Bénéficiant d’une marque reconnue sur le support papier, L’Équipe a su transférer cette notoriété sur ses supports numériques à l’heure où son chiffre d’affaire est encore porté par un journal papier en baisse de revenus. En développant des partenariats sur la TV-IP et de nouveaux relais de croissance sur le mobile, le groupe de presse sportive cherche à trouver le bon mix entre les supports numériques. Tour d’horizon de l’actualité du premier quotidien sportif, guidé par l’un de ses principaux acteurs : Emmanuel Alix, le directeur du pôle numérique.

L'Équipe peaufine sa transformation numérique.

L’Équipe peaufine sa transformation numérique.

L’Équipe a annoncé la semaine dernière un nouvel accord avec Canal+ afin d’inclure ses contenus sportifs dans l’offre sport du Groupe Canal. Après l’accord avec SFR Media, on peut considérer cette mise à disposition des contenus du média sportif au sein des offres TV-IP comme une véritable stratégie de partenariats B2B2C.  Sur le front de la publicité et des données, L’Équipe a intégré Gravity, une plateforme publicitaire programmatique qui clarifie, vis-à-vis des annonceurs, l’offre des médias partenaires de cette initiative. Les offres d’achats groupées en programmatique, sur des inventaires d’espaces publicitaires de qualité,  sont avant tout un moyen, pour les grandes marques médias, de lutter contre la concurrence féroce exercée sur Internet par les éditeurs de tous bords et notamment celles des pure players du search et des réseaux sociaux. Les standards techniques de distribution des contenus sur mobile, poussés par Facebook et Google (respectivement Instant Article et Accelerated Mobile Page, AMP), font perdre aux marques médias une part importante de leur trafic et les modèles de revenus ne sont pas vraiment en place.

Les deux géants américains récupèrent ainsi 96% de la croissance des revenus publicitaires sur les supports digitaux (desktop et mobile confondus) en 2016, via les leviers search et social. Même si la publicité digitale est en plein essor, les médias en ligne profitent ainsi peu de cette croissance.

La marque L’Équipe est bien entendu mieux lotie face à cette concurrence quasi monopolistique du trafic digital. En particulier parce qu’elle repose sur un support papier qui tire le chiffre d’affaires du Groupe et qui reste dans le top 3 des quotidiens les plus lus en France. Sur le terrain numérique par contre, dans un contexte de multiplication des supports de presse en ligne, d’un côté presse traditionnelle et de l’autre pure players web, la concurrence est féroce. L’Équipe.fr attire pourtant une audience importante et il s’agit surtout de trouver des voies de rentabilisation. Une marque reconnue, l’expertise d’une rédaction aguerrie, ainsi qu’un bon travail sur le référencement, sont sans doute les raisons de cette fidélité des internautes. Sur le web, rien n’est immuable et il faut sans cesse se renouveler et innover pour conquérir de nouveaux visiteurs. Alors que les usages diminuent sur les supports papier et sur le desktop au profit du mobile, “la publicité mobile n’a pourtant pas comblé la baisse sur desktop” estime Emmanuel Alix. Ainsi, même si 30 à 40% de la pub s’est reporté sur mobile, de nouvelles sources de revenus restent nécessaires. Selon Emmanuel Alix,  “L’Équipe a la capacité de profiter à la fois de la puissance de son expertise rédactionnelle et des sources de revenus de nouvelles audiences”. Plusieurs axes sont ainsi privilégiés : le mobile, la connaissance des utilisateurs des supports numériques et l’analyse des performances rendue possible par l’exploitation des données.

L’utilisateur mobile au coeur des préoccupations

« Le mobile est au coeur de la stratégie de la marque » insiste Emmanuel Alix. La conception de l’expérience utilisateur mobile implique une réflexion sur l’instantanéité bien sûr, le live, avec la diffusion de l’Équipe TV mais aussi avec une expérience enrichie autour de grands événements sportifs. Ça marche : L’Équipe réalise 8 millions de visiteurs uniques mensuels et entre 2,5 et 3 millions de vues quotidiennes sur le mobile (chiffres de mars 2017), application et site mobile confondus.

Le nouveau site mobile L’Équipe.fr est la plus récente et parfaite illustration de cette stratégie mobile axée utilisateur. Il propose ainsi une rapidité d’affichage dopée par les qualités des technologies des Progressive Web App (PWA). L’Équipe réunit sur son site mobile toute son offre média, le journal, la TV et les contenus numériques bien entendu, et homogénéise l’expérience entre les parties site et applicative.

La volonté d’axer les améliorations sur l’utilisateur, en comprenant mieux ses besoins, a été grandement prise en compte dans cette nouvelle version. Cet “axe sur la cible d’audience”, selon Emmanuel Alix, implique une forte exploitation des données analytiques sur chaque support numérique, pour une meilleure connaissance des utilisateurs et une personnalisation des contenus et de la publicité. Pour Emmanuel Alix, cela passe par “la mise en place d’une base CRM solide”.

L’accès à de nouvelles audiences

Générer de nouveaux formats pour rentabiliser les contenus sur les plateformes digitales, c’est une des missions que s’est fixé Emmanuel Alix, qui ne se satisfait pas des 70 000 abonnés que compte l’édition numérique du journal.

Avec une “social room” et une présence privilégiée sur Snapchat, L’Équipe explore aussi de nouveaux horizons. Snapchat est un test qui a plutôt bien transformé.  Ce sont les chiffres qui parlent : avec plus de 500 000 lecteurs quotidiens sur le format Discover selon le quotidien sportif, c’est bien un nouvel espace pour les revenus publicitaires. Pour le directeur du pôle digital, Snapchat reste une collaboration à part car “la plateforme ouvre à de nouvelles audiences”. Lancé depuis septembre 2016, le Discover de L’Équipe sur Snapchat s’adresse à une cible plus jeune et plus féminine, qui ne consulte pas le journal papier et qui ne va pas sur le site internet.

Un exemple d'animation diffusée sur le format Discover de L'Équipe sur Snapchat

Un exemple d’animation diffusée sur le format Discover de l’Équipe sur Snapchat

Snapchat Discover ouvre sur de nouvelles thématiques et permet de développer de nouveaux formats de contenus, en particulier ces boucles vidéos, cadrées verticalement et avec une mise en scène bien particulière. Emmanuel Alix pense à récupérer ces formats pour les autres supports digitaux plus conventionnels, comme le site Internet. Cette production dédiée à Snapchat emploie aujourd’hui chaque jour 4 personnes, rédacteurs, graphistes, motion designers.

Restent un grand chantier numérique et humain pour le journal : le passage vers un nouveau système de gestion et de publication centralisé des contenus, une véritable “gare d’aiguillage pour les contenus numériques”,  explique Emmanuel Alix, notamment afin de les optimiser vers les différentes plateformes. Au niveau de l’outil, ce sera une mise à jour du système de digital asset management actuel, fourni par l’éditeur italien Eidos Media. Ces changements vont en outre impliquer des adaptations sur les tâches quotidiennes des collaborateurs et à termes, sur leurs métiers et missions. Ce qui n’ira sans doute pas sans des négociations avec les salariés, selon d’autres sources internes.

En espérant que ce fleuron de la presse sportive saura adapter rapidement et de la meilleure façon possible ses modes de production et de distribution numériques. C’est un enjeu essentiel pour un média presse, TV et digital, qui produit désormais en continue.

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