Un article sur le growth hacking, pourquoi?

Tout a commencé un mardi soir à la soirée d’introduction de Wake Up, une école de développement personnel se basant sur les principes de l’Ikigai où j’ai rencontré Kelly. On a partagé un verre de vin pendant l’atelier puis une bière à l’extérieur et elle m’a raconté son actualité d’entrepreneure et de growth hacker, et bien que n’étant pas novice sur les notions de marketing digital, j’ai découvert ce soir là un « nouveau » métier.

J’ai donc décidé de faire le portrait de cette jeune femme talentueuse qui navigue au sein d’un milieu encore très masculin afin qu’elle nous partage son expérience dans le growth hacking au sein de l’écosystème start-up.

N’hésitez pas à écouter notre entretien ci-dessous ou à le lire si vous n’avez pas d’écouteurs à disposition !

Intervention kelly merran sur scène

Intervention de Kelly Merran sur scène à #shemeansbusiness organisé par Facebook

Bonjour Kelly, merci de me recevoir aujourd’hui ! Est-ce que tu peux te présenter en quelques minutes nous expliquant ton parcours scolaire et professionnel?

Enchantée, Kelly Merran ! J’ai fait des études classiques, orientées business avec un IUT Technique de Commercialisation en France avant de terminer par un bachelor assez généraliste en Australie. Aujourd’hui j’accompagne des entrepreneur.e.s en phase de lancement. Je donne et produit également des formations dédiées à l’entrepreunariat avec un focus sur le marketing digital.

Et par le passé, au sein de la start-up Yoss , une plateforme de mise en relation entre freelance et entreprises, tu as aussi effectué des missions de growth hacking. Peux-tu nous expliquer comment tu as connu le growth hacking et en quoi cela consiste pour ceux qui ne connaitraient pas ce métier?

Alors, quand on accompagne des start-up en phase de lancement, c’est un peu le sujet par prédilection et leur stratégie inclut du growth hacking presque naturellement. Concrètement le growth hacking, qu’est ce que c’est? Découpons cette notion barbare qui se compose de growth et hacking: growth c’est la croissance et hacking c’est le piratage, il est donc question de pirater la croissance. Le growth hacking permet de trouver des leviers de croissance hyper rapides et il y’a des outils, des méthodes et beaucoup de choses qui ont été théorisées là dessus mais d’après moi c’est avant tout une question de mindset, un état d’esprit assez opportuniste, dans le bon sen du terme qui consiste à identifier où l’on peut trouver et surprendre notre cible potentielle pour déclencher ces leviers de croissance.

Aurais-tu un exemple concret d’entreprises ayant mis en place une stratégie de growth hacking afin de mieux appréhender ce concept?

Il y a de nombreux exemples de grandes entreprises qui ne le sont plus mais à l’époque étaient des start-up comme Airbnb, PayPal ou même Hotmail, qui a d’ailleurs été le premier exemple de viralité et de growth hacking identifié. En effet, Hotmail s’est rendu compte que l’acquisition de nouveaux utilisateurs se faisait par recommandations et à l’époque le seul moyen d’avoir une adresse mail était par son opérateur ou via son travail. Hotmail a donc crée un service d’e-mail personnel et les recommandations ont été hackées grâce à une signature qui apparaissait en fin d’e-mail: PS I love you – get your free e-mail at hotmail (P.S. je t’aime, vous pouvez obtenir votre mail gratuitement sur Hotmail). Chaque personne qui recevait un e-mail en provenance d’une boîte hotmail voyait cette signature apparaître et pouvait se créer un compte gratuitement. Les pourcentages de croissance sont hallucinants: en 6 mois, un million de personnes a crée son compte et cinq semaines plus tard Hotmail avait déjà 2 millions d’utilisateurs !

Est ce que le tunnel Acquisition – Activation – Rétention – Revenu- Recommandation (A.A.R.R.R) offre une bonne approche du growth hacking?

