Les managers de demain géreront des équipes hybrides, hommes/ machines. Dans un précédent article, j’expliquais que les robots allaient devenir nos futurs collègues de travail. Il va donc falloir apprendre à collaborer avec la machine. Dans cette perspective, quel profil aura le manager de demain ? Quelles compétences devra t’il développer pour être complémentaire avec l’intelligence artificielle ?
Cécile Dejoux, professeur des universités au Cnam Paris, a enquêté sur le sujet et a fait un Mooc « Le manager augmenté par l’intelligence artificielle » diffusé sur la plateforme Fun. Elle définit 4 compétences stratégiques pour le manager de demain.
1re compétence : savoir poser les problèmes
L’intelligence artificielle va remplacer l’humain sur des tâches routinières, qui pourront être automatisées. Ainsi des tâches comme : la prise de rendez-vous, la réponse aux mails de premier niveau, l’organisation de réunion… pourront être exécutées par l’IA.
C’est d’ailleurs déjà ce que propose l’assistant virtuel Watson d’IBM aux collaborateurs du Crédit Mutuel (1)
Il classe les mails par ordre de priorité, les classifie par thématique et propose une réponse aux collaborateurs. Ces derniers n’ont plus qu’à modifier à la marge les réponses proposées.
Grâce à Watson, des gains de productivité de plus de 60% ont été constatés pour les collaborateurs de cette banque.
Le manager dépossédé de ces tâches chronophages (cf. répartition du temps de travail du manager ci-dessous) aura alors plus de temps pour être en contact avec son équipe, développer des relations de proximité avec ses clients, penser, réfléchir, se recentrer sur son coeur de métier et être créatif…
Le temps de travail du manager se répartis de la manière suivante (2)
• 80% de son temps : le manager réalise des tâches répétitives pour lesquelles il est surqualifié. Une partie de ces tâches sera automatisable.
• 10% de son temps : le manager est au cœur de son métier et produit de la valeur
• les 10% restants : le manager est sous qualifié
Le manager va devoir apprendre à problématiser clairement ses questions. Il devra éduquer la machine afin d’obtenir d’elle un éventail de solutions pour lesquelles il pourra choisir d’automatiser la réponse ou de sélectionner une solution parmi celles proposées.
Auparavant le manager était jugé à sa capacité à régler des problèmes. Désormais dès qu’il interagira avec l’IA, il sera jugé sur sa capacité à poser des problèmes et des questions.
2e compétence : développer une culture de la data
Le manager devra imaginer des systèmes qui nourrissent les intelligences artificielles avec de la donnée. Il apprendra à mettre en place des solutions, pour que tous les acteurs (collaborateurs, clients, fournisseurs,…) fournissent des datas de qualité, en flux continu, aux d’IA.
Cette compétence nécessite un état d’esprit et l’acquisition de méthode en amont. Il faudra que les managers comprennent les données qu’ils utilisent. Les managers ne deviendront pas tous des mathématiciens hors pair mais il faudra les éduquer sur la data. Le manager de demain devra avoir une vraie culture scientifique de la donnée.
3e compétence : développer son « humanité »
Notre recul sur l’intelligence artificielle nous permet de savoir quelles tâches l’IA pourra réaliser à court terme et celles qu’elle ne pourra pas faire. Les IA ne peuvent pas pour l’instant innover, avoir de l’imagination, entreprendre… Et donc pour être complémentaire avec la machine, le manager de demain devra développer ses qualités humaines. Les managers pourront développer leur créativité, leur pensée critique, leur capacité à décider, la prise de risque… toutes ces qualités qui pour l’heure sont réservées à l’homme et a priori pour un moment.
4e compétence : éduquer les IA
Enfin le manager devra éduquer les IA. Une nouvelle fonction a d’ailleurs fait son apparition : l’éleveur de robot. Il s’agit du responsable de l’éducation de l’IA.
Les différentes intelligences artificielles reposeront sur des technologies identiques. La différence entre une bonne et une moins bonne IA se fera sur l’entraînement. Il faudra repérer, les bons entraineurs / éducateurs de robots, qui seront des signatures reconnues.
Enfin le manager devra acculturer ses équipes et les entraîner à eux même éduquer des IA.
Cette dernière compétence pose une question de fond : faut-il tout apprendre aux IA ? Quels seront les biais (valeurs, éthiques, stéréotypes…) liés à l’éducation par une seule personne ou un groupe homogène de managers ? Ces questions devront être tranchées notamment au sein des entreprises.
⇒ Avec le développement de l’intelligence artificielle, le manager est aujourd’hui au centre d’une mutation peut-être plus brutale que la transformation numérique. En 1980, une compétence durait environ 30 ans. En 2018, une compétence ne dure plus que 5 ans (3). Avec le déploiement de l’IA, le manager va donc devoir se réinventer et développer des nouvelles compétences afin de pouvoir collaborer avec l’intelligence artificielle. Il s’agira alors d’intelligence collaborative (hommes + machines), une intelligence supérieure aux seules capacités de la machine ou de l’homme.
(1) Intervention de Caroline Lombard « Intelligence artificielle, passez à l’ère du cognitif » – MBA MCI –mai 2018
(2) Données issues du Mooc « Le manager augmenté par l’intelligence artificielle »
(3) Vivatech 2018 : L’image de marque : Quel pouvoir d’attraction des talents ?
Sources :
- Le monde.fr/ Véronique Chocron/ avril 2017 – Le Crédit mutuel déploie le robot d’intelligence artificielle Watson dans son réseau
- Le Mooc « Le manager augmenté par l’intelligence artificielle » – avril/ juillet 2018
- http://www.focusrh.com/actualites-rh/en-direct-de-rhm/les-quatre-competences-cles-du-manager-augmente-30580.html
- http://www.manpowergroup.fr/soft-skills-competences-demain-lepine-lozach/
- https://ufzine.com/video/DeyngdJPE7w/intelligence-artificielle-quels-enjeux-pour-les-entreprises-.html
Article très clair et très intéressant!
Très intéressant en effet et synthétique.
Une remarque cependant : la répartition indiquée du temps (80/10/10) pourrait elle être comparer à des études autres (pas des études sur l’IA, qui biaisent peut-être les choses) ?
Espérons que la parie « humanisme et créativité » sera plus importante que l’an vollecte et saisie de datas !
Merci !