qui a vocation à communiquer avant tout en digital.

Publicité Sensee 2017 www.sensee.com

Spot de publicité Sensee 2017

Quelle est votre cible ?

Elle est assez transgénérationnelle, assez large. Notre doyenne doit avoir plus de 100 ans et notre plus jeune cliente a 3 ans. Notre cible est un tout petit peu plus féminine que masculine car les femmes renouvellent plus souvent leurs lunettes que les hommes. En termes d’âge, ce sont plutôt des 25-45 ans, plutôt urbains, pas CSP+ ou CSP- mais plutôt coefficient culturel +. Sensee intéresse des gens qui font attention à la façon dont ils consomment, qui souhaitent consommer des produits français, en circuit court, qui sont réceptifs à notre discours de transparence sur nos prix, sur nos marges, de respect de nos collaborateurs, de nos producteurs, de nos clients. Ce sont des personnes qui préfèrent consommer moins mais mieux. La logique chez Sensee, c’est d’acheter vos lunettes à leur bon prix même si votre mutuelle vous donne peut-être le droit à plus.

Quelle est votre stratégie en termes de réseaux sociaux ? Priorisez-vous certains réseaux ? Quelle est la ligne éditoriale de Sensee ?

La ligne éditoriale est différente selon les réseaux. Nous ne sommes pas sur Snapchat, c’est le seul réseau social important sur lequel nous ne sommes pas présents parce que notre cible est un peu plus âgée que celle du réseau. Sur Twitter, on a une logique de débat d’idées. On va parler de Made in France,  circuits courts, de l’actualité de Sensee en tant que marque présente dans le débat social et sociétal. Sur Facebook, on a une logique plus produit, on parlera par exemple de l’actualité de nos boutiques (ouvertures, fermetures, jeux concours…). Un discours plus classique donc. Sur Instagram, on a une logique plus inspirationnelle sur la marque, la beauté des produits, le côté lifestyle, la volonté de consommer d’une certaine façon, notre univers coloriel – on est très graphique dans notre ADN de marque. À l’image de nos boîtes de lunettes, notre Instagram utilise beaucoup la bichromie.

Visuel montrant le compte Instagram de la marque Sensee

Compte Instagram Sensee

Le digital pour Sensee demain c’est quoi ? Quid de l’industrie numérique 4.0 ? De l’impression 3D ?

La 3D ? oui, on pourrait utiliser davantage l’impression 3D pour prototyper. Ça pourrait être ludique et intéressant pour raccourcir les délais de lancement d’un nouveau modèle. Cela suppose néanmoins que nos producteurs soient équipés de ces technologies. Nous sommes en veille constante sur les nouveaux outils. Il va y avoir de grandes évolutions. Est-ce qu’il va falloir intégrer du bitcoin sur nos modalités de paiement ou pas ? Est-ce qu’il va falloir changer nos modalités de paiement en boutiques pour pouvoir permettre les paiements via smartphone ? Nous aimons travailler sur ce qui nous semble apporter de la vraie valeur ajoutée à l’expérience du client, pas sur le numérique gadget. Par exemple, pouvoir se prendre en photo avec une paire de lunette et puis une 2ème et pouvoir mettre les 2 photos côte à côte et faire son choix, c’est une vraie valeur ajoutée ! Donc l’essayage virtuel, ça mérite que l’on regarde : c’est en train de devenir tout à fait fiable. En plus, ce sont des expériences amusantes qui ajoutent un peu de gamification dans l’expérience physique. Quand on a ouvert notre pop-up store à Euralille, on a mis un grand écran à l’entrée du corner. Quand vous vous rapprochez, on vous filme et une paire de lunettes vient se mettre sur votre nez. Déjà, cela vous fait rire et après cela vous permet de jouer avec les différents styles, d’affiner ce que vous aimez et ce dont vous avez envie. Comme c’est assez catchy, c’est ce qui peut vous faire faire un pas de plus et rentrer dans la boutique. Cela nous permet aussi d’avoir une vision sur ce que les clients ont envie d’essayer et ça, en tant que créateurs de lunettes, c’est précieux d’avoir un retour direct de nos clients sur l’attractivité de nos modèles. Après on s’intéresse de près à tous les outils de marketing online. Il y a aussi tous ces outils digitaux qui permettent d’avoir une présence sur les réseaux sociaux plus rapide et moins chère, de mieux acheter nos mots-clés

La blockchain ? 

Nous n’y sommes pas encore. Mais c’est un sujet fondateur aussi intéressant que complexe, qu’il faut continuer à suivre. Ça peut intervenir potentiellement rapidement pour nous en termes de paiement, et ensuite pour des raisons de traçabilité.

GIF Jane Birkin

En établissant une relation directe entre le fabricant et le consommateur final via le modèle DNVB, Sensee, permet de rendre des produits Made in France accessible au plus grand nombre à un niveau de prix inégalé. Le modèle DNVB est aussi un facteur clé de succès du Slip Français comme l’expliquait récemment son fondateur et dirigeant Guillaume Gibault. Le modèle DNVB est donc un moyen pour les marques Made in France de réduire leur contrainte liée aux faibles marges et pour d’autres entreprises d’accéder et de proposer à leurs clients une qualité Made in France. Le modèle DNVB est donc à considérer pour emmener le Made in France vers son vrai potentiel.

Virginie Millet

Sur le même sujet, découvrez également l’article d’Astrid Jacquemont qui vous dit tout sur les Digital Native Vertical Brands : « Les DNVB, ces marques qui réenchantent le e-commerce »

Pour aller plus loin,

Interview d’Angélique Lenain au West Web Festival

Interview d’Angélique Lenain sur BFM Business