Pour ce nouvel article du blog MBA MCI, celui-ci sera consacré à ma thèse de fin d’étude. Celle-ci réunit deux thèmes qui me sont chers : la musique et le digital. C’est ainsi que j’ai décidé d’investiguer le monde de l’apprentissage de la musique avec le digital. Que vous soyez musicien ou non, cet article est fait pour vous. Mettez à fond votre musique préférée, et préparez-vous à découvrir une école de musique  pas comme les autres en France : l’École de Musique Connectée. Et un contexte particulier auquel elle a dû faire face : le confinement.

 

Une école et une méthode 

Créé en 2017 par Marie-Aline Bayon, pionnière de l’enseignement musical par le numérique en France (checkez son E-CV), au sein de l’école de musique de Solaure (une école existant depuis 1960), le concept de la première école de musique connectée en France est née d’un constat : Quel est impact du numérique dans l’enseignement spécialisé* ?

De cette question naîtra un livre entièrement consacré à ce sujet**. Le manuscrit alerte sur le retard de l’usage du numérique à des fins pédagogiques dans le cadre de l’enseignement de la musique, ainsi que le décalage en termes d’équipement entre les structures institutionnelles (conservatoires, écoles municipales etc.) et les autres acteurs du marché tels que les écoles de musique en ligne, les cours de musique à distance etc. Enfin le livre, en guise de conclusion, ne propose rien de moins que de poser les bases d’un projet d’école de musique connectée grâce au numérique. Du jamais lu/vu !




 

Outre le concept de l’école, la méthode de formation dispensée est toute aussi inédite : leblended learning”. Déjà utilisé dans le milieu professionnel, il s’agit d’une méthode qui mixe formation en présentiel et formation en distanciel. Dans le cas de l’école connectée, les cours en présentiel sont consacrés au travail seul et en collectif auquel le professeur (qui a également une casquette de coach) apporte une vraie valeur ajoutée. Ces cours allient la pratique des instruments classiques et des outils numériques pour créer, composer, et enregistrer. Les cours en distanciel étant consacrés au travail personnel à réaliser chez soi. Les élèves disposent d’une plateforme internet (Padlet) pour échanger avec leurs professeurs et accéder aux exercices à réaliser chez soi ainsi qu’à tout le matériel mis à leur disposition : fichier audio, vidéo, tutoriels etc.

Un concept innovant qui se concrétise par deux programmes pédagogiques :

  • La Fabrique Musicale : découverte de la musique par le jeu pour les enfants de CP. Ils y apprennent également à jouer à plusieurs ainsi qu’à manipuler et créer de la matière sonore  avec des outils numériques. 
  • Le Cyber’orchestra : accessible à partir du CP jusqu’en 3ème, ce programme propose un cours semi-collectif où les élèves apprennent à jouer de leur instrument et à composer ensemble via des outils numériques. Enfin le programme permet aux élèves de disposer de ressources en ligne pour s’entraîner chez eux.

L’école de musique connectée propose également un cours de Musique Assistée par Ordinateur (M.A.O pour les connaisseurs) pour les enfants et les adultes où ils apprennent à utiliser l’informatique comme un véritable instrument de musique. Enfin l’école connectée c’est aussi un état d’esprit tourné vers l’avenir de l’enseignement par le digital. Ainsi l’école est également un laboratoire d’expérimentation de nouveaux instruments et d’accessoires numériques, ainsi que des tests d’applications digitales. Un établissement à l’approche résolument moderne qui n’oublie pas pour autant de garder l’humain au centre de ses préoccupations. Un sujet qui deviendra une priorité à travers une situation jamais vécue : la crise sanitaire.

En effet, le 17 mars 2020 marque le début du confinement en France en raison d’une crise sanitaire sans précédent générée par la pandémie de Covid-19. Une situation d’urgence qui provoque un arrêt brutal de tous les organes vitaux du pays : économie, administration, éducation scolaire et artistique etc. Ainsi l’École de Musique Connectée, se trouva quelque peu livrée à elle-même, mais pas sans solutions. Et  pour ses élèves, privés de contact social, obligés de rester chez eux, et de pouvoir pratiquer la musique pour certains, ce fut le début d’une période morose. 

 

À situation exceptionnelle mesure exceptionnelle

Plutôt que de laisser cette situation se ternir, Marie-Aline et son équipe pédagogique ont fait preuve de réactivité en mettant en place, en quelques jours, des solutions d’urgence avec un triple objectif.

  • Réanimer le lien social avec les élèves grâce au numérique et par la pratique de la musique.
  • Permettre aux élèves de continuer à pratiquer leur instrument.
  • Expérimenter de nouvelles possibilités artistiques en tirant profit de la particularité de la situation de cours à distance.

