Mobilité 3.0, logement, pollution, problème de marginalisation… Autant de sujets des Smart cities qui semblent visiblement passionner les GAFAM mais quelles sont réellement leurs ambitions ? Peuvent-ils prendre le pas sur les collectivités territoriales et quels seraient les impacts pour les citoyens ?
Alors que la pression démographique explose en ville (70% de population urbaine en 2050) et que les infrastructures deviennent vieillissantes, il devient urgent de trouver des solutions. Les GAFAM possédant une avance considérable dans les nouvelles technologiques, semblent être les acteurs incontournables des Smart cities…
Google, un acteur omniprésent des Smart cities
Pour Google, la Smart city est une opportunité gigantesque de récolte de données. En faisant sa place au sein des Smart cities, Google s’empare des données liées à la mobilité et au quotidien. Aujourd’hui, c’est déjà le cas si vous utilisez Google maps, Waze, Gmail, un téléphone Androïd et le navigateur Chrome.
Pour aller plus loin, Google crée Sidewalk Labs, filiale de sa maison mère Alphabet, entièrement dédiée à la Smart city qui a pour objectif de proposer des solutions globales de gestion de mobilité.
Dans le cadre du projet LinkNYC, la ville de New York dispose désormais de bornes wifi intelligentes livrées par Google. Elles remplacent les vieilles cabines téléphoniques et proposent :
- La connexion de son téléphone ou sa tablette à un réseau wifi 20 fois plus rapide que l’ordinaire à New York ;
- D’appeler gratuitement n’importe quel numéro aux Etats-Unis, avec la possibilité de brancher son casque pour préserver l’intimité de la conversation ;
- De consulter une carte, surfer, ou appeler les services d’urgence ou la mairie ;
- De recharger son téléphone ou sa tablette.
Egalement vainqueur du Smart City Challenge en 2015, Google a pour objectif de déployer sur 3 ans, une plateforme big data, appelée FLOW dans 7 villes américaines dont San Francisco et Austin. Cette plateforme permettra de fluidifier la circulation dans les transports en commun ainsi que la circulation en ville.
Par exemple, Flow permettra de trouver une place de parking rapidement, et de vous proposer le meilleur itinéraire regroupant tous les moyens de mobilité.
En remportant ce challenge, Google se positionne comme partenaire privilégié avec les villes et lui permet de comprendre bien avant les autres, les besoins de ce marché florissant.
La Smart city avançant conjointement avec la mise en place de voitures autonomes, Google profite de FLOW pour avancer son projet de Google Car. En récupérant les données liées aux problèmes de congestion et de trafic des villes, Google améliore le système embarqué de sa voiture autonome. Rebaptisée Waymo en 2016, elle semble être à l’heure actuelle, le meilleur prototype de voiture autonome.
Ici, Google cherche donc plutôt à développer une technologie qui sera utilisée par des partenaires, comme Chrysler, que de construire son propre modèle de voiture. En s’associant récemment avec la société de location Avis, Google se rapproche également d’un modèle où la propriété individuelle de la voiture serait remise en cause.
Google Fiber, autre filiale d’Alphabet, a la volonté de vouloir distribuer la fibre optique. La ville de Kansas City a été la première en 2012 à bénéficier du réseau alors nommé Google Fiber. Proposant trois abonnements allant de 25 à 130 dollars par mois, la firme devient un fournisseur d’accès à internet ultra-rapide et très concurrentiel par rapport à l’offre offerte par les fournisseurs historiques américains. Disponible aux États-Unis uniquement, il n’y a pas encore de projet Google Fiber pour la France.
Autre domaine d’intervention de Google, les Smart Homes. Afin de concurrencer Echo d’Amazon, le géant lance son enceinte Google Home. Elle s’associe à votre compte Google pour puiser des informations contextuelles sur vos rendez-vous et des informations de circulation sur vos itinéraires quotidiens.
L’IA sait même retenir vos questions afin de mieux vous répondre la fois suivante. Elle permet également le contrôle de certains appareils domotiques (moins nombreux qu’avec une Echo), des enceintes ou une télévision branchés sur des boitiers Chromecast.