Tout à fait, c’est un peu la bible de growth hacker. On appelle cela le funnel ou l’entonnoir, comme toutes les actions marketing. On cible beaucoup de personnes mais celles qui convertissent ou achètent il y en a très peu. Le AARRR c’est donc très simple: l’acquisition c’est le fait de faire venir le client, de lui dire «hello j’existe et je propose un produit qui peut te correspondre»; l’activation c’est le fait de le convaincre que ce produit lui convient à lui; la rétention c’est le fait de le faire rester sur le site web comme sur Pinterest ou Instagram ou le fait de le faire revenir si vous êtes un e-commerçant; le revenu est intimement lié au business model et enfin la dernière étape c’est la recommandation qui consiste à se faire recommander un produit par un pair. PayPal ou Uber ont mis en place des techniques de recommandation. Uber s’est véritablement lancé (on parle de virus Uber) grâce à la mise en place un système de recommandations autant du côté chauffeur que du côté passager. En effet, Uber permettait d’offrir une certaine somme d’argent à ses amis ou à des conducteurs potentiels. Le système de recommandations permet donc à une personne de recommander à une autre personne ou à plusieurs personnes un produit ou un service et de se voir attribuer une récompense.

Et cette phase de recommandation est-t-elle la plus importante ou tout va dépendre du moment où l’entreprise va déployer une stratégie de growth hacking?

Cette phase de recommandation est très importante mais pas nécessairement la plus importante. Si personne ne sait que votre produit existe il est donc impensable de lancer une stratégie de recommandation. La phase d’acquisition, soit le haut de l’entonnoir, doit être la plus pertinente possible. Mais à partir du moment où notre proposition de valeur est bien définie (suppression d’une problématique ou innovation) et que l’on active des options de partage ou des incentives, c’est là que le buzz peut se faire. C’est donc une étape clé qui aura certainement l’impact le plus large, si les phases précédentes sont bien mises en oeuvre.

On a bien compris que le growth hacking peut permettre de faire décoller une start-up. Si la proposition de valeur de la start-up n’est pas encore complètement définie par l’entreprise, est-il recommandé de mettre en place des leviers de growth hacking?

La réponse est un petit peu tempérée. Ce serait dommage si le produit ou la proposition de valeur n’était pas stable de faire de l’acquisition massive tout simplement car les clients découvriraient un produit qui peut être encore bancal. Ceci peut donc créer un panier percé d’office et remettre en cause la crédibilité de l’entreprise.

Mais ce qui peut être intéressant sur la partie growth hacking c’est de se dire qu’il faut tester la proposition de valeur, toujours dans cet état d’esprit d’expérimentation. L’entreprise pourra par exemple passer par une stratégie de growth hacking pour trouver 100 utilisateurs volontaires pour tester une application mobile bêta. Mais tant que le produit n’est pas verrouillé, il faut bien comprendre que mettre en place une stratégie d’hyper croissance est inutile et peut faire aller droit dans le mur !

Penses-tu que toutes les start-up peuvent mettre en place une stratégie de growth hacking ou des entreprises offrant des services plutôt qu’un produit ont plus d’intérêt à le faire?

Je pense que le growth hacking s’adresse à tous types de business, même à un magasin physique au coin de la rue s’il est question de se faire connaître mais aussi de surprendre son client potentiel. Moi j’ai beaucoup travaillé dans des entreprises de services, software as a service ou des plateformes de mise en relation et c’était un incontournable. C’était hyper important de faire faire appel au growth hacking en early stage car il faut savoir que les stratégies peuvent parfois sortir du cadre légal ou en tout cas s’approcher de la limite de la légalité. Quand on parle de scrapping de base de données, ce n’est pas totalement compliant avec le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) dans le sens où on va utiliser des adresses mails pour faire connaitre son produit alors que la personne ne nous a pas donné son autorisation (opt-in) au préalable. En early stage, le risque est faible car la pénalité s’exprime comme un pourcentage du chiffre d’affaires. Quand on arrive à un stade plus avancé d’entreprise, le growth hacking a d’autres règles de l’art et il s’agit de sortir des sentiers battus et de se créer de nouvelles opportunités et c’est donc possible pour tous types d’entreprise.

Et si un grand groupe s’intéresse au growth hacking, il devra certainement utiliser des moyens distincts des start-ups early stage?

C’est plus difficile pour un grand groupe de faire du growth hacking car on est dans un état d’esprit de pirate et dans les grands groupes il y a beaucoup de process et les équipes marketing ont souvent des gros budget. Le growth hacking est né dans l’écosystème start-up car une start-up en early stage n’a pas les moyens de s’afficher à la radio ou à la télé ou même pour dépenser 20 ou 50 000 euros en Facebook ads. Mais il est certain que le growth hacking s’adresse à une entreprise qui a défini une proposition de valeur et identifié sa cible.

