Ils ont des milliers d’abonnés sur les réseaux sociaux, génèrent un chiffre d’affaires conséquent, mais ne sont pas réels. Qui sont ces influenceurs virtuels qui font tant parler d’eux ?

Mélange entre fiction et réalité, l’apparition de ces avatars numériques a été favorisée par la digitalisation de la société ainsi que par la montée en puissance du marketing d’influence. Ce phénomène a pris une telle ampleur que les influenceurs virtuels sont plus d’une centaine désormais. Louis Vuitton, Dior, Versace ou encore Prada, les grandes marques sont nombreuses à les intégrer dans leurs campagnes publicitaires.

Mais qui sont ces nouveaux influenceurs que les marques s’arrachent ? Quels avantages ont-ils à offrir ? Représentent-ils un danger pour les influenceurs classiques ? Tendance éphémère ou révolution du marketing d’influence ?

Influenceurs virtuels : Qui sont-ils ?

Marketing d’influence : Rappel

Avant d’explorer le sujet des influenceurs virtuels, commençons par la base : le marketing d’influence. Connue pour sa performance, cette pratique génère un retour sur investissement considérable. Gain de visibilité, augmentation des ventes ou encore croissance du nombre d’abonnés, les influenceurs sont des leviers clés qui permettent aux marques d’atteindre leurs objectifs. Ces ambassadeurs sont donc très sollicités grâce à leur fort pouvoir de persuasion qui influence les comportements d’achat.

Influenceurs virtuels : Définition

Depuis quelques années, un nouveau type d’acteur a bouleversé le secteur de l’influence : les influenceurs virtuels. Ce sont des avatars créés de toutes pièces grâce à l’intelligence artificielle et à des logiciels d’imagerie 3D.

La ressemblance entre ces personnages fictifs et les humains est souvent frappante à tel point qu’il est parfois difficile de les différencier. C’est notamment le cas sur Instagram, où leur compte ressemble beaucoup à celui des influenceurs ordinaires. Selfies, voyages ou encore look du jour, ces robots partagent leur quotidien sur les réseaux sociaux, en maitrisant parfaitement les codes de l’influence. De nos jours, de plus en plus de marques préfèrent s’appuyer sur ces personnages fictifs qui offrent de nombreux avantages plutôt que sur des créateurs de contenu humains.

Mais qui se cachent derrière ces avatars ? Community managers, rédacteurs ou encore spécialistes du marketing, derrière chaque influenceur numérique se trouvent de nombreuses personnes qui travaillent pour leur donner vie. Ces personnages fictifs sont créés et gérés la plupart du temps par des agences digitales qui touchent d’importants revenus grâce aux collaborations avec les marques. Les influenceurs virtuels les plus connus gagnent environ 7 000$ par publication sponsorisée et perçoivent un salaire annuel pouvant s’élever à plusieurs millions de dollars.

D’après une étude publiée par HypeAuditor, les jeunes femmes ayant entre 18 et 34 ans (44,76%) constituent l’audience principale des influenceurs virtuels. Cette population représente une réelle opportunité pour les marques de cosmétiques et de prêt à porter qui ciblent aussi ce type d’audience.

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HypeAuditor (2021) : L’audience des influenceurs virtuels en fonction de l’âge et du genre

Influenceurs virtuels : Portraits 

Voici le portrait de 3 célèbres influenceuses virtuelles :
  • SHUDU GRAM

Conçue en 2017 par le photographe londonien de mode Cameron-James Wilson, Shudu est l’une des premières influenceuses virtuelles à avoir fait son apparition. Elle revendique d’ailleurs elle-même le titre de « première super-modèle digital ».

De Cosmopolitan à Vogue en passant par Balmain, Shudu a posé pour les grands noms du monde de la mode. Cette dernière a aussi été l’égérie de Fenty Beauty, célèbre marque de cosmétiques créée par la chanteuse Rihanna. Grâce à la visibilité dont elle a bénéficié, son nombre d’abonnés s’élève désormais à 219 000 followers sur Instagram.

  • LIL MIQUELA 

Avec 3,1 millions d’abonnés sur Instagram et 3,4 millions sur Tik-Tok, Lil Miquela aussi connue sous le nom de Miquela Sousa, est sans aucun doute une des influenceuses virtuelles les plus célèbres.

