E-santé, Santé 2.0, m-santé… Vous avez tous entendu ces termes qui à priori peuvent sembler barbares aux oreilles des néophytes, pourtant ce sont des outils qui dans les temps à venir risquent de prendre une place de plus en plus importante dans notre vie. A travers cet article nous allons essayer de montrer en quoi les nouvelles technologies appliquées à la santé sont nécessaires à notre pays afin de répondre au mieux à la révolution démographique et économique que nous allons affronter dans les prochaines décennies.

Les défis de notre système de santé

Ce n’est pas un secret, nous vivons à l’heure actuelle une révolution démographique sans précédent dans notre histoire. Avec l’arrivée du “Papy Boom”, c’est tout notre modèle de système de santé qui se voit perturbé. En effet, depuis le 1er janvier 2014, la part des 60 ans et plus dans la population française est de 24,8%, ce chiffre pourrait même atteindre 32% en 20501. La population vieillit donc, et cela pose des problèmes de plusieurs ordres parmi lesquels notamment :

  • des problèmes en terme de qualité des soins.
  • des problèmes de santé publique.
  • des problèmes de finance publique.

Nous vivons de plus en plus vieux et ce grâce aux progrès dans les domaines liés à la santé effectués depuis la fin du XIXème siècle. En moyenne, nous gagnons 3 mois d’espérance de vie chaque année. Or cette évolution, qui peut nous sembler positive, présente également un contrecoup nettement moins réjouissant : celui d’un changement progressif de la prévalence des principales causes de morbidité et de mortalité, et notamment en terme de maladies chroniques. A notre époque près de 63 % des décès dans le monde sont imputables à des maladies chroniques2. En France, ce taux monte même à 87% des décès en 20143, ce qui a pour conséquence un taux de 75% des dépenses de santé concentrées sur ces maladies. En résumé, le risque que cette population tombe malade va augmenter. Pour ne rien arranger, le personnel soignant aussi est vieillissant, ce qui va poser un problème pour les remplacer et amplifier par là même la problématique des déserts médicaux.

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Répartition des décès dus aux maladies non transmissibles, la part des maladies chroniques y est prépondérante.

En 2012, les dépenses de santé en France représentaient 11,6% du PIB4. Ces dépenses ont augmenté en moyenne de 2% chaque année durant la dernière décennie. Or, en ces temps de crise et au vue de la volonté de notre gouvernement de faire baisser ses dépenses publiques, il est évident que l’un des secteurs qui devra subir le plus de variations d’ordre financier sera celui de la santé.

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Nous avons pu observer cette tendance au cours des deux derniers mandats présidentiels pendant lesquels se sont succédés plusieurs lois emblématiques qui ont fait débat non seulement au sein de la communauté médicale mais aussi au sein de la population. Tout le monde a ainsi en tête le dispositif « Tiers payant contre générique » qui fait encore débat plus de trois ans après son application aussi bien chez les professionnels de la santé que chez les utilisateurs, illustration d’un système de santé aux abois qui tente par tous les moyens de se réformer afin de faire un maximum d’économie.

L’e-santé, secteur du futur ?

Heureusement pour nous, les nouvelles technologies peuvent nous apporter des solutions aux défis auxquels nous sommes confrontés. D’un côté elles peuvent nous aider à mieux vivre au jour le jour et d’un autre elles peuvent également permettre de répondre aux problématiques des déserts médicaux et des économies sur les dépenses de santé.

Aujourd’hui le marché que nous appelons « e-santé » pèse en France près de 2,7 milliards d’euros. C’est un marché qui, d’après une étude Xerfi-Percepta va croître de 4 à 7% par an jusqu’en 2020, pour attendre la somme de 3,5 à 4 milliards d’euros5. D’après cette étude nous pouvons segmenter le marché de l’e-santé en 3 catégories :

  • Les système d’information de santé, ou SIS, catégorie qui inclut entre autres des logiciels d’hébergement, d’archivage, de traitement de données et de partage de ressources entre hôpitaux, entre professionnels de santé etc.
  • La Télésanté, qui comprend la Télémedecine, mais aussi tout ce qui est portail santé, site santé.
  • La Télémédecine, qui peut être classée à part, inclus la téléassistance médicale, la téléconsultation…

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Marché de l’e-santé en millions d’euros. *hors télémédecine

L’e-santé est donc un marché qui peut sembler important à première vue. Cependant la Commission Européenne à travers deux études traitant de la santé en ligne, précise que la croissance française dans ce domaine est beaucoup trop timide. Selon l’évaluation de la Commission, la France se situe « juste en-dessous de la moyenne européenne » en matière d’e-santé.