Selon toi, qui est le plus prescripteur de stratégie de growth hacking, du moins en France?

On peut avoir l’oeil aiguisé et s’intéresser aux tunnels AARRR des entreprises pour comprendre les stratégies qu’elles mettent en oeuvre pour acquérir ou retenir des clients, que ce soit des concurrents ou des entreprises éloignées de son marché, pour s’en inspirer. Mais dans les prescripteurs purs et durs, il y a beaucoup de groupes, de forums qui existent où les gens échangent sur les stratégies ou les outils. En général les stratégies sont mises à nues une fois qu’elles ont été poncées jusqu’au bout mais il est toujours bon de voir quels outils ou quelles techniques les gens recherchent car cela permet d’avoir de bonnes idées. En l’occurrence, je pense à un groupe qui s’appelle Growth Hacking France où beaucoup de gens échangent sur ces sujets là. Pour un livre référence, je citerais Growth hacker marketing de Ryan Holiday.

Et toi, tu suis des personnalités ou écoutes et lis du contenu sur le growth hacking? 

J’ai beaucoup écouté et lu sur ce sujet oui ! Sur les podcasts il y a Growth Makers qui est pas mal du tout et interview différentes personnalités, qu’elles soient orientées marketing, growth ou plutôt opérations et qui vont donner des idées de ce qui a été mis en place au sein de leurs entreprises et quelles ont été les problématiques auxquelles elles ont fait face.
Côme Courteault, growth hacker chez The Family et à l’origine du groupe Facebook Growth Hacking France partage depuis la nuit des temps de très bons conseils.

D’autre part, as-tu suivi une formation tech du type Le Wagon pour te lancer dans le growth hacking ? Est ce que tu recommanderais d’en suivre une ou à minima d’avoir une très forte appétence technique?

Non, je ne pense pas. Je ne sais pas cracher une ligne de code…j’avais commencé Le Wagon en ligne, j’ai suivi deux sessions et je me suis dit que je devais suivre la formation en présentiel jusqu’à ce jour. Je pense qu’il n’y a pas réellement besoin d’avoir suivi une formation tech aujourd’hui car de nombreux outils de growth hacking disponibles ont été pensés par des marketeurs en collaboration avec des techs, c’est par exemple le cas de Zapier, un outil qui permet d’automatiser des tâches via des API. Mais c’est quand même  un plus car ça ouvre le champ des possibles notamment pour ses sites compliqués à scrapper. J’ai été limitée dans quelques situations notamment après la phase de early stage de Yoss mais le mindset du growth hacker c’est aussi d’arriver à faire avec les moyens du bord et d’arriver du point A au point B avec les compétences qu’il a.

Si quelqu’un souhaite se former au métier de growth hacker est-ce que tu recommanderais certaines formations?

J’en connais deux qui sont déjà sur le marché aujourd’hui. La première en présentiel, c’est deux.io et elle est réservée à des personnes travaillant en start-up. Et la seconde c’est Growth Acceleration qui m’a été recommandé.

Mais ce qui est sûr c’est que je suis en train de produire une formation de type MOOC sur le growth hacking pour la plateforme OpenClassrooms. Pas besoin de connaissance tech pour la suivre donc pas besoin de savoir coder, il faut seulement avoir des notions marketing et business!

Et quand tu nous parlais de growth hacker, tu nous parlais de quelqu’un ayant un mindset de pionnier et pirate, est-ce que d’autres qualités sont nécessaires selon toi?

Je pense que pour être un bon growth hacker, il y a trois compétences clé à qui me semblent essentielles: la créativité, c’est à dire qu’on connait les basiques du marketing et on y associe notre créativité pour produire des hacks innovants;  les notions techniques non pas dans le sens de savoir coder mais avoir la patience de comprendre les systèmes en place pour implémenter une stratégie pertinente et le mindset expérimentation orienté data c’est à dire que je vais tester mes hacks et les optimiser afin qu’ils rayonnent encore plus et m’apportent plus d’acquisition ou de recommandations.

