Dans un contexte où le changement climatique est au centre des discussions et où les lois sur le climat s’empilent en Europe pour atteindre la neutralité en 2050. La RSE est au cœur de toute l’attention quel que soit le secteur. Le e-commerce n’est pas en reste. Alors, quels leviers RSE mettre en place en e-commerce ?

C’est un secteur dont le modèle est basé sur le volume, donc fortement remis en cause par la RSE et la question climatique. Nous allons explorer :

Où en sont les e-consommateurs avec les leviers RSE ?

On constate une prise de conscience des consommateurs vers une consommation plus durable :

  • A prix égal, 80% préfèrent un produit engagé (baromètre Greenflex) ;
  • D’après l’étude KPMG x Fevad 2020 : « 70% des cyberacheteurs disent privilégier les sites qui mettent en avant une démarche responsable » ;
  • 60% font entrer en ligne de compte les critères RSE dans leur acte d’achat (Etude IRI) ;
  • Les changements de comportement vers la renonciation à l’achat sont amorcés (Etude Kantar).

Ce sont ces nouveaux comportements, de plus en plus éco-responsables, qui influent sur les engagements des commerçants et des e-commerçants. Ainsi, 81% des e-commerçants considèrent le sujet de la RSE comme prioritaire (KPMG x Fevad 2020). Mais, pour le moment, seules 10% des marques sont considérées comme responsables (Kantar 2021). Il reste donc encore beaucoup de chemin à parcourir afin de convaincre de l’engagement des marques.

De plus, la préoccupation prix reste le premier critère d’après Kantar (février 2022), critère qui va encore plus s’accentuer en période de crise.

Ainsi, le e-commerce qui est globalement, basé sur le marché de masse, fait appel à un modèle low price. Mais ce modèle a un fort impact environnemental, notamment avec l’importance des fabrications en Chine (transport et énergie au charbon). Il faudra donc trouver l’équilibre entre prix, qualité et responsabilité.

« S’ils veulent générer davantage de valeur et de croissance, les dirigeants doivent agir dès maintenant : il leur faut rebâtir leur stratégie et définir de nouveaux standards pour répondre aux attentes des consommateurs, puis les dépasser. Désormais, les marques ne peuvent plus se contenter du prix et de la qualité pour se démarquer » estime Isabelle Lafont, directrice exécutive chez Accenture.

On constate une prise de conscience par quelques acteurs en France tel que :

  • Camif, entreprise déclarée à mission, dont le PDG, Emery Jacquillat, déclare : « Il n’y aura pas de retour en arrière sur la consommation responsable »
  • Ou, Aigle dont la directrice générale, Sandrine Conseiller, plonge son entreprise dans une transition écologique profonde. « La crise a accéléré l’envie de mode durable et locale ».

Les impacts environnementaux du e-commerce

1.      La fabrication

C’est le principal point de consommation carbone des entreprises e-commerce. On estime que la fabrication mais aussi la vie des invendus pèse entre 85% et 95%*.

L’offre représente donc le plus gros impact, qu’il s’agisse de e-commerce ou de distribution classique. C’est un impact scope 3 (émissions indirectes non liées à l’énergie).

En ce qui concerne l’alimentaire : le plus fort impact vient des produits animaux. Alors qu’en non alimentaire, il vient du textile notamment avec la promotion qui est un levier d’augmentation des ventes, donc de la production, donc des émissions de CO2 !

2.      Le transport

Il ne pèse que 5 à 10% du bilan carbone global*. Ce bilan est d’autant plus lourd que les produits sont distribués sans regroupement. C’est un impact de Scope 2 (émissions indirectes liées à l’énergie).

3.      Les entrepôts

Par leur emprise au sol, et donc leur artificialisation massive des sols, les entrepôts ont un impact sur la biodiversité des lieux où ils sont présents.

Mais il faut garder en tête que le e-commerce n’a pas forcément une empreinte carbone supérieure au commerce physique.

Quels leviers RSE en e-commerce ?

1.      L’offre

C’est l’axe qui permettra d’ancrer son entreprise dans une démarche responsable, en s’attaquant au plus gros poste carbone du e-commerce.

