L’année 2019 clôt une décennie de records pour le monde de l’esport.
Plus de joueurs, plus de spectateurs, plus de tournois, plus de gains, plus de business.
Les mentalités changent, les organisations se structurent, la communication s’intensifie. Et ce qui pouvait apparaître comme un phénomène de mode pour certains il y a quelques années est maintenant considéré par les plus grands groupes comme une véritable opportunité de développement.
Désormais, plus d’un milliard et demi de personnes connaissent l’esport dans le monde. C’est 2 fois plus qu’il y a 4 ans1 !
Pour les 6 milliards restants, revenons sur les indicateurs majeurs qui caractérisent l’esport.
- Qu’est-ce que l’esport ?
- Depuis quand l’esport existe-t-il ?
- Quels sont les principaux jeux esport ?
- Qui est le public de l’esport ?
- Qui sont les joueurs d’esport ?
- Quel est le marché de l’esport ?
Définition de l’esport
L’esport, c’est la contraction de l’anglais electronic sport. En français, le sport électronique.
Depuis longtemps, les débats sont animés pour définir de manière précise ce qu’est l’esport ou comment définir un jeu esport2.
La question se pose même quant à l’orthographe du mot : esport ? e-sport ? eSport ? Avec ou sans majuscule ?
Pour ma part, je suivrai la recommandation de l’association France Esports qui a opté pour l’écriture « esport(s) »3.
L’association définit également l’esport comme :
« l’ensemble des pratiques permettant à des joueurs de confronter leur niveau par l’intermédiaire d’un support électronique, et essentiellement le jeu vidéo, et ce quel que soit le type de jeu ou la plateforme (ordinateur, console ou tablette) ».
Cette notion de confrontation est d’ailleurs reprise dans la Loi pour une République numérique du 16 octobre 2016 :
“Une compétition de jeux vidéo confronte, à partir d’un jeu vidéo, au moins deux joueurs ou équipes de joueurs pour un score ou une victoire.”
Ces compétitions peuvent être locales, nationales ou internationales.
Elles se déroulent soit en présentiel (offline), soit sur Internet et sont « organisées et réglementées soit par les communautés de joueurs, soit par des associations ou des sociétés spécialisées dans l’événementiel, soit par les éditeurs de jeux eux-mêmes »3.
Histoire de l’esport
Comme le précise très bien Tifenn Dibout dans son article sur L’histoire de l’esport :
« le jeu vidéo portait déjà la compétition dans son ADN, bien avant que l’on parle d’esport »5.
Les moins jeunes d’entre-nous se souviennent sans doute de Pong, jeu mythique qui faisait s’affronter 2 joueurs sur le même modèle qu’un match de tennis (à peu près ^^).
Et le principe du High Score sur de nombreux jeux de salles d’Arcade reprenait également ce principe de compétition.
Quoi qu’il en soit, les prémices des compétions d’esport apparaissent dans les années 70 aux Etats-Unis sous une forme qui existe encore aujourd’hui : les LAN (Local Area Network) parties. Ces événements rassemblent des dizaines de joueurs de jeux vidéo afin de les faire s’affronter via un réseau local.
Dans les années 80, les compétitions se multiplient mais c’est l’arrivée d’Internet à la fin des années 90 qui va bousculer l’écosystème.
Sous l’impulsion de la Cyberathlete Professional League (CPL) crée en 1997, les tournois se professionnalisent mais surtout se mondialisent.
La même année, le tournoi Red Annihilation fait s’affronter 2 000 participants sur le jeu Quake à travers le monde pour ensuite réunir les 16 finalistes au World Congress Center de l’E3 (Electronic Entertainement Expo). Il est considéré par beaucoup comme la 1ère compétition d’esport.
Durant les années 2000, les tournois prospèrent, le nombre de joueurs et les gains augmentent, la popularité grandit et les premiers sponsors apparaissent.
Et en 2011, le lancement de Twitch va donner à l’esport une visibilité qu’il n’aurait jamais pu imaginer. La plateforme permet de diffuser en permanent des contenus, principalement ceux issus de l’univers des jeux vidéo. Les tournois sont dorénavant diffusés mondialement, et touche une audience bien plus large que celle des joueurs de jeux vidéo ou des fans. Des jeux comme Defense of the Ancient 2 (Dota 2) ou League of Légends (LoL) attirent rapidement les spectateurs, amenant des millions de vues uniques sur Twitch.
Depuis, les records se succèdent tant en termes de spectateurs qu’en termes de gains.
