Le digital Learning : La formation de demain ?

 

 

Et si l’efficacité des formations d’aujourd’hui était conditionnée par de nouvelles normes et l’obligation de revêtir une nouvelle forme ?

Les besoins des individus ont évolué, le développement des technologies numériques a fait émerger un nouvel impératif disruptif : ATAWAD, « any time, any where, any device » (« n’importe quand, n’importe où, et sur n’importe quel terminal »). Autrement dit, les utilisateurs veulent avoir accès à leur formation partout et tout le temps. Le digital learning correspond donc à cette nouvelle forme d’apprentissage en ligne. Le principal avantage de toutes ces nouvelles modalités de formation digitale est leur parfaite adéquation avec un monde où tout change plus vite, où les distances peuvent être raccourcies grâce à la connectivité, où il devient primordial et facile de limiter les contraintes de temps et d’espace.

Le digital learning permet de ne plus penser en termes de temps et d’espace, mais de s’en affranchir pour se concentrer sur les objectifs à atteindre.

Pour continuer la réflexion sur ce sujet, nous avons échangé avec Christophe Bernard sur son ressenti concernant la formation professionnelle du MBAMCI.

L’épisode est aussi disponible directement sur le podcast du MBAMCI.

Voici sa retranscription écrite :

 

Pourrais-tu te présenter et revenir sur les grandes étapes de ton parcours professionnel ?

Alors je suis directeur marketing et je suis passionné par le marketing content et la visibilité des contenus digitaux des entreprises. Je réalise ma thèse professionnelle sur ce sujet et plus particulièrement sur le potentiel marketing de l’interaction vocale. Je suis ce que l’on appelle une personne multi potentiel. J’ai réussi cependant à éviter durant ma carrière de m’éparpiller et c’est une chance.

Il y a eu en fait trois temps forts durant mon parcours professionnel.

  • Tout d’abord une formation universitaire d’économiste en macroéconomie et en économie de l’entreprise qui s’est achevée par un doctorat. J’ai surtout eu à la fac un moment super fort, c’était en master, j’avais un cours de stratégie et management avec deux super profs : Prat et Thietard. J’ai eu le bonheur d’être major de cette promo qui réunissait 800 étudiants de l’ESSEC et de Paris X Nanterre. C’est un évènement qui m’a marqué car c’était un petit signal qui me disait « Ah le marketing c’est sans doute ton truc ».

 

  • L’autre temps fort c’est ma passion pour la photo, le cinéma et la vidéo qui m’a conduit à être assistant réalisateur en fiction et en pub puis réalisateur et photographe professionnel. Il y a eu plusieurs temps fort dans cette partie de ma carrière. Le temps le plus important c’est l’émission Du Côté de chez vous c’est une émission qui a révolutionné le sponsoring en France et dans laquelle j’ai joué deux rôles principaux : celui de rédacteur en chef et de réalisateur. Cette émission a captivé les français pendant plus de 15 ans, avec entre 9 et 11 millions de spectateurs tous les jours. Cette émission « incarne » l’inbound marketing sur un média mainstream, elle a en fait marqué l’histoire du marketing de contenu en France. Elle a aussi modifié, et cela est incroyable, la stratégie de développement pendant plus d’une décennie de Leroy Merlin qui était le sponsor de l’émission. Et c’est aussi une émission qui a initié la mode des émissions de déco en TV.

 

  • Un autre temps fort dans ma carrière pro, et je vais essayer d’être rapide, c’est ma prise de fonction comme directeur marketing en 2015 dans une entreprise de rénovation énergétique, cela a été une incroyable plongée dans le marketing content et dans le SEO avec une super satisfaction, celle de réussir dans ma mission et d’augmenter entre autres le trafic naturel de 400 % en quelques années. Et puis aussi la satisfaction de voir de façon concrète les résultats de mon engagement professionnel sur les résultats financiers de l’entreprise. Et pour finir le plaisir de mettre en place un management participatif qui a permis à des collaborateurs de grandir en compétence et en maturité professionnelle.

Dans la même idée j’ai été vice-président de l’AFAR (l’Association Française des Assistants Réalisateurs, NDR), une association basée sur ce type de valeur, qui a pour but de faciliter l’arrivée des primo entrant sur le marché de l’emploi du Cinéma et de la Télévision.

 

Qu’est-ce qui t’a poussé à rejoindre cette formation ?