Pour cela, on compte différentes possibilités :

  • Les productions locales. C’est ce que favorise la Beauté Française, grâce à sa marketplace de produits locaux et engagés !
  • L’économie d’usage et de la fonctionnalité. On peut citer trois démarches différentes :
    • L’exemple de Camaïeu qui s’adresse aux pertes et prises de poids des femmes en créant le service « la garantie yoyo ». Elle permet de réduire le gaspillage textile en permettant l’échange de leur jean contre une taille supérieure ou inférieure pendant 1 an.
    • Le vêtement pour enfant extensible (Petit Pli) ou évolutif (Little Woude).
    • Mais aussi la location, comme avec Loc and Roll qui permet de louer ses meubles ou sa décoration afin de faire évoluer son intérieur avec ses envies et étapes de vie.
  • La circularité : c’est l’axe le plus exploré par le e-commerce.

45% des e-consommateurs ont déjà acheté un produit issu de l’économie circulaire sur Internet (baromètre trimestriel de l’impact du e-commerce en France de février 2020 de la FEVAD et de Médiamétrie).

    • On y retrouve les produits éco-conçus à l’origine (à faibles émissions de Gaz à Effet de Serre). Ils sont produits à partir de matière première recyclée. On les retrouve dans les contenants en plastique notamment ou directement dans les produits finis (Intersport).

      

    • En ce qui concerne les invendus, plusieurs lois régissent leur destinée :
      • En alimentaire : depuis 2015, plusieurs lois régissent les invendus : la LTECV (pour la restauration collective), la loi Garot (pour les distributeurs), EGALIM (qui inclut des rapports des lois précédentes et généralise le « doggy bag »), et enfin la loi AGEC qui va renforcer les mesures anti-gaspillage.
      • En non alimentaire : après le bannissement des destructions d’invendus en 2021, « l’article 45 de la loi AGEC oblige depuis le 1er janvier 2022, les producteurs, importateurs et distributeurs à réemployer, réutiliser ou recycler les produits non alimentaires invendus ».
    • Le Recyclage : il peut être traité en amont avec la Big Collecte de Boulanger ou en aval avec la seconde main (cf l’article de Sophie Aubert sur le sujet). Mais le recyclage comprend aussi les produits reconditionnés avec Back Market. Le reconditionné peut encore monter d’un cran en insistant sur le reconditionnement local.
    • Au sein de l’économie circulaire, on retrouve la notion de réparabilité avec l’indice mis en place par la FNAC par exemple.
  • Les produits avec une forte durabilité (dans le temps). La loi AGEC demande de passer d’un indice de réparabilité à un indice de durabilité, en ajoutant à ce premier indice la robustesse et la fiabilité notamment. Bosch a directement inclus cette notion dans ses publicités

4.      L’optimisation logistique

Côté Supply chain, on retrouve une dichotomie entre immédiateté et RSE. C’est une demande de lame de fond, mais il faut construire un modèle pérenne. Il existe des outils technologiques qui permettent d’optimiser les routes, les parcours et notamment éviter les retours à vide, le défi étant d’optimiser les remplissages. Mais le plus gros enjeu se joue principalement sur le dernier kilomètre (Woop) :

  • Que ce soit pour le lieu de livraison : livraison par quartier, dans un point relais, en magasin (click and collect), en drives piétons, dans des consignes automatiques…
  • Ou pour le mode de livraison : en favorisant des véhicules légers (scooters, vélos), électriques (en milieu urbain), mais aussi des livraisons collaboratives (shopopup)…

Citation RSE livraison E. Grenier

Pour le moment, la livraison reste le point noir de la rentabilité du e-commerce. A terme, il faudra atteindre un amortissement entre coût fixe (mise de départ) et coût variable (qui nécessite d’augmenter le panier). Ceci passera surement par la sensibilisation des clients sur leur mode de livraison. Alors que 85% des consommateurs se font livrer à domicile, informer le e-client de l’impact de son choix au moment où il choisit sa livraison peut permettre de réduire les GES (gaz à effet de serre) mais aussi améliorer sa rentabilité. Saluons l’initiative de La Poste avec son calcul de score écologique.

« Toutes les mesures destinées à limiter la part des retours sont positives. Toutes les mesures d’optimisations logistiques sont positives. » Karine SANOUILLET

 

5.      Le packaging

Afin de continuer l’optimisation logistique, il faut faire la chasse aux espaces vides dans les colis (cdiscount). Ce qui permet de réduire le volume occupé, de réduire le contenant et d’optimiser les flux logistiques.

En e-commerce on peut aussi réduire le second emballage, dont on n’a pas besoin, car il n’y a pas de visibilité magasin en jeu ! Le visuel est sur le site marchand. Pour cella il y a deux axes :

  • Supprimer le suremballage : il n’est pas nécessaire d’avoir un emballage marketing
  • Garder l’emballage d’origine s’il est assez solide.

