Digitally Native Vertical Brands (DNVB), les surdouées des stratégies narratives 2.0

Je vous parlais dans un précédent article du pouvoir du storytelling et souhaitais, aujourd’hui, faire un pont avec les DNVB, qui ont adopté cette stratégie d’une main de maître et en ont fait un réel cheval de bataille pour se différencier sur des marchés ultra-concurrentiels et en pleine mutation.

Les DNVB, porte-étendard d’un changement de paradigme du consumérisme

Les récits se multiplient. Chacun adopte son style, compose entre fond convaincant et forme efficace, en bref, essaie d’apporter de la cohérence et surtout : du sens. Ce dernier point est révélateur d’une nouvelle génération de consommateurs, en quête de sens, qui s’engage, qui revendique, qui se complexifie. « Consommer est devenu un acte militant ». Militantisme qui touche directement les grandes marques, perdant doucement leur hégémonie sur le marché et leur puissance dans l’imaginaire des Français. Elles ne portent plus de « valeur statutaire » et ne représentent plus un marqueur social, les produits dits premium étant dorénavant accessibles à une large majorité de consommateurs. La consommation de masse a laissé place à une consommation plus juste, consciente. Les Français sont aujourd’hui à la recherche d’une « valeur identitaire », qui est largement portée par les DNVB.

« Les DNVB portent toutes en elles une vision sur le monde ou un engagement sociétal fort avant même de mettre en avant leurs produits » – Valérie Piotte, Directrice Générale agence Cosmic

Elles sont généralement décomplexées, prennent des risques, usent et abusent d’humour, tout en étant des moteurs de changement et des allégories de valeurs aujourd’hui largement plébiscitées telles que l’éco-responsabilité. Elles racontent des histoires auxquelles on s’identifie, qui nous confortent, nous animent, stimulent notre affect.

logos DNVB

Ces DNVB, qui sont d’authentiques enfants d’internet, créées par et pour les millennials, repensent les standards du e-commerce, enregistrent des taux de croissance étourdissants et séduisent des consommateurs jeunes et engagés. L’expérience client est au cœur de leur stratégie online, avec un niveau d’interaction élevé avec la cible et une communication digitale conçue de manière chirurgicale. Elles entrent ainsi en opposition aux marques clientes du mass market. Ces (ex-) start-ups se concentrent sur des marchés précis, avec une offre qualitative, désintermédiée, dotée d’une forte compétitivité-prix et accompagnée d’un service remarquable. Elles rendent, alors, désuet le modèle de relation client transactionnelle, au profit d’un lien davantage émotionnel. Les consommateurs, face à ces marques engagées, ont la sensation de consommer mieux, plus juste, et d’avoir un effet vertueux sur la société dont ils font partie.

Pour en savoir plus sur le modèle des DNVB, je vous invite à lire le zoom de ma camarade Sophie Lagauche.

« Le maître et ses disciples ou le maître essaie dix slips ? » (Marc Hillman)

Pour raconter des histoires, Le Slip Français est un excellent cas d’école. La marque ne cesse de conter, sur son site e-commerce d’abord, avec une page dédiée « L’histoire du Slip », mais également via ses deux réseaux sociaux de prédilection : Facebook et Instagram. Son fondateur, Guillaume Gibault, a lui aussi été mis au coeur de la stratégie storytelling de la marque. Lui qui a « biberonné » ses équipes d’épopées contemporaines afin que chaque jour, l’ADN de la maison soit préservé, a finalement créé sa playlist #JVMJP – J’y vais mais j’ai peur, qui prend le format d’une web-série autour de l’entreprenariat, où Guillaume raconte sa propre histoire. Cette web-série est née après un passage au salon des entrepreneurs, où il a été largement sollicité et interrogé sur le secret de cette success story culottée.




Lancée en mars 2018, il y expose son parcours, l’idéal qu’il a poursuivi (produire uniquement en France), les problèmes auxquels il a dû faire face, ses victoires quotidiennes, etc. Avec décontraction, un ton familier et l’humour qu’on connaît au Slip, Guillaume veut encourager et rassurer les entrepreneur-e-s de demain à travers son retour d’expérience, sa vision optimiste et ses bonnes pratiques. Il rompt certains standards traditionnels, parfois décourageants, de la recette de la réussite. Il réaffirme la nécessité de s’entourer d’une équipe qui partage la même ambition et les mêmes valeurs. Il remet en évidence l’importance des émotions investies dans un projet, la peur, comme la passion. Il dédramatise l’échec, lui qui en a expérimenté plusieurs avant le Slip. Son histoire est une invitation à l’épanouissement, professionnel d’abord, à son propre accomplissement, par le dépassement de soi et de nos croyances limitantes.

Le format vidéo leur permet ensuite de diffuser chacun de ces épisodes avec instantanéité, sur tous les canaux, de manière engageante, ludique et visuelle. Avec presque quarante mille followers sur son compte Instagram personnel, Guillaume est ainsi devenu une figure emblématique de ces DNVB, tout en étant rendu très accessible, bienveillant et fun auprès de la cible. Un lien d’attachement fort est noué et entretenu avec l’ensemble de la communauté. On quitte la publicité, non sans message mais généralement froide et orientée produit, pour davantage de connexion, d’échange et de proximité, en direct.

Les marques historiques challengées

Ces marques incarnées, travaillant sur un modèle direct-to-consumer, inspirent davantage confiance et sont gage de qualité. Egéries de la nouvelle tendance slowslow fashion, slow food, slow education,… c’est parce qu’elles apportent du sens, qu’elles sont plus authentiques et transparentes, qu’elles mettent aujourd’hui les grandes marques historiques en difficulté. Ces dernières ont, pour la plupart, pris du retard dans ce tournant pour des raisons structurelles, par prétention ou par manque de réactivité. Alors que certaines tentent de rattraper ce retard par le rachat de ces DNVB – dans le secteur de la cosmétique, le géant l’Oréal a, par exemple, racheté l’enseigne Nyx – d’autres ont opté pour une transformation profonde dans leurs engagements et leur discours, afin de rompre le décalage installé avec les attentes des « consomm-acteurs » et de créer une réelle relation de proximité avec eux.

Leur maîtrise totale des nouveaux moyens de communication et des outils digitaux, du content marketing et du marketing émotionnel, fait des DNVB des symboles de perspicacité, d’agilité et d’authenticité. Ces marques traditionnelles, parfois nettement moins à l’aise avec le marketing digital et qui ont, pour certaines, encore du mal à s’engager sur des enjeux qui préoccupent les consommateurs, doivent redoubler d’efforts pour ne pas se faire oublier.

Sources :

https://www.lesechos.fr/2013/06/les-consommateurs-en-quete-de-sens-324163

http://www.strategies.fr/blogs-opinions/idees-tribunes/4018480W/les-marques-en-quete-de-sens.html

https://www.leslipfrancais.fr/

https://www.francetvinfo.fr/culture/mode/les-digitally-native-vertical-brand-ces-jeunes-marques-nees-sur-internet-qui-seduisent-les-investisseurs_3437005.html

https://www.france-dnvb.com/

https://medium.com/@vivianelipskier/quest-ce-que-c-est-les-digitally-native-vertical-brands-dnvb-et-pourquoi-elles-sont-le-futur-du-87b755cdd707

https://www.e-marketing.fr/Thematique/retail-1095/Breves/Pourquoi-faut-inspirer-Digital-native-Vertical-Brands-333286.htm#ObXx3WDmbxmirCIb.97