Lil Miquela a été créée en 2016 par le studio Brud Inc. Ce groupe spécialisé dans la robotique, l’intelligence artificielle et les médias, a bénéficié d’investissements s’élevant à près de 20 millions de dollars.

Quatre mois après la création de son compte Instagram, l’influenceuse numérique avait déjà 70 000 abonnés. Il a fallu attendre deux ans pour que sa véritable nature virtuelle soit révélée au grand jour alors que la grande majorité des internautes pensaient qu’elle était réelle. En 2018, Lil Miquela a été nommée par le Time comme l’une des 25 personnes les plus influentes sur internet. En 2020, elle fût la première influenceuse virtuelle à signer avec l’agence CAA qui ne collaborait jusqu’à présent qu’avec des influenceurs humains.

Cette ambassadrice virtuelle de 19 ans ressemble beaucoup aux filles de sa génération à une différence près : elle est faite de pixels. Lil Miquela est très engagée et n’hésite pas à soutenir les causes qui lui tiennent à cœur via les réseaux sociaux comme le mouvement #blacklivesmatter ou encore la communauté LGBTQ+.

En plus de son rôle d’influenceuse, Lil Miquela est aussi chanteuse. Sa voix électronique a fait sensation auprès du public comme en témoignent les millions de vus comptabilisés sur plusieurs de ses morceaux.

Passionnée par le maquillage et la mode, elle a collaboré avec de grandes marques telles que Pat McGrath, UGG ou encore Calvin Klein mais a aussi lancé sa propre collection de vêtements et de bijoux. Dans le cadre de la campagne « I speak my truth in #MyCalvins »  à l’occasion de la Gay Pride, l’influenceuse virtuelle a posé aux côtés de la célèbre mannequin Bella Hadid dans une vidéo qui est devenue virale.




  • NOONOOURI

Fruit de l’intelligence artificielle, Noonoouri compte plus de 300 000 followers sur Instagram. Cette influenceuse virtuelle a été créée par Joerg Zuber, un graphiste de 43 ans originaire de Munich. Contrairement à la plupart des influenceuses numériques, son créateur l’a volontairement rendu différenciable d’une personne humaine. En effet, il ne souhaitait pas renforcer l’idéal de la beauté féminine irréaliste.

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Citation de Joerg Zuber, le créateur de Noonoouri

Noonoouri est vegan, elle ne porte pas de fourrures et défend la mode durable. Faire d’elle un personnage fictif engagé était l’objectif de son créateur afin de transmettre des messages importants par son biais. Concernant sa carrière, Noonoouri travaille avec les plus grandes marques de l’industrie de la mode comme Marc Jacobs, Dior ou encore Versace. Elle a aussi fait de la publicité pour KKW Beauty,  la célèbre ligne de maquillage de Kim Kardashian.




Pour découvrir d’autres portraits d’influenceurs virtuels, vous pouvez consulter le site Virtual Humans.

Pourquoi les influenceurs virtuels ont-ils autant de succès ?

Les avantages

  • Meilleur taux d’engagement

D’après une étude d’HypeAuditor, le contenu diffusé par un influenceur virtuel serait trois fois plus attrayant que celui partagé par un influenceur traditionnel. Cette tendance explique pourquoi le taux d’engagement de ces personnages numériques est largement supérieur à celui des influenceurs normaux pour la seconde année consécutive. Ces robots virtuels sont donc plus engageants même si leur vie est entièrement mise en scène.

Influenceurs virtuels-Graphique-Taux d'engagement

HypeAuditor (2021) : Comparaison du taux d’engagement des influenceurs virtuels et des influenceurs réels

  • Image de marque avant-gardiste

Réaliser un partenariat avec un créateur de contenu virtuel représente une réelle opportunité pour les marques qui souhaitent acquérir une image moderne, digitale et avant-gardiste tout en se démarquant. C’est notamment le cas des marques de luxe qui n’hésitent pas à faire appel à ce type d’influenceurs pour créer un sentiment de rareté et d’exclusivité autour de leurs produits. Louis Vuitton a été la première marque de luxe à parier sur cette tendance en adoptant l’égérie virtuelle Lightning en 2016 dans le cadre de La campagne « Séries 4 ».

