Sculpteo : l'impression 3D grand public !

Entretien avec Arthur Cassaignau, Marketing Manager chez Sculpteo

 

Que fait Sculpteo ?

 

Sculpteo est un service d’impression 3D en ligne. C’est une société qui dispose d’un parc d’imprimantes 3D professionnelles. Ces imprimantes valent entre 60 000€ et 850 000€, et utilisent près d’une dizaine de technologies différentes. Le plus gros du parc de Sculpteo se compose d’imprimantes SLS, donc à frittage laser. D’autres utilisent le procédé SLA, avec de la résine. D’autres encore permettent de travailler la cire, de fabriquer des objets en multi-couleurs, etc.

L’innovation qu’a apporté Sculpteo par rapport aux métiers traditionnels de prototypistes, c’est d’avoir créé une plateforme en ligne. Typiquement, au lieu d’envoyer un mail avec un fichier par WeTransfer, d’attendre un devis pendant 24h ou 48h, etc. , Sculpteo condense tout ça dans une plateforme web. Cette plateforme permet d’optimiser un fichier 3D et de le rendre très facilement imprimable. Autrement dit, on upload son fichier, on sait tout de suite s’il est imprimable, on a un prix et une date de livraison.

En parallèle de cette activité, on retrouve sur le site de Sculpteo des outils en ligne qui permettent de retravailler son fichier 3D pour l’imprimer dans les meilleures conditions possibles.

L'interface de Sculpteo permet d'optimiser des fichiers SLT

L’interface de Sculpteo permet d’optimiser des fichiers SLT

 

Au départ, Sculpteo se présentait comme un service B2C, aujourd’hui vous vous orientez clairement plus vers le B2B. Qu’est-ce qui explique ce revirement de stratégie ?

 

Sculpteo, à sa création, a été pensé comme un service ouvert à tous. Ça l’est toujours, puisque n’importe qui peut se connecter sur www.sculpteo.com et se créer un compte. Maintenant, le B2B représente plus de 80% de notre business. On ne souhaite pas se couper pour autant du B2C. Mais il est vrai que l’impression 3D pour le grand public a certaines limites.

La première est certainement le prix. L’impression 3D reste encore un moyen de production assez cher. Avec une imprimante desktop à moins de 2000 euros, on va être assez vite limités en termes de types de matériau. Ca va être principalement de l’ABS ou du PLA, qui est du plastique dérivé de l’amidon de maïs.

Imprimante 3D permettant de concevoir des objets à base de matières plastiques PLA ou ABS

Imprimante 3D permettant de concevoir des objets à base de matières plastiques PLA ou ABS

Si l’on souhaite des impressions de meilleure qualité ou qui utilisent d’autres matériaux, il va falloir rapidement investir dans des machines plus coûteuses ou choisir des services dédiés.

 Il faut par ailleurs garder à l’esprit que la meilleure des impressions 3D aujourd’hui reste moins bonne que de l’injection plastique moyenne gamme – je veux parler du procédé qui est utilisé pour fabriquer des objets de consommation courante comme des souris, des claviers d’ordinateurs, des lunettes, etc.

L’autre frein pour le grand public, c’est le design.  C’est-à-dire la capacité à effectuer soi-même des fichiers 3D. Ce n’est pas donné à tout le monde !

 

Que manque-t-il pour que l’imprimante 3D envahisse les foyers ?

 

D’abord, cette technologie se démocratise. Les progrès techniques permettent d’obtenir de meilleures finitions qui se rapprochent de plus en plus de l’injection plastique. Les prix des services et des machines baissent. Et les logiciels d’impression 3D sont de plus en plus souvent gratuits, avec des interfaces de plus en plus intuitives, parfois des applications.

Aujourd’hui, malgré ces progrès-là, le grand public n’est pas forcément très friand d’impression 3D. C’est bien de permettre à chacun de fabriquer ses objets, maintenant il faut avoir l’intention de faire quelque chose et bien souvent ce qui nous est offert par d’autres moyens de consommation comme Amazon, le retail, etc. est préféré dans l’intention de consommation.  Tout le monde n’a pas l’intention de devenir designer et de passer des heures et des heures à créer ses propres objets.

 

Qui sont vos concurrents ?

 

Nos principaux concurrents sont Shapeways et Materialise. Ensuite, on a des concurrents directs mais qui ne sont pas forcément sur Internet, des compagnie qui valent déjà des milliards et sont cotées au Nasdaq comme Stratasys ou 3D Systems. Mais pour l’instant Sculpteo croît plus vite que l’ensemble du marché, dont la croissance est de 30%.

 

Pensez-vous, comme Jeremy Rifkin ou Chris Anderson, que l’impression 3D est un levier incontournable d’une prochaine révolution industrielle ?

 

L’impression 3D est une nouvelle manière de fabriquer. Il n’y a rien de complètement révolutionnaire là-dedans.

Un iPhone ne sera jamais imprimé en 3D dans les 10-15 ans à venir. On n’a pas assez de degré de précision ni la capacité de venir jouer sur de multiples matériaux.

En revanche, ce qui jusqu’ici avait été fait à la main, de manière artisanale, traditionnelle, en très petites quantités et à des coûts assez importants peut potentiellement être bouleversé par l’arrivée de l’impression 3D. Celle-ci permet de développer de nouveaux usages à destination de créateurs indépendants, de start-ups de hardware qui n’auraient pu se lancer s’il y avait des coûts d’investissement. Donc c’est plutôt une technologie qui vient créer de nouvelles possibilités et qui rogne sur des procédés de fabrication traditionnels ou qui nécessitaient beaucoup d’investissements de départ pour une petite production.

Pour en revenir à votre question initiale, je ne crois pas que ce soit une révolution industrielles dans les usines. L’usine de demain ne va pas changer grâce à l’impression 3D. On n’est pas du tout sur les mêmes cadences de production*.

 

Quel type de profils recherchent les entreprises spécialisées dans l’impression 3D ?

 

Des profils assez qualifiés, plutôt des ingénieurs et des programmateurs pour du software. Il y a toujours besoin de fonctions support comme le marketing, les sales, le support client. En France, il y a peut-être une grosse centaine de sociétés qui sont directement liées à l’impression 3D. La plus importante doit employer environ 200 personnes. Nous sommes sur des volumes d’emploi relativement faibles. Maintenant, ça peut doubler, tripler, voir plus dans les années à venir.  Mais dans 5 ans, on n’aura pas résolu le problème du chômage en France grâce à l’impression 3D.

 

Merci à Arthur Cassaignau pour ses réponses.  Pour en savoir plus sur l’impression 3D, lire ici le très instructif baromètre annuel établi par Sculpteo, basé sur l’avis de 1118 répondants à l’échelle mondiale.

 

*À noter tout de même qu’il existe des initiatives prometteuses comme celle de l’Université de Sheffield, en Angleterre, qui développe une imprimante 3D capable de concurrencer les modes de fabrication en série.