Image avec les trois qualités du growth hacker: technique, analytique, créatif

Source: multiplicalia.com

Est-ce qu’il faut aimer le travail en équipe pour être growth hacker ou tu as tendance à expérimenter des choses seule derrière ton ordinateur?

Je pense qu’il faut un peu des deux ! On a besoin de travailler en équipe pour définir les opportunités de la stratégie AARRR mais Il y a quelque chose que j’ai oublié de mentionner, c’est la stratégie de growth interne. Pour une start-up c’est le fait de générer plus de productivité en interne ce qui est essentiel dans cet ecosystème ! Et on a besoin de travailler en équipe pour définir quel est l’outil que je vais mettre en place pour faire gagner 2h de temps par jour à 3 sales par exemple. Il faut donc dialoguer avec eux afin de comprendre comment ils travaillent, leur routine, difficultés… Le growth hacker doit donc nourrir les autres équipes avec de nouveaux outils, de nouvelles techniques, des raccourcis. Dans le processus des sales, il y a toujours des moyens d’optimiser le processus et de simplifier les tâches rébarbatives. S’il y a une tâche ennuyeuse, on peut être certain que quelqu’un s’est penché sur la question pour l’optimiser.
Sur la partie solo, il faut passer du temps à analyser les données des hacks, pour trouver des moyens de pimper ses hacks.

J’entendais récemment Pierre Rannou, fondateur de Flat, dans le podcast Koudetat de The Family dire que le growth hacking est « une question de bon sens dans d’idée qu’il faut tester des actions et les automatiser si on se rend compte qu’elles fonctionnent ». C’est une définition qui te parle?

Je pense que ça fait le bon lien avec la façon par laquelle j’ai atterri dans le growth hacking. Je pense que tout entrepreneur qui n’a pas identifié cette thématique de growth hacking et n’en connait pas la méthode, il va naturellement essayer de trouver des opportunités de croissance rapide et un sortir des sentiers battus. Par exemple, dans le cadre d’un projet de développement d’application, on voulait tester une version bêta auprès d’étudiants. La question de savoir où les trouver et comment les toucher s’est donc immédiatement posée. On a donc pensé naturellement à aller sur un festival, on a fait un faux profil Tinder en pensant que tous seraient en train de geeker sur leur téléphone pour trouver leur prochaine rencontre du festival et on a trouvé nos 100 bêta testeurs comme ça !
Se dire que c’est du bon sens, c’est se reposer les bonnes questions finalement: à qui je m’adresse ? à quel moment dois-je m’adresser à cette personne afin qu’elle ait une attention maximale? Et une fois que j’ai défini ces basiques, la méthodologie de growth hacking va m’aider à gagner du temps en analysant les data qui me diront si mon hack fonctionne bien. Quand PayPal a mis en place sa stratégie de recommandation qui consistait à parrainer un ami pour 20 dollars, ils se sont dit que le système de parrainage fonctionnait à partir du moment où le client a invité son ami et que celui-ci s’est inscrit. Il faut donc bien prendre en compte ces KPIs mais sinon sur la question « comment je mets en place un hack? », c’est purement du bon sens.

Dernière question, tu mentionnais la notion de KPIs et de mesure de performance des hacks. Tu as toujours mis en place un suivi de performance de tes hacks?

Oui, enfin sauf au début ! Grande erreur. On a perdu beaucoup de temps car on a lancé plein de choses sans savoir comment les tracker. C’était plus par limite technique sur la partie analytics ! Mais la notion de KPIs est hyper importante et elle découle du bon sens: on construit, on mesure avec des data et on apprend.

Merci beaucoup Kelly! Qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour la suite?

Pour tous ceux qui veulent approfondir le sujet, la formation sur OpenClassroms sera en ligne a priori à la rentrée. Donc restez connecté.e.s et n’hésitez pas à me suivre sur Twitter @KellyMerran ou sur Linkedin. Je partagerai dès la mise en ligne.

Et pour toutes celles qui voudraient voir Kelly sur scène, tentez d’obtenir votre place à #shemeansbusiness organisé par Facebook à la maison de la radio le 17 avril en suivant ce lien.  

Pour en savoir plus sur Kelly:

La contacter sur Linkedin: https://www.linkedin.com/in/kellymerran?originalSubdomain=fr

Le futur du travail c’est demain: son article qui a fait fureur sur le net.