L’objectif ici étant de créer l’interopérabilité des données. Que vous soyez tranquillement chez vous, ou à l’extérieur, Google pourra ainsi connaître davantage vos habitudes de consommation et vous proposer davantage de publicités contextualisées même s’il règne déjà en maître absolu sur ce sujet.
Enfin, aux dernières nouvelles, le patron de Sidewalk Labs Dan Doctoroff, a annoncé lors de la conférence Smart Cities de NYC du 4 mai, qu’ils étaient en train de créer un quartier test à grande échelle dans la ville de Toronto. L’objectif ici : partir de zéro et créer le quartier urbain le plus innovant du monde.
« Nous ne pensons pas du tout que cela soit fou. Les gens pensaient que c’était fou quand Google a décidé de connecter toutes les informations du monde. Les gens pensaient que nous étions fous de réflechir au concept d’une voiture autonome. »
Apple, l’Iot de la Smart City ?
Au delà de son intérêt confirmé officiellement en juin dernier pour les voitures autonomes et en lançant ses premiers tests de son Apple Car, Apple semble davantage déterminé à se positionner en leader sur le marché de l’Iot…
Imaginez un monde où vous pourrez tout faire avec votre téléphone : téléphoner, payer, régler la température de votre logement, gérer les équipements de votre voiture. Avec HomeKit, Apple Pay, CarPlay, Apple souhaite être présent sur le marché de l’IOT (Internet des objets) et plus particulièrement sur les objets connectés liés au logement. Un choix tout à fait cohérent avec les grandes tendances actuelles des intentions d’achat en IOT (D’ici à 2025, Machina Research annonce un chiffre d’affaires mondial de 3 000 milliards de dollars, contre 750 milliards en 2015).
L’avantage d’Apple pour le citoyen, c’est que tant que vous achèterez le dernier IPhone, IPad, Apple Watch, … la collecte de vos données ne les intéressent pas. Leur objectif est avant tout de simplifier l’usage et de faire en sorte que tous les appareils de votre quotidien fonctionnent avec un seul “périphérique”. Sa force majeure : si la majorité des citoyens utilisent les app’ d’Apple, peu importe la solution technique retenue par la ville, elle devra se caler sur les exigences de son système d’exploitation ios.
Facebook et l’usage des réseaux sociaux, futur enjeu des smart cities ?
Aujourd’hui l’ensemble des collectivités utilisent les réseaux sociaux : Instagram, Facebook, Twitter … pour faire connaître leur ville ou tout simplement pour relayer leurs événements. De même, les citoyens les utilisent pour créer des groupes (AMAP, associations sportives….).
Dans le cadre des smart cities, l’utilisation des réseaux sociaux a une portée plus grande. Ils peuvent servir notamment à toutes les questions liées à l’urbanisme :
- prévenir d’un banc cassé,
- présence de déchets,
- …
à la sécurité :
- nuisance sonore,
- alerte criminalité. C’est dans ce cadre que Facebook propose Safety check, qui permet à chacun d’informer qu’il est en sécurité.
mais aussi à la santé publique :
- Par exemple, les restaurants qui ne respectent pas les règles d’hygiène peuvent être retrouvés grâce au réseau social Yelp qui permet à chacun de laisser des commentaires sur la plateforme et donc, pour les autorités, de géolocaliser les restaurants qui génèrent le plus de mots clés du type “vomit”, “food poisoning”…
La smart city se construit aujourd’hui essentiellement avec la mise en place de capteurs physiques, mais les données des réseaux sociaux, souvent géolocalisées, apparaissent comme moins coûteuses et donc comme source prometteuse de développement. Pour le citoyen, cela lui permet de devenir acteur et de co-construire sa ville où la data individuelle devient alors d’intérêt général.
Amazon réinvente la ville en disruptant nos habitudes
Vous avez notamment entendu parler d’Amazon Go et d’Amazon Echo. L’un propose de faire ses courses sans passer en caisse et l’autre est une enceinte intelligente permettant de réaliser vocalement des commandes, comme mettre de la musique ou encore commander directement des produits sur le site d’Amazon.
