Connu du grand public depuis quelques années pour son fort potentiel à créer des contenus susceptibles de propager des fake news, le Deepfake suscite un intérêt grandissant dans de nombreux domaines tels que le marketing, le cinéma ou la santé. Les opportunités offertes par cette technologie ne cessent de se développer, tout comme les bénéfices qu’elle pourrait apporter à notre société.

 

Qu’est-ce qu’un Deepfake ?

 

Le terme Deepfake résulte de la contraction des mots « Deep Learning » (système d’apprentissage qui utilise l’intelligence artificielle) et « Fake ». Comme son nom l’indique, il s’agit de la création de faux contenus rendus crédibles et authentiques grâce à l’intelligence artificielle.

Ce sont les réseaux antagonistes génératifs, GANs en anglais (Generative Adversarial Networks) qui permettent la création de Deepfakes. Il s’agit d’algorithmes d’apprentissage non supervisés1 à base de réseaux de neurones artificiels2 qui arrivent à générer des contenus très réalistes. Ils sont composés de deux réseaux placés en compétition : un réseau générateur et un réseau discriminateur. Le générateur a pour objectif de produire des outputs qui semblent réels en se calquant sur des données existantes. Le discriminateur quant à lui a pour objectif de déterminer l’authenticité de ce qu’a créé le réseau générateur et de détecter les faux.

Cet apprentissage commun permet au réseau générateur de s’améliorer, se corriger au fur et à mesure et créer de meilleures imitations, tandis que le discriminateur détecte plus facilement les faux. Cette mise en compétition permet de produire des contenus très réels et convaincants, mimant parfaitement ce que pourrait être la réalité.

Il existe plusieurs types de Deepfakes, le plus répandu est la vidéo. C’est d’ailleurs sous cette forme que le Deepfake fut connu du grand public en 2017 sur Reddit lorsqu’un utilisateur du réseau, sous le pseudo « Deepfakes », posta de faux pornos dans lesquels il ajouta des célébrités telles que Jessica Alba ou encore Natalie Portman. Depuis le Deepfake vidéo s’est très largement répandu. Il est devenu accessible au grand public grâce à des applications et logiciels tels que FakeApp ou Reface.

L’autre forme de Deepfake est l’audio Deepfake. Il permet de « cloner » la voix d’une personne pour lui faire dire des choses qu’elle n’a pas dit. L’audio Deepfake est plus difficile à constituer car il nécessite de grosses quantités de données, elles-mêmes de suffisamment bonne qualité pour pouvoir recréer le plus fidèlement possible une voix. C’est pourquoi, pour le moment, il est employé essentiellement sur des personnalités publiques, qui prennent régulièrement la parole et pour lesquelles il existe en quantité suffisante des données vocales de bonne qualité.

Depuis sa création le Deepfake a très largement évolué. Les quelques éléments qui nous permettaient de distinguer le vrai du faux s’effacent peu à peu. Notre œil et notre esprit se laissent plus facilement berner par cette illusion aux ressemblances de vérité parfaite.

 

Les possibilités offertes par le Deepfake

 

Durant ses premières années d’existence le Deepfake a fait parler de lui, rarement pour de bonnes raisons. À l’ère des Fake News, ses contenus aux apparences authentiques ont permis d’intensifier la propagation de faux. Nombreux sont ceux pour qui il est synonyme de crise majeure de l’information. Et pourtant, il s’avère être un outil précieux dans de nombreux domaines.

📌 Le Deepfake au service de l’ultra personnalisation

Pour les spécialistes du marketing numérique les opportunités de créer du contenu unique et engageant grâce à cette technologie deviennent illimitées. On le sait, plus l’expérience d’un consommateur est personnalisée plus il sera susceptible d’acheter. Cependant l’ultra personnalisation a un coût et peut être compliquée à mettre en place. Les Deepfakes peuvent intervenir à plusieurs niveaux de la personnalisation et sont applicables à de nombreux canaux : internet, podcasts/radio, télévision, panneaux d’affichage, chatbot… Voici quelques exemples qui interviennent durant le processus de conversion.

  • Marketing d’influence

Et si l’avenir du métier d’influenceur consistait à louer son visage et sa voix aux marques ? C’est en effet ce qui pourrait arriver très prochainement grâce au Deepfake. Lorsqu’une marque décide de confier sa communication aux influenceurs, elle ne peut pas contrôler leur discours. En utilisant l’IA ils pourraient créer un Deepfake qui ferait la promotion de la marque en utilisant le bon message, personnalisé et adapté aux différentes cibles.

Un compte Tik Tok @deeptomcruise affole la toile depuis quelques jours avec ses Deepfakes. Cet exemple permet de se projeter sur une utilisation future des Deepfakes en Marketing d’influence. 




  • Prospection client 

La prospection fait partie des étapes cruciales du processus de conversion. Elle permet d’établir le premier contact avec un prospect et de poser les bases d’une relation future. C’est pourquoi il est primordial que la première impression soit la bonne.