Pourtant l’e-santé, à travers les nouvelles technologies, peut permettre de répondre aux trois grands défis de notre système de santé à bout de souffle :

  • le défi de la qualité des soins, grâce notamment à une optimisation du temps médical et à l’organisation de l’offre autour du patient ou de la personne âgée selon une logique de parcours.
  • le défi de la santé publique, grâce au Big Data santé sur lequel pourraient s’appuyer des politiques de prévention efficaces, et grâce à l’émergence des objets connectés santé ainsi que de pratiques de « quantified-self », peut aider à gérer en parti les maladies chroniques.
  • le défi de la gestion des comptes de l’assurance maladie et la nécessité de réaliser des économies substantielles grâce à des gains d’efficiences multiples.

Les politiques se réveillent

La France a tous les atouts pour devenir un acteur important de l’e-santé dans le monde et il semblerait que les politiques français commencent à en prendre conscience, car plusieurs initiatives ont été lancées ces dernières années, comme le plan Télémédecine, le programme Hôpital Numérique ou même le Dossier Médical Personnalisé (DMP). Chacune de ces initiatives ayant connu plus ou moins de succès.

Il est important de voir ce que nos voisins ont mis en place, et de s’inspirer de ce qui marche et de comprendre pourquoi cela a marché chez eux. Le DMP, qui a été un fiasco chez nous, avec seulement 420 000 personnes concernées en 3 ans, est utilisé au Danemark par 92% des médecins et la totalité des pharmaciens. En Espagne, le programme de Télésanté Diraya a permis une économie de 250 millions d’euros de par la diminution des visites chez les médecins généralistes. Le Japon a une approche encore plus radicale, il investit dans le développement de robots pour soutenir les personnes âgées, un projet qui pourrait rapporter plus de 3 milliards d’euros6. Ces mêmes robots pourraient combler le déficit en personnel soignant qui touche déjà le Japon !

Cette volonté politique est perceptible dans la conférence qu’a tenu Madame la Ministre de la Santé Marisol Touraine le 5 octobre dernier et qui traitait de l’innovation en santé. Elle a entre autre annoncé le lancement prochain d’un fonds d’investissement de 100 millions d’euros pour les start-ups innovantes en matière de santé, financé par les Investissements d’avenir, somme qui parait trop faible quand on connaît le nombre de start-up liées à la santé qui chaque année tente de se faire connaître.

8007523832_de52fe25fd« Le numérique s’immisce dans chacun de nos gestes quotidiens et change nos manières de nous déplacer, de consommer, de décider, de nous soigner ». 

photo : Mathieu Delmestre

L’autre annonce marquante est que le Big Data, si longtemps décrié, commence à devenir une option envisageable pour le pouvoir politique afin de résoudre les problèmes évoqués précédemment. La ministre ayant promis au cours de cette conférence de faire avancer les choses. «Dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé, je permets à notre pays de rejoindre enfin le large mouvement de l’open data, assure-t-elle. Les start-ups pourront utiliser les données de l’Assurance maladie, évidemment dans le strict respect de l’anonymat des patients». Si là aussi ces annonces peuvent frustrer certains spécialistes, elles prouvent que les mentalités sont en train de changer.

Ces annonces, même si elles paraissent insuffisantes, marquent un changement réel dans la vision qu’a notre appareil d’état sur notre système de santé. Il paraît clair que la France, à travers son élite politique, semble avoir pris conscience du retard qu’elle a et envisage de prendre le chemin de la modernité pour sauver son modèle de santé et le préparer aux défis futurs auxquels il se verra confronter. 

Avec le vieillissement de la population Française et les problèmes que cela entraine (notamment en matière de dépense de santé) l’e-santé apparaît comme l’outil nécessaire pour répondre aux problématiques santé auxquelles notre pays doit faire face. Fort heureusement, le pouvoir politique semble en avoir pris conscience, et de plus en plus de signes positifs sont lancés vers ce secteur. De par notre puissance industrielle en matière de santé, la France apparaît également comme étant en bonne position pour répondre à ce nouveau marché et semble prête à répondre aux défis qui se présentent face à elle au cours du XXIe siècle.

  1. http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id
  2. http://www.leem.org/article/quel-sera-poids-des-maladies-chroniques
  3. http://www.who.int/nmh/countries/fra_fr.pdf
  4. http://www.oecd.org/fr/els/systemes-sante/Note-Information-FRANCE-2014.pdf
  5. http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2014/11/06/97002-20141106FILWWW00378-l-e-sante-en-france-un-secteur-en-croissance.php
  6. http://esante.gouv.fr/le-mag-numero-12/japon-une-strategie-nationale-de-e-sante-fondee-sur-la-robotique