De cette façon, Amazon change nos habitudes de consommation et devient donc un acteur incontournable de la ville de demain. Des sociétés comme Whirlpool, LG, Ford pensent désormais fortement à intégrer l’IA Alexa dans la conception de leurs produits.
Cependant, Amazon doit remédier à ses problèmes de coûts et de logistiques car les livraisons gratuites, bien que attrayantes pour le consommateur, coûtent chères à la société. Rien que l’année dernière, les frais d’exécution ont augmenté plus rapidement que les ventes. Pour remédier à cela, Amazon a annoncé en 2016, le premier des onze avions de la flotte Prime Air ainsi qu’en décembre dernier le dépôt d’un brevet pour un centre d’exécution aéroporté qui servirait de “navire mère” pour une flotte de drones, son projet logistique le plus important.
Ainsi, Amazon s’offre une plus grande marge de manoeuvre pour pouvoir s’adapter à chaque ville sur des périodes à fortes demandes.
Enfin, Amazon s’adresse directement aux acteurs BtoB de la Smart City et notamment aux collectivités territoriales en leur proposant une technologie Cloud ainsi que des web services pour répondre à leurs besoins de base de données, de calcul, de stockage… Sur ce site : https://aws.amazon.com/fr/smart-cities/ Amazon recense tous les domaines d’intervention et des exemples précis de solutions déjà mises en place avec des partenaires.
Microsoft, un des pionniers des Smart cities & acteur de confiance
Présent depuis 2009, Microsoft souhaite contribuer au développement des Smart Cities dans le cadre de plusieurs domaines d’intervention :
- Conception de bâtiments intelligents avec leur solution ESB “Energy smart building”, développé avec leur partenaire Iconics. Cette solution contrôle les donnés en provenance de capteurs afin de les centraliser au sein d’une même salle de contrôle. Elle permet non seulement de réduire de façon considérable la consommation d’énergie, mais aussi de faire de la maintenance prédictive et d’optimiser les coûts.
- Accès aux handicapés et malvoyants avec Cities Unlocked.Il s’agit de mettre à disposition de ces personnes un casque audio lié à une appli mobile qui informe le porteur des équipements à proximité que ce soit un restaurant ou un arrêt de bus. Ce type d’assistance permettra à beaucoup de personnes de vivre plus facilement.
- Comme Amazon, Microsoft propose aussi leur solution de Cloud et de web services avec Microsoft Citynext
Conclusion :
Sur l’ensemble des GAFAM, seuls Google, Amazon et Microsoft semblent très ambitieux sur les Smart cities.
Pour Google, leur marché en direction de leurs cibles traditionnelles se saturant, ils ont lancé une stratégie de diversification très forte. Après être devenue la première régie publicitaire du monde, ils souhaitent conquérir ce centre de pouvoir qu’est la ville et trouver de nouveaux territoires digitaux pour accroître leur business et exploiter ainsi toute la data monétisable.
Reste à savoir selon Matthieu Noël, consultant chez Ptolemus, si les ambitions de Google ne finiront pas par se heurter à la méfiance des autorités publiques et des usagers :
« Google devra être plus consciencieux en ce qui concerne les données personnelles et le respect de la vie privée s’ils souhaitent travailler directement avec les villes. S’ils font ce qu’ils font avec Gmail, par exemple, beaucoup seront déçus. Et s’ils parient trop sur la publicité, ils pourraient bien perdre cette partie. »
D’autant plus que Google est présent dans beaucoup d’autres domaines, tels que la santé, la biotechnologie, l’I.A, l’éducation, … mais aussi tous les outils BtoB (Calendar, Google Data Studio, docs,….). La smart city imagée par Sidewalk Labs, ne serait-elle pas un pas de plus vers Big Brother ?
Mes Sources :
Journal du net – Usine digitale – State tech magazine – Cnet France – BNP Paribas – Forbes – Energy Stream Wavestone