Egérie virtuelle - Louis Vuitton - Lightning

Louis Vuitton : Campagne publicitaire « Séries 4 »

  • Collaborations efficaces

En utilisant des avatars fictifs, les marques n’ont pas à gérer les aléas et les « états d’âmes » ce qui rend les partenariats efficaces, fiables et rapides. Contrairement à un humain, un influenceur virtuel ne peut pas reporter une collaboration pour cause de maladie par exemple.
  • Adaptabilité du contenu

Comme ils n’ont aucune limite spatio-temporelle, les influenceurs virtuels ont l’avantage de pouvoir adapter leurs publications en fonction des besoins de chaque marque. La crise sanitaire du Covid-19 leur a notamment permis de se démarquer. Alors que les créateurs de contenu classique ne pouvaient pas se déplacer et étaient contraints de rester chez eux à cause du confinement, les influenceurs fictifs quant à eux, continuaient d’enchainer les partenariats et de publier des selfies à n’importe quel endroit du monde sans limite.
  • Contrôle du contenu

En travaillant avec des influenceurs virtuels, les marques contrôlent davantage le contenu qui est diffusé. Ainsi, le risque d’erreurs ou d’une communication maladroite est moindre qu’avec un humain.
  • Contrôle de la réputation

L’image des influenceurs numériques est contrôlable ce qui permet d’éviter les « bad-buzz ». Ainsi, la réputation d’une marque risque moins d’être entachée par le comportement déviant d’un créateur de contenu virtuel après collaboration.

Influence virtuelle : Les déclinaisons de cette tendance

Le succès de l’influence virtuelle a entrainé l’apparition de deux grandes tendances :
  • Les égéries virtuelles exclusives

Conscientes des opportunités qu’offrent les influenceurs fictifs, les marques se mettent à créer leur propre égérie virtuelle. C’est notamment le cas du groupe de prêt à porter Yoox qui a développé Daisy, sa propre influenceuse virtuelle. Cet avatar anime non seulement le compte Instagram du groupe mais sert aussi de modèle pour que les clients puissent visualiser les vêtements du site directement sur elle.

Prada a aussi surfé sur la tendance en créant sa propre ambassadrice virtuelle nommée Candy afin de promouvoir un de ses célèbres parfums du même nom. Par le biais de la diffusion de vidéos courtes, leur campagne publicitaire s’inspire des codes de Tik-Tok afin de cibler la « génération Z » (personnes nées entre 1997 et 2010).




  • Les doubles numériques

Autre tendance ayant émergée : les doubles numériques. Ne pouvant être partout à la fois, certaines célébrités sont dupliquées virtuellement par le biais d’images de synthèses aussi appelées CGI (Computer-Generated Imagery). Cela leur permet de participer à de multiples projets sans contrainte spatio-temporelle.

La mise en scène de ces célébrités sous forme d’avatars permet de repousser les limites du possible afin de produire des campagnes publicitaires plus créatives que jamais. Grâce à ce procédé, il est possible par exemple de représenter une star avec 20 ans de moins. Burberry s’est appuyé sur cette tendance en utilisant le double numérique de Kendall Jenner ou encore de Naomi Campbell afin de promouvoir ses collections.




Quel avenir pour les influenceurs virtuels ?

Un futur prometteur

  • Des influenceurs numériques plus autonomes

De nos jours, tous les influenceurs virtuels sont gérés par des agences et donc par des humains. L’étape suivante est de supprimer l’intervention humaine et de rendre ces robots indépendants et autonomes grâce à l’usage de l’intelligence artificielle. Des levées de fonds ont déjà été effectuées pour financer ce projet qui pourrait voir le jour dans les prochaines années. Suite à cette avancée technologique, ces personnages fictifs pourront alors créer du contenu par eux mêmes sur les réseaux sociaux et interagir avec leurs abonnés sans l’aide des humains.
  • Le rôle des influenceurs virtuels dans le métavers

Les influenceurs virtuels gagnent de plus en plus de terrain sur les réseaux sociaux face aux véritables influenceurs. Force est de constater que cette tendance va continuer de croître dans les années à venir notamment grâce au rôle primordial que ces avatars joueront dans le métavers aussi appelé « l’internet du futur ». Les spécialistes du marketing sont nombreux à le dire, ces personnages digitaux seront parfaits pour faire office de premiers habitants dans le métavers.