C’est le besoin de parfaire mes connaissances en digital, lors de mon dernier poste en entreprise j’étais focalisé marketing content SEO/SEA/SMO, je voulais élargir mes compétences. Il y avait de plus le contexte du COVID qui me semblait propice à cela. Le moment idéal pour s’engager dans une formation de longue durée.

 

Selon le toi le format en distanciel a-t-il été un frein ou un accélérateur?

La formation à distance n’a été ni un frein ni un accélérateur, j’avais la volonté de suivre un MBA en marketing digital que ce soit à distance ou en physique. J’avais même une petite préférence pour la formation à distance du fait du contexte sanitaire.

 

Comment as-tu vécu une formation 100 % digitalisée?

Je n’étais pas du tout un adepte de la visio, lors de ma carrière professionnelle j’ai souvent été en déplacement en France et à l’étranger et je redoutais les calls visio quand je devais donner des nouvelles à ma famille, il y avait toujours une charge émotionnelle trop forte. J’ai par contre super bien vécu le digital learning. Il y a de plus une cohérence dans le fait de suivre une formation en marketing digital en visio. Nous sommes à l’époque des méthodes agiles et des outils 2.0 comme les outils collaboratifs de type Miro. Se réunir en physique n’est pas toujours utile, on peut être parfois être plus productifs à distance.

 

Selon toi quels sont  les avantages du digital learning ?

Pour moi le digital learning a un avantage énorme : c’est avant tout un gain de temps en l’occurrence plus de 90 heures évitées dans les transports en commun sur toute la durée de ma formation, c’est l’équivalent de plus deux semaines de travail gagné.

 

Vois-tu des limites au digital learning ?

La première limite au digital learning c’est l’utilisation des objets physiques bien entendu. Dans le cas de notre MBA, nous avions un cours de robotique, on devait manipuler des artefacts et je crois que c’est pour cette raison que le cours a dû être annulé. Je sais qu’il y a des technologies qui permettent de contourner ces problèmes, ce sont des technologies qui, je pense, sont parfois coûteuses à mettre en œuvre, comme par exemple la réalité virtuelle ou éventuellement la réalité augmentée.

La deuxième limite que je vois au digital learning c’est celle de la capacité des formateurs à capter l’attention. Pour moi, le rapport à une salle n’est pas le même qu’à un écran d’ordinateur. J’imagine que les formateurs le ressentent, mais ça serait plutôt à eux de s’exprimer sur ce sujet.

Puis aussi, dans le même ordre d’idée, il y a la disparition de l’hors-champ. À la différence du présentiel, il est bien plus compliqué de poursuivre des échanges hors cours, dans une formation classique c’est plus aisé. Il y a tout simplement la chance éventuelle de se croiser dans un couloir pour échanger avec des profs ou avec d’autres étudiants.

Il y a aussi le non verbal, le non verbal c’est important dans une formation. Il y a un peu, pour moi, la disparition du ressenti dans le digital learning. C’est quelque chose qui peut être gênant et pour le formateur et pour le formé. Et il y a un tout petit côté impersonnel, bien entendu, qui subsiste et que ressentent les formateurs et les formés.

L’autre limite évidente du digital learning, ce sont tous les soucis techniques liés au débit des réseaux. Il y a des problèmes techniques chez les apprenants, il y a des problèmes techniques aussi chez les formateurs quand ils enseignent à partir de chez eux. Et cette année avec le COVID on a pu constater qu’il pouvait y avoir des problèmes un peu récurrents à ce niveau-là.

Une autre limite que je vois dans le digital learning, ce sont toutes les formations en full replay. À titre personnel, je m’imagine mal de suivre une formation sans pouvoir interagir avec des enseignants à chaque fois que je souhaite. J’avais détecté une formation de ce type, le nombre d’heures en live était très limité et là je constate que je suis super heureux de ne pas avoir choisi cette formule. Le fait de pouvoir interagir en digital learning avec un prof c’est absolument fondamental.

J’ai d’ailleurs adoré l’attitude des enseignants cette année, ils poussaient les étudiants à interagir. Les caméras ouvertes rendent les cours plus agréables pour les profs mais aussi pour les étudiants. Le digital learning a besoin d’être humanisé et de mon point de vue les caméras ouvertes y contribuent pour beaucoup. Dans mon parcours pro, j’ai aussi fait de la formation, j’ai été formateur à la mise en scène dans un organisme qui s’appelle le CIFAP. Je sais à quel point c’est un cauchemar de se retrouver en cours pendant plusieurs heures, avec des étudiants qui restent bouches cousues malgré toutes les sollicitations qu’on peut leur donner en tant que prof.