La première urgence était de trouver une solution pour assurer la continuité des cours à distance en visioconférence. “Dans ce contexte particulier, ce sont les professeurs qui eux-mêmes ont utilisé leur propres matériels pour assurer les cours à distance” explique Marie-Aline Bayon. “Ils ont également fait preuve d’un véritable élan de créativité pour les élèves. En plus des cours en ligne, ils ont créé des jeux, des quizz …”.  Certains professeurs ont créé des challenges pour les élèves.




 

Aussi pour permettre à tous de communiquer et de continuer à travailler, l’utilisation de Padlet a été entendue à toutes les disciplines de l’école de musique. Des cours vidéo ont également été créés et diffusés sur une chaîne YouTube dédiée. Les tout-petits n’ont pas été oubliés avec des sessions live hebdomadaires d’éveil musical réalisée sur la chaîne Youtube de l’école. Enfin, toujours dans l’esprit d’assurer la continuité du fonctionnement de l’école, l’équipe pédagogique a lancé un projet de création de musique en ligne pour chaque discipline. Ainsi avec l’outil Soundtrap, chaque division musicale a pu s’impliquer dans un projet collectif et livrer un projet musical pour la fin d’année scolaire 2020.

 

Vers une reconsidération du numérique dans l’enseignement spécialisé de la musique ?

Les efforts et les moyens mis en place par Maire-ALine Bayon et son équipe ont permis d’assurer la continuité pédagogique jusqu’à la fin d’année scolaire 2020. 95% des élèves ont répondu présents !

“Les outils numériques sont encore mal perçus. Mais dans une situation où nous sommes contraints de rester chez soi, nous sommes rassurés de les avoir” évoque Marie-Aline Bayon. “L’évolution du métier ne passe pas nécessairement par le numérique. Mais la crise fait que nous sommes contraints de nous y intéresser.”

En effet les outils numériques ont été de puissants atouts durant cette crise. Ils ont même suscité un certain enthousiasme aussi bien du côté des professeurs que des élèves. D’une part pour permettre d’entretenir un lien social, et d’autre part pour assurer la continuité des cours dans cette situation d’urgence.

Et c’est là toute la difficulté du sujet : “tout ce qui a été mise en place ne doit pas rester que l’expression d’une organisation en tant de crise. Il va falloir distinguer ce qui est de l’ordre de la continuité pédagogique et ce qui est du e-learning ». En effet la continuité pédagogique est la tentative de transposition du cours présentiel en ligne pour répondre à une urgence. Quant au e-learning il s’agit d’une véritable ingénierie pédagogique (comme la méthode ADDIE : Analyse, Design, Développement, Implantation, Evaluation). “Il ne faudrait pas faire l’amalgame entre ce qui a été mis en place et qui répond à une situation de crise, et ce que pourrait être le e-learning. Le numérique ne doit pas être qu’un substitut en situation de crise” conclut Marie-Aline Bayon.

Il paraît clair qu’il y a un avant et un après Covid-19.

Et c’est justement cet après qui offre la possibilité d’envisager de nouvelles formes d’enseignement de la musique. Les outils numérique ont démontré leur potentiel et ont redonné une valeur très forte au présentiel. Du coup que pourrait-on imaginer pour les pratiques musicales de demain au-delà de la crise sanitaire ? Pour Marie-Aline Bayon, il paraît nécessaire d’évaluer ce qui a été mis en place et de déterminer un nouveau dispositif d’enseignement. Par exemple une méthode avec du distanciel plus efficace pour laisser plus de liberté pédagogique aux enseignants ? 

D’un point de vue strictement pédagogique, la période de crise a permis de mettre en évidence les points de transformation du métier de l’enseignement spécialisé de la musique. Elle a aussi mis en évidence l’hétérogénéité de l’équipement numérique des structures d’enseignement. Marie-Aline Bayon a fait de ce dernier sujet son cheval de bataille et milite activement pour un plan d’équipement pour les structures d’enseignement : “Imaginons si nos structures étaient connectées ? Si nous avions des outils développés pour nous et par nous pour partager, communiquer, collaborer  et créer une dynamique de réseau ?”

Des questions qui commencent à trouver des réponses. Durant le confinement une trentaine de structures d’Auvergne Rhône-Alpes sont entrées en contact avec Marie-Aline et plus de la moitié ont émis le souhait de poursuivre les échanges. Un groupe de travail est en train de se constituer au moment où vous lisez cet article. Après une période de concertation, les participants entreront dans une phase d’expérimentation  sur les 2ème et 3ème trimestre de l’année scolaire. Comme chantait Sam Cooke : a change is gonna come !




Je tiens à remercier Marie-Aline Bayon pour son soutien et pour m’avoir donné accès aux matériels de son établissement.

 

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