En 2018, la finale du championnat du monde League of Legends a été regardée par plus de 99 millions de spectateurs uniques (presque autant que le Superbowl !).6
Quels sont les principaux jeux ?
On distingue historiquement 8 grandes catégories qui regroupent les jeux vidéo compétitifs :
- Les RTS (jeux de Stratégie en Temps Réel)
- Les MOBA (jeux de type arène de bataille en ligne)
- Les FPS (jeux de tir à la 1ère personne)
- Les jeux de combats
- Les jeux de sport ou de course
- Les jeux Battle Royale
- Les jeux de cartes à collectionner
- Les autres
Toutes ne connaissent pas le même succès, et au sein d’une même catégorie tous les jeux ne connaissent pas le même retentissement médiatique, ou la même popularité.
Dans son Guide de l’esport, Rémy « Llewellys » Chanson partagent les ingrédients d’un bon jeu esport :
- L’équité des chances : tous les joueurs doivent avoir les mêmes chances de gagner, quel que soit le montant investi dans le jeu.
- La profondeur du jeu : la quantité d’effort que cela demande à un joueur pour maîtriser le jeu et accéder à un très haut niveau.
- La capacité du jeu à être spectaculaire : un mode observateur permet d’accéder aux mêmes informations que le joueur, mais aussi à des données uniquement destinées au public.
Il explique également le rôle clé que jouent les éditeurs dans le succès de leur(s) jeu(x) sur la scène compétitive, que ce soit au travers de leur participation aux compétitions (organisations, communication, gains) ou de leur stratégie de business model (apport de nouveaux contenus réguliers et équilibrage constant).
Quels sont alors les meilleurs jeux d’esport ? Difficile de répondre de manière tranchée tant les critères sont variés.
Certains prendront en considération le nombre de joueurs, d’autres le nombre de spectateurs qui assistent aux compétitions. D’autres encore regarderont le nombre d’heures visionnées, ou les gains empochés (par tournoi ou durant toute une saison).
Finalement, chacun y trouvera son bonheur.
On peut néanmoins saluer les performances 2019 des jeux suivants :
- Fortnite : les plus gros gains
Fraîchement arrivé sur le marché des jeux vidéo (2017), le jeu est un véritable phénomène économique, social, sportif et culturel7. Le titre d’Epic Games a voulu se tailler une place choix sur la scène compétitive. Avec 64,4M de dollars de gains, il a ainsi offert le plus gros montant de gains cumulés sur l’année 20198.Et avec 1,3 millions de spectateurs simultanés, la Fortnite World Cup gagnait le titre de compétition esport ayant attiré la plus forte audience de tous les temps sur Twitch9.
- Dota 2 : les joueurs les plus récompensés
Sorti en 2013, le jeu de Valve Corporation est le MOBA qui paie le mieux. Si l’on regarde l’historique des joueurs ayant touché les plus de gains en esport, il y a 29 joueurs de DOTA2 dans le top 3010. En 2019, les vainqueurs de The International ont remporté 15 millions de dollars, soit un peu moins de 3 millions de dollars chacun. En comparaison, le vainqueur du tour de France gagne 500 000 euros11.
- League of Legends : le plus regardé
En 2019, le MOBA emblématique de Riot Games fêtait ses 10 ans en beauté puisque son Mondial bâtait encore une fois des records d’audience avec plus de 21,8 millions de spectateurs par minute12. Le jeu a également retrouvé sa 1ère place au classement des jeux les plus regardés sur Twitch13.
Public : mais qui regarde ?
A peu près tout le monde, et de plus en plus.
Les « consommateurs » d’esport sont définis comme les personnes ayant déjà regardé au moins une compétition organisée de jeux vidéo (et sont capable de la nommer), que ce soit directement sur place, à la télévision ou sur Internet (plateforme de diffusion ou rediffusion).
On distingue les « occasionnels » des « enthousiastes », ces derniers le faisant au moins une fois par mois.
Ils sont donc plus de 450 millions14 dans le monde, deux fois plus qu’il y a 4 ans !
Plus de la moitié (57%) de ces consommateurs sont originaires d’Asie. Viennent ensuite l’Europe (16%) et l’Amérique du Nord (12%).
En France, ils étaient plus de 7 millions à consommer de l’esport en 201915.
Ce sont plutôt des hommes (72%), âgés de 35 à 49 ans (33%)16.
Côté présentiel, les compétitions se jouent dorénavant à guichet fermé, comme ce fut le cas pour la finale de LoL à l’AccorHotel Arena de Paris où plus de 15 000 spectateurs17 ont assisté à la victoire de FunPlus Phoenix.