 

Quel serait le levier en tant qu’apprenant pour améliorer la formation de demain ?

Je pense que, vu l’évolution fulgurante du digital, il serait opportun au moins sur les années n + 1 et n + 2 d’avoir un accompagnement du type mise à jour. Nous avons eu cette année, par exemple, le cas pour Google Analytic. On est formé à une version de Google Analytic qui va ne va perdurer que quelques années. Il y a déjà une autre version qui existe, mais on ne sera pas formé à cette nouvelle version.

Une autre idée pour améliorer les formations de demain serait d’avoir des modules personnalisés, d’avoir un nombre d’heures minimal à disposition en tête à tête avec les formateurs. J’ai peur qu’une standardisation du digital learning nous fasse perdre en fait l’essentiel de ce que doit apporter une formation, c’est-à-dire des réponses à des problématiques particulières. La formation académique c’est indispensable, au même titre que les réponses personnalisées et donc la réponse à des problématiques individuelles.

Sur la même idée et en liaison avec le digital, je pense qu’une bonne idée serait de proposer aux étudiants, en début d’année, de lister les deux ou trois applications ou outils 2.0 qu’ils souhaiteraient parfaitement maîtriser en fin de cursus pour proposer donc des formations ou des micro-formations dédiées. Je constate d’ailleurs que, dans le cas de notre MBA, il y a eu plein d’initiatives individuelles et que les étudiants se sont organisés eux-mêmes pour se dispenser ces formations d’étudiants à étudiants, pour maîtriser certains outils.

Alors que faire pour améliorer les formations de demain ? Ce serait d’apporter bien entendu des solutions aux points que j’ai soulevé juste avant. Je pense aussi que la gamification est super importante, le jeu c’est une super façon pour apprendre. Il y a aussi bien entendu toute la puissance de la réalité augmentée et de la réalité virtuelle dans l’enseignement. L’exemple de l’industrie automobile est remarquable, ils utilisent ce type de technologie depuis très longtemps ça marche parfaitement bien et le taux de mémorisation incroyable. Et puis il y a aussi bien entendu l’exemple de Microsoft avec l’outil magique qu’est Hololens.

 

Tu t’intéresses au vocal et tu prépares une thèse sur ce sujet… Comment celui-ci peut-il concourir à l’amélioration de l’apprentissage ?

Alors pour le vocal, définitivement, pour moi un des leviers magiques ça serait les podcasts, ça peut être par exemple dans une formation des modules optionnels pour aller plus loin sur telle ou telle matière, ça serait vraiment idéal je pense.

Sur le sujet du vocal je suis aussi convaincu du rôle majeur que peuvent tenir les assistants vocaux, couplés à l’intelligence artificielle, dans l’apprentissage des langues. Il existe déjà des super outils, comme par exemple SoapBox, qui permet aux apprenants d’avoir un feedback immédiat et de s’auto corriger grâce à l’IA. Il y a aussi des assistants vocaux, comme Captain Kelly, qui permet l’amélioration de la prononciation et de l’apprentissage des règles de grammaire. L’IA vocale permet aussi d’acquérir des réflexes conversationnels de base. Tout cela peut passer par la gamification et par l’humour pour humaniser davantage l’enseignement. Les assistants vocaux couplés à l’intelligence artificielle ont aussi l’avantage de permettre aux enseignants de savoir comment personnaliser l’apprentissage, en identifiant précisément la nature des faiblesses de tel ou tel apprenant.

Cela nous amène aussi, Alexandre, au sujet de l’adaptive learning que tu connais d’ailleurs bien, je crois, et qui est aussi un des grands enjeux de l’apport de l’IA pour les apprenants et pour les enseignants. Les enseignants peuvent mieux personnaliser leurs cours et ce qui se dessine, c’est que l’IA apportera des outils aux formateurs qui leur permettront d’être plus pertinents dans la mise en œuvre concrète de leur formation. C’est un peu, selon moi, le futur du digital learning, mais cela nécessitera que les formateurs soient aussi à l’aise avec ces nouveaux outils.

La formation des formateurs est selon moi un des enjeux futurs du digital learning, certains outils digitaux, même basiques, peuvent poser des problèmes aux enseignants. Il n’y a qu’à regarder ce qu’il s’est passé dans l’Éducation nationale, avec l’installation des tableaux numériques interactifs dans les salles de classe : il reste, toujours maintenant, un pourcentage significatif d’enseignants n’utilisant pas cet outil par principe ou par manque de formation.