Rephrase.ai permet aux vendeurs (entre autres) de personnaliser leur pitch commercial grâce au Deepfake. Le principe est simple, filmez-vous une fois et déclinez cette vidéo à l’infini. Leur application permet de modifier la vidéo en renseignant de nouvelles valeurs dans le script. Ainsi le commercial peut par exemple adapter le nom de la personne à laquelle il s’adresse, les offres poussées, le message… etc.

Deepfake elevator pitch

  • Campagnes de communication

Communication et personnalisation sont parfois difficile à associer. Créer du contenu adapté à chaque cible, dans des langues différentes s’avère couteux. C’est pourquoi Synthesia a développé une solution permettant à partir d’une seule vidéo de créer une multitude de contenus segmentés, personnalisés et traduits. En 2019 ils ont réalisé une campagne pour l’ONG Malaria Must Die dans laquelle ils ont, grâce au Deepfake, permis à David Beckham de « parler » 9 langues.




Cette campagne révèle une partie de ce qu’il est rendu possible de faire en communication grâce au Deepfake. À grande échelle, cette technologie permettra de réduire drastiquement les coûts de communication, mais aussi de toucher de nouveaux marchés et de nouvelles cibles grâce à un message personnalisé.

 

📌 Le Deepfake au service du cinéma

Le Deepfake s’immisce partout et même au cinéma. Cette technologie progresse d’année en année et son utilisation devient de moins en moins facile à détecter par l’œil humain. On peut rajeunir un acteur, faire jouer une personne décédée et même complètement remplacer le visage d’un acteur par un autre.

La société Paperspace a développé une solution adaptée aux films permettant notamment de rajeunir les acteurs. Pour démontrer la puissance de sa solution, Paperspace l’a appliqué sur le dernier film de Martin Scorsese, The Irishman. On y découvre Robert De Niro transformé, beaucoup plus en phase avec l’âge supposé du personnage qu’il interprète et de manière complètement invisible.

Les progrès futurs des Deepfake pourraient bien démocratiser les « doublures numériques » au cinéma, d’autant plus dans un contexte de crise sanitaire.




 

📌 Le Deepfake au service de la culture et à visée éducative

Le Deepfake fait parler les vivants mais pas seulement ! Il fait aussi parler les morts. Grâce au Deepfake, faire des reconstitutions historiques n’a jamais été aussi simple et ludique. Le musée Dali de Saint Pétersbourg a tenté l’expérience en invitant entre ses murs Salvador Dali lui-même. Immersion garantie pour les visiteurs qui en plus de pouvoir admirer ses toiles ont également pu rencontrer l’artiste et échanger avec lui.

Au-delà de l’aspect culturel, les Deepfakes ont un potentiel éducatif notamment en histoire. Plusieurs musées ont créé des parcours animés par des Deepfakes permettant aux visiteurs d’interagir en direct. Cette méthode attise bien plus l’intérêt de la part des jeunes générations. Parmi les musées ayant eu recours à l’utilisation de Deepfakes on retrouve l’Holocaust Museum. Au travers d’hologrammes il avait permis aux visiteurs d’échanger avec des rescapés de la Shoa.




 

📌 Le Deepfake, au service de la médecine

Appliqué au domaine de la santé, le Deepfake pourrait améliorer le quotidien de nombreux malades. En effet, nous savons que cette technologie permet le clonage de la voix. C’est pourquoi dans certains cas, tels que les personnes souffrant de sclérose latérale amyotrophique (ce dont Stephen Hawking était atteint), le Deepfake pourrait faire partie des services proposés aux malades pour reconstruire leur voix de la façon la plus réaliste.

Cette méthode est en cours de développement et devrait pouvoir être disponible à toutes les personnes qui en ont besoin dans les années à venir.

 

En conclusion

L’ascension du Deepfake s’est accompagnée de nombreuses peurs. La facilité avec laquelle il produit des contenus visuels ou auditifs de façon très réaliste inquiète autant qu’elle fascine. Il a été utilisé à mauvais escient en politique, a contribué au détournement et à la violation de l’image de nombreuses personnes pour permettre la propagation de Fake News.

Et pourtant, nous venons de voir que malgré l’image de manipulateur qu’il véhicule, le Deepfake a de beaux jours devant lui. Les possibilités qu’il offre au marketing digital, à l’art et la culture ou encore à la santé sont infinies. Le cadre juridique n’étant pas encore défini autour de cette technologie, notamment en terme de droit de propriété intellectuelle sur les données d’entraînement utilisées, il est difficile de dire où s’arrêteront ses possibilités. Une chose est sûre, peu importe le traitement législatif, commercial ou politique il y a fort à parier que nous le retrouverons de plus en plus dans notre quotidien, sans même nous en apercevoir. Par devoir de transparence il paraît cependant obligatoire qu’à des fins commerciales le consommateur soit averti de l’utilisation de Deepfakes.

 

Les algorithmes d’apprentissage non supervisés doivent fonctionner à partir d’exemples non annotés. C’est à dire qu’ils doivent faire émerger automatiquement les catégories à associer aux données qu’on leur soumet pour reconnaître qu’un chat est en chat, une voiture, une voiture comme en sont capables les humains. 

2 Un réseau de neurones artificiels ou Neural Network est un système informatique s’inspirant du fonctionnement du cerveau humain pour apprendre. 

 

Sources :