Il existe quelques initiatives en test pour une circularité des emballages. Par exemple celle de Petrel repose sur des emballages réutilisables avec un jeu de consigne.

petrel

Bien évidemment, dans une démarche RSE, le but est de réduire l’utilisation du plastique dans ces emballages.

Et pour aller encore plus loin, le packaging peut être supprimé en passant une partie de son offre en Vrac (La Fourche).

6.      La promotion

On peut personnaliser ce que l’on va promouvoir afin d’améliorer la responsabilité de la consommation. Par exemple en favorisant les virtual bundle, c’est-à-dire en constituant des lots de manière virtuelle avec une réduction. Il permet une flexibilité pour choisir exactement le bon nombre de produits pour le consommateur sans pré-constituer de lots qui seraient trop volumineux.

Mais le site du commerçant peut aussi promouvoir et mettre en avant (via le e-merchandising) les produits ayant un impact carbone moindre et ayant été conçus dans des conditions respectant les droits de l’homme ou du travail.

Biocoop, par exemple, présente ce que la nature nous donne sans en rajouter via des promotions sur des produits plus responsables : sans sel nitrité, arômes artificiels ni OGM.

Pour limiter la consommation excessive, d’autre marques se désengagent d’évènement la favorisant tel que le Black Friday (Aigle et Camif).

7.      L’information produit : la donnée, un élément clé

Près de la moitié des Français (48%) attendent des informations liées aux critères environnementaux et sociaux tandis que 41% souhaitent en savoir plus sur la composition du produit. (étude Opinionway pour SES-Imagotag – 2021)

Pour ce faire, il y a plusieurs éléments que l’on peut communiquer au consommateur comme action pour leur donner le choix :

  • Les fiches produits détaillées : matières premières, ingrédients, origine… En alimentaire, NumAlim se consacre à être la base de données produits complètes, fiables et maîtrisées du secteur.
  • Les logos environnementaux, mais un travail est nécessaire pour les harmoniser.
  • L’« impact environnementale évité » : pour le moment, il n’y a pas d’informations sur les émissions de gaz à effet de serre. Un axe à creuser…

Le plus compliqué dans cet exercice est de collecter toutes les données d’éco-contribution d’un produit afin de les traiter et de les qualifier.

8.      Sociétale et sociale

On peut retrouver dans cette ce levier, l’exemple de Carrefour qui s’engage auprès des étudiantes en précarité en leur offrant 1 kit de protections hygiéniques chaque mois sur présentation de la carte de fidélité.

La part sociétale en dehors de l’inclusion peut passer par :

  • Une charte de conformité, qualité et sécurité des produits;
  • Le choix de ses partenaires, par exemple : l »audit des vendeurs de sa marketplace vs le respect de la charte (matière première interdite…).

Conclusion

La marque est un repère que le consommateur questionne, c’est la crise de confiance.

Le temps de la consommation débridée est derrière nous, c’est la prise de conscience du consommateur qui va inciter les marques à se demander comment se retrouver avec leurs consommateurs. Il faudra trouver les bons leviers pour résonner dans l’imaginaire du consommateur,  afin qu’il puisse se projeter vers un futur, alors même que les marqueurs de confiance diffèrent en fonction des consommateurs : l’expérience client, le bon rapport qualité / prix mais aussi la RSE et l’éthique formeront le triptyque gagnant pour les marques de demain.

Il faudra donc favoriser les produits responsables et leur accessibilité. Et même si c’est le consommateur qui fait bouger les lignes, le prix reste prépondérant dans son acte d’achat face à l’écologie !

*Analyse à partir des rapports annuels des entreprises de e-commerce, des déclarations issues du Climate Disclosure Project (CDP) et de l’expertise Carbone – 2021 – Carbone 4.

Bibliographie :

https://www.lemondedelenergie.com/e-commerce-decarbonation-transport-marchandises/2021/07/16/

Etude e-commerce et RSE: the Green deal – Etude KPMG x FEVAD – Novembre 2020

Interview de Karine Sanouillet : experte retail et RSE

150 initiatives RSE du Retail illustrées : comment les enseignes expriment leurs engagements en magasin et auprès de leurs clients ? – Etude Madame Benchmark – juillet 2022

la loi AGEC : https://www.ecologie.gouv.fr/loi-anti-gaspillage-economie-circulaire

Accélérer la transformation écologique et sociale de la France – Cercle de Giverny – 2022

La seconde main au premier plan – Etude Fevad x KPMG – septembre 2022

Green Deal: le e-commerce écolo ? – Junto