« Les influenceurs virtuels sont parfaits pour tenir le rôle de premiers habitants du métavers »

De plus, avec l’arrivée du métavers, les marques vont être de plus en plus nombreuses à commercialiser des produits digitaux sous forme de NFT (Non-Fungible Token). C’est déjà le cas des marques issues de l’industrie du luxe, de la mode et de la beauté qui ont été les premières à miser sur cette tendance. Selon les prévisions, d’ici 2030, 10% des revenus de ces secteurs seront générés grâce aux NFT. Dans le métavers, les influenceurs virtuels constitueront un levier marketing clé sur lequel les marques pourront s’appuyer afin de promouvoir leurs produits digitaux.

Influence virtuelle : Les limites

Même si les influenceurs virtuels connaissent un grand succès, ils sont aussi vivement critiqués pour les faiblesses suivantes :
  • Illégitimité

Certaines personnes considèrent que les robots virtuels sont illégitimes de promouvoir des produits et des services alors qu’ils sont dans l’incapacité de les tester. Ainsi, leurs recommandations ne sont pas perçues comme sincères ce qui limite la confiance accordée par les internautes.
  • Manque d’authenticité

L’authenticité est un pilier clé du marketing d’influence que l’on ne retrouve pourtant pas assez chez les influenceurs virtuels qui transmettent difficilement des émotions et sentiments.
  • Manque de transparence

Certaines agences digitales laissent planer le doute sur la nature artificielle de leur influenceur, ce qui rend la frontière entre la réalité et la fiction encore plus ambiguë.
  • Alimentation du culte de la perfection

Alors que le « Body Positivisme » prend de l’ampleur, certains influenceurs virtuels sont accusés de créer des complexes. Leur apparence trop parfaite inciterait les jeunes à tout faire pour leur ressembler alors qu’ils n’existent pas réellement.
  • Faible encadrement juridique

Le milieu de l’influence virtuelle n’est pas encore assez encadré juridiquement. C’est pourquoi, certaines agences digitales en profitent et omettent volontairement de préciser que les partenariats de leur robot virtuel sont rémunérés.

Conclusion

Jeunesses éternelles et attitudes irréprochables, les influenceurs virtuels sont considérés comme des atouts majeurs par les annonceurs. Mais du côté des internautes, ces avatars divisent l’opinion : certains les adorent et d’autres les craignent. Quoi qu’il en soit, les robots virtuels ne sont pas prêts de s’arrêter en si bon chemin et comptent bien continuer à révolutionner le monde de l’influence.

Contrairement aux idées reçues, les influenceurs virtuels ne font pas d’ombre aux influenceurs traditionnels. Ils ne sont donc pas concurrents mais complémentaires et continueront de cohabiter ensemble dans les prochaines années. La frontière entre réel et virtuel s’estompera de plus en plus, à tel point que les influenceurs numériques ne choqueront plus et feront partie des normes.

Une chose est sûre, les influenceurs virtuels n’ont pas fini de nous surprendre !

Et vous, êtes-vous plutôt pour ou contre les influenceurs virtuels ?

Influenceurs virtuels - Lil Miquela - Robot - GIF

Credits @Giphy

 

 

 

 

 

 

 

Articles complémentaires : 

Kolsquare : Le métavers façonnera t-il le futur de l’Influence Marketing?

France Info : Le succès des influenceurs fictifs donne un avant-goût du métavers

L’Express : Les influenceurs de demain seront-ils tous virtuels?

Blog MBA MCI : Les influenceurs virtuels la nouvelle ère du marketing d’influence 


Sources : 

HypeAuditor : The Top Instagram Virtual Influencers in 2021

Hivency : Influenceurs virtuels, leurs salaires dévoilés 

Virtual Humans : Virtual Influencers, the Future of Fashion

Louis Vuitton : SERIES 4: LIGHTNING UNE HÉROÏNE VIRTUELLE

Marie Claire : Interview de Daisy, l’intelligence artificielle de Yoox 

Journal du Luxe : Prada offre une ambassadrice virtuelle à Prada Candy