Le e-commerce alimentaire a subi une accélération massive à tous points de vue pendant la crise sanitaire : transformation des organisations, des magasins et des usages clients. Pour assurer ce qu’Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, a appelé une « mission de service public d’alimentation », les enseignes ont eu recours à des solutions temporaires de type ship-from-store, comme Franprix, pour préparer des commandes e-commerce dans les magasins désertés. Les offres se sont multipliées, pour amener la marchandise au plus prêt des clients : services drives dans les magasins Promocash, paniers « Les essentiels » Carrefour livrés à domicile, drives privés pour les soignants, etc.

Ces innovations ayant ouvert la voie à l’omnicanalité pour beaucoup d’enseignes, il leur revient maintenant de se doter des bons outils pour permettre aux clients d’accéder au stock où qu’il soit – en magasin ou en entrepôt – dans une perspective de réduction des coûts opérationnels, d’augmentation de la qualité de service et de la satisfaction client au sens large.

Appréhender la notion d’omnicanalité

L’avènement du e-commerce permet aux consommateurs de s’affranchir des contraintes de temps et d’espace. Ils découvrent d’un coup d’œil l’offre globale du marché, à l’aide de grilles de lecture extrêmement riches, faites de comparateurs de prix, de disponibilité des stocks, de suggestions d’achat, de promotions personnalisées. Internet et les algorithmes font entrer tous les acteurs du marché dans l’ère de la transparence de l’information, chère aux économistes néo-classiques. Les marketplaces de Jeff Bezos ou de Jack Ma sont-elles pour autant l’émanation du marché sublimé de Léon Walras ? Évidemment non, mais là aussi les marchands et plus précisément les plateformes, murmurent à l’oreille des consommateurs des promesses de liberté.

Comme tous les secteurs d’activité, la grande distribution est bouleversée par la révolution des usages numériques de ses clients. Les canaux électroniques (sites marchands, places de marché, applications mobiles, réseaux sociaux, IoT) viennent compléter les canaux de distribution historiques (magasins, centres d’appel, catalogues). Les parcours d’achat se déploient au travers de ces dispositifs, digitaux ou non dans un paradigme qui, s’il n’est pas encore la norme, est en tout cas l’objectif de tous les acteurs : l’omnicanalité.

Les contours d’une nouvelle coordination marchande

La proposition de valeur faite par les hypermarchés au premier rang desquels Carrefour avec son concept « tout sous le même toit », est discutée ces dernières années. Le modèle star des trente glorieuses, conçu pour répondre à une consommation de masse, est en perte de vitesse. Les modes de vie et les arbitrages des consommateurs évoluent et cette promesse de profusion ne pèse plus grand chose face à l’offre illimitée des marchands sur internet. 

La capacité de s’adapter aux nouveaux usages des consommateurs et de maîtriser la relation commerciale sur chaque canal, est un levier de performance majeur pour les enseignes. Qu’elles soient pure players ou brick and mortar, les enseignes jouent la complémentarité des canaux. En Chine, c’est Alibaba, chantre du “new retail” qui a ouvert le bal en déployant l’enseigne Freshippo. Aux Etats-Unis, les retailers “historiques” font feu de tout bois face aux offensives d’Amazon dans la distribution physique. Son acquisition de la chaîne de supermarchés bio “Whole Foods Market” en 2016 a déclenché des réactions en chaîne : Walmart a musclé son offre et sa technologie web en rachetant Jet.com et en multipliant les partenariats, Target a investi dans ses magasins en installant des guichets click and collect et des drives sur ses parkings. Kroger a recours à une délégation e-commerce via Ocado Solutions. C’est une des solutions retenues aussi par le groupe Casino en France pour accélérer dans le e-commerce alimentaire. En fournissant à son enseigne Monoprix un environnement e-commerce sur-mesure, l’enseigne veut rattraper son retard technologique. Carrefour a de son côté fait appel à la start-up française Exotec pour équiper ses PPC (plateformes de préparation de commandes) et drives automatisés. 

Mettre en œuvre l’omnicanalité en s’appuyant sur l’order management system (OMS)

Pour déployer l’expérience clients sur tous les canaux, les retailers doivent synchroniser les flux d’informations et avoir une approche unifiée du système d’information. Dans une organisation « omnicanal », les données issues des interactions entre les clients et le distributeur sur chaque canal sont analysées afin d’adapter et de prévoir au mieux les parcours d’achat. 

Pour proposer les meilleurs options de livraison à leurs clients, les enseignes doivent avoir la vision la plus précise possible de leurs stocks en temps réel. Pour cela, de plus en plus utilisent des OMS (Order Management System).

Les OMS constituent un sésame vers l’omnicanalité pour les distributeurs en ce qu’ils permettent notamment d’apporter la meilleure réponse logistique à n’importe quelle commande : livraison en 1H, click and collect, livraison en consigne urbaine, etc.

Ils organisent la combinaison des ressources internes et externes en garantissant une visibilité précise sur tous les canaux et surtout, ils choisissent le modèle logistique opérationnel optimal pour traiter une commande. L’OMS fait le lien entre la prise de commande en front-office et les outils opérationnels de la supply-chain que sont notamment les WMS (Warehouse management system) et TMS (Transport management system). Les WMS sont des solutions qui prennent en charge les activités opérationnelles des plateformes logistiques afin d’en augmenter la productivité. Les TMS sont des logiciels de gestion des schémas de transport qui optimisent les tournées des livreurs en fonction du nombre d’arrêts. Le TMS minimise notamment la distance parcourue par les livreurs.

Enfin, l’omnicanalité requiert une vision des stocks en temps réel, disponibles à la commande sur tous les canaux. Pour ce faire, l’OMS doit embarquer un module ATP (Available-To-Promise) qui calcule en temps réel la disponibilité des stocks et des capacités.

L’OMS, gestionnaire de transaction, se connecte également au CRM (Customer relationship management), pour la gestion de la relation client et au PIM (Product Information management) qui permet de gérer le référentiel produit. Cette architecture de base peut être connectée à des plateformes et des outils externes comme des market places via des API (Application programming interface). Elle permet la mise en place des DMP (Data management platform) qui peuvent analyser en temps réel les données marketing dans l’infrastructure, afin notamment de segmenter les internautes pour les campagnes digitales.

Pour résumer : 

Conclusion

L’OMS permet donc, d’une part, de répondre au dilemme traditionnel de la logistique des distributeurs : réduire les coûts opérationnels tout en augmentant la qualité de service (conformité des commandes). D’autre part, il augmente significativement la satisfaction client sur l’aspect livraison : respect des délais et réduction de l’empreinte carbone. Si les outils ne sont pas encore adoptés de façon significative par les grandes entreprises du secteur, les évolutions récentes des parcours clients devraient les convaincre de plus en plus de franchir le pas.

 

Sources :

LSA : Comment Franprix a adapté son organisation pour suivre la hausse de l’e-commerce ?

LSA : Le grand réveil de Walmart

LSA : L’order management system : le hub intelligent de l’omnicanalité

Vigie Grande conso n°347, mai 2020, éditions Dauvers

Henri Isaac, E-commerce, Vers le commerce connecté, Pearson, 2017.

Articles connexes :

Je vous invite à lire l’excellent article d’Angélique Mhiri, ici … et le mien ici.

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Thèse professionnelle a venir dès le 09 octobre 2020 :

« Les leviers de performance du e-commerce alimentaire chez le distributeur omnicanal ».