Pour finir dans le cadre de ma thèse sur le vocal je me suis beaucoup intéressé à la capacité entre guillemets de l’intelligence artificielle sur le terrain de l’intelligence et moi je ne crois pas du tout à la possibilité de la création d’une intelligence artificielle qui permettrait d’avoir une interaction conversationnelle profonde comme celles que l’on peut avoir en fait avec un prof. Et ce type d’outil n’existera pas avant des décennies voire n’existera sans doute jamais. Donc je pense que dans l’immédiat les formateurs n’ont pas trop à craindre d’être remplacés par des robots.

 

Étant dans une formation axée digital dans le fond et dans la forme, y’a-t-il eu assez de digital dans cette formation ?

Est-ce qu’il y a eu assez de digital dans notre formation, c’est difficile de répondre. Notre cursus, d’abord, n’est pas fini. Pour moi, c’est un peu oui et non, c’est un peu spécifique à ma personnalité. Moi je suis assez gourmand en matière de formation, pour moi c’est vraiment mon point de vue, il y a plusieurs matières qui nécessiteraient le double de cours comme le marketing audio, le marketing vidéo, peut-être même WordPress ou avoir des cours de personal branding ou aussi d’autres matières manquantes comme la conduite de projet, peut-être le management ou les méthodologies agiles. Mais bon, c’est vraiment un point de vue personnel, encore une fois moi je suis assez gourmand et puis toute façon une formation ne peut pas être parfaite pour tous. En tout cas, si on me demandait d’évaluer la formation que je suis, je répondrai volontiers un 4,5 sur 5 ou 4,8 sur 5. De mon point de vue, on n’a eu que très peu d’enseignants peu inspirants dans notre formation et la formation dans sa globalité est super bien pensée.

Je profite d’ailleurs de cet éloge pour dire que cette appréciation n’est pas du e-fayotage. Au passage, d’ailleurs, c’est vraiment amusant de voir que des nouveaux mots apparaissent dans le champ sémantique du digital learning lié au marketing. J’’adore le mot e-fayot et je suis assez fan de l’expression putaclic. Si nos auditeurs en connaissent d’autres, merci de nous les indiquer dans les commentaires.

Pour répondre à la question, assez de digital ou pas, la question importante est surtout la question de la portée de ce que nous faisons, c’est-à-dire de l’opérationnalité. Et de mon point de vue, la formation qu’on a au MBAMCI est super pertinente. Mais, encore une fois, je suis gourmand et j’aurais aimé avoir, par exemple, plus de missions de conseil opérationnel. Je n’aurais une conclusion définitive que quand j’aurai réalisé la soutenance de ma thèse, une soutenance qui, de plus, doit être fait aussi en distanciel.

Pour finir, dans le cadre de ma thèse sur le vocal, je me suis beaucoup intéressé à la capacité, entre guillemets, de l’intelligence artificielle sur le terrain de l’intelligence. Et moi, je ne crois pas du tout à la possibilité de la création d’une intelligence artificielle qui permettrait d’avoir une interaction conversationnelle profonde, comme celles que l’on peut avoir en fait avec un prof. Et ce type d’outil n’existera pas avant des décennies, voire n’existera sans doute jamais. Donc je pense que, dans l’immédiat, les formateurs n’ont pas trop à craindre d’être remplacés par des robots.

 

On finit sur une petite conclusion ou un sujet sur lequel tu aimerais revenir ?

Il y a des outils technologiques qui arrivent et qui s’améliorent au fil du temps. Ils vont être de plus en plus performants, le coût de leur mise en oeuvre va peut-être même baisser et donc on peut imaginer des mutations profondes. De mon point de vue, entre autres par l’utilisation de la réalité virtuelle, par l’utilisation de la réalité augmentée et par les progrès de l’intelligence artificielle.

Mais la conclusion de la conclusion, c’est qu’il ne faudra jamais oublier l’interaction entre l’enseignant et l’enseigné, c’est cela qui donne toute la qualité de la transmission du savoir, et de ce point de vue, c’est la technologie qui doit être adaptée aux apprenants et pas l’inverse.

Chacun doit pouvoir recevoir un enseignement compatible avec son niveau socio-culturel et avec son rythme d’apprentissage.

 


 

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