Pour vous mettre dans l’ambiance :
Sur internet, le nombre d’heures de visionnage explose.
Les 4 plateformes majeures de streaming (Twitch, Mixer, Youtube Gaming et Facebook Gaming) ont permis à leurs visiteurs de regarder près de 13 milliards d’heures dont une partie d’entre elles dédiées à l’esport18.
Twitch possède la plus forte part de marché mais la compétition se renforce, à l’instar du récent contrat d’exclusivité signé entre Youtube Gaming et Activision-Blizzard19.
Qui sont les joueurs d’esport ?
L’association France Esports distingue 3 grandes catégories de joueurs selon leur modalité de pratique du jeu vidéo d’affrontement :
Les « Joueurs Grand Public » : ils déclarent jouer à des jeux vidéo permettant d’affronter d’autres joueurs, sans classement, et sans inscription à des compétitions organisées.
Les « Esportifs Loisir » : ils déclarent jouer à des jeux vidéo permettant d’affronter d’autres joueurs, et participent à des parties classées (ranked et ladders), mais sans inscription à des compétitions organisées.
Les « Esportifs Amateurs » : ils déclarent jouer à des jeux vidéo permettant d’affronter d’autres joueurs, participent à des parties classées (ranked et ladders), et se sont déjà inscrits à des compétitions organisées (en ligne ou en LAN).
L’étude réalisée montre également que ces pratiquants d’esport sont, de manière significative, plus nombreux à avoir une activité culturelle (aller à un concert, au cinéma, dans un musée ou lire des livres) ou sportive (pratiquer une activité physique régulière ou se rendre à des événements sportifs sur place) que la moyenne des internautes interrogés.
On constate donc que ces esportifs sont assez loin du cliché de l’adolescent asocial, asservi par les jeux vidéo.
Comme l’indique très bien l’association : « le jeu vidéo et sa pratique en compétition s’inscrivent ainsi parmi les nombreux loisirs socio-culturels et sportifs de la population, et le joueur est un individu complexe aux activités multiples. »
Les meilleurs joueurs font généralement rattachés à des structures (clubs, équipes ou teams) qu’ils représentent lors des différentes compétitions. Ces structures peuvent être professionnelles ou amateures, associatives ou privées.
Et les clubs pros s’y mettent !Elles peuvent alors s’occuper de toute l’organisation liées à la participation de leurs joueurs aux événements ou compétitions, gérer leur entrainement, leur fournir du matériel, ou les rémunérer (salaire fixe ou prime sur résultats, pourcentage des gains, ou des revenus provenant des sponsors ou du streaming).
Les joueurs deviennent ainsi de vrais professionnels qui se rémunèrent via le salaire versé par la structure, leurs gains en tournois, leurs sponsors, etc.
Quel est le marché de l’esport ?
Avec 644 millions de spectateurs uniques attendus pour 2022, le marché de l’esport attirent de plus en plus d’entreprises.
L’intérêt est d’autant plus grand qu’il permet de toucher une cible jeune, de plus en plus hermétique aux médias traditionnels comme la télévision20.
Le marché de l’esport a franchi la barre du milliard de dollars en 2019. Il pourrait doubler d’ici 2023 et atteindre les 10 milliards de dollars en 2030.
Plus de 40% de ces revenus proviennent pour le moment des sponsors.
Historiquement (et logiquement), on retrouve des marques liées au secteur du jeu vidéo et de l’électronique, comme Intel, Microsoft ou Comcast Xfinity.
Mais également les gros investisseurs que l’on retrouve dans d’autres domaines, notamment celui du sport. On se parle alors sodas (Coca-Cola, Pepsi, Red Bull), équipements de sport (Nike, Adidas Puma), voitures (Honda, Audi, Mercedes), etc.
Et puis tous ceux qui y voient la possibilité de rajeunir leur axe de communication (US Air Force, Marvel) ainsi que des passionnés (Michael Jordan, Drake, Will Smith).
Bref, toutes les marques y trouvent leur compte.
Ces sponsors parraineront au choix des ligues, des tournois, des équipes, des joueurs ou des stades.
D’autres revenus viennent s’ajouter aux sponsors : les droits de retransmission, la publicité, la vente de produits dérivés et des tickets, et les différents apports des éditeurs de jeux.
Relativement récent, en plein essor, l’esport représente donc une opportunité immense, à la fois dans la façon dont il symbolise les codes actuels d’une partie de la société en termes de médias, de publicité ou de divertissement mais également dans ce qu’il peut apporter aux marques en termes de marché et d’audience.
Finalement, l’histoire de l’esport ne fait que commencer.