Le développement des nouvelles technologies et la digitalisation des pratiques ont modifié notre mode de vie en entreprise. Synonyme de progrès pour certains, cette “hyper-connexion” favorisée par les outils numériques aurait des effets pervers pour d’autres. À l’heure où les entreprises commencent à inclure le bien-être au travail dans leurs politiques RH, l’impact du Digital sur les conditions de travail est désormais au coeur des débats.

1. Les salariés au coeur de la transformation digitale

barometre-edenred-bien_etre-salariesLe Baromètre Edenred-Ipsos 2016 “Comprendre et améliorer le bien-être au travail” révèle que la culture digitale et la gestion des « fins de carrière » sont deux leviers fondamentaux pour améliorer le bien-être au travail. Avec l’arrivée des “Digital Natives” sur le marché du travail et la digitalisation des pratiques, les salariés seniors sont sensibles à une politique RH leur permettant d’acquérir ces nouvelles compétences afin de rester compétitifs. L’enjeu pour les RH est triple : appréhender les peurs et la résistance au changement, proposer des formations adaptées au personnel qui s’inquiète de son devenir en entreprise, et s’adapter aux exigences des millennials habitués aux dernières tendances digitales.

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En effet, la transition numérique n’est pas sans conséquence sur l’évolution des métiers. D’après l’étude du cabinet américain Wagepoint de 2015, 60% des métiers qui seront exercés en 2030 n’existent pas encore. Le cabinet de conseil Roland Berger indique que 42% des emplois, soit 3 millions, seraient à contrario menacés à horizon 2035 en France. Mais si on considère les choses de manière positive, il ne s’agit là que d’une évolution à laquelle il faut se préparer. Cette transition vers des nouveaux métiers est génératrice d’opportunités. Elle constitue un levier de croissance, de productivité, et de sécurisation pour les entreprises. Pour les salariés, au-delà du critère “employabilité”, les innovations dans ce domaine permettent également d’améliorer directement leur bien-être au travail.

2. Les innovations digitales au service du bien-être des employés

2.1. Les objets connectés pour un espace de travail ergonomique

 

espace-de-travail-connectéSelon le cabinet d’études IDC, le nombre d’objets connectés dans le monde dépassera les 28 milliards à horizon 2020 (L’express : Cinq graphiques pour mesurer le boom des objets connectés). Bien que l’Internet des objets, ou IoT, concerne de nombreux secteurs, les innovations dédiées au bien-être au travail semblent tarder. Un stylo capable de transférer vos notes papiers vers votre ordinateur ; un fauteuil capable d’adapter le dossier en fonction de la pression subie par votre dos ; une cafétéria connectée capable de vous proposer un menu adapté à vos besoins ; un robot pour effectuer les tâches difficiles… La technologie ouvre pourtant d’infinies possibilités en matière d’ergonomie et de services rendus aux salariés.

 

2.2. Les outils d’aide à la productivité

 

“Any time, anywhere, any devices” ! Le concept “ATAWAD” traduit une volonté croissante de pouvoir se connecter à tout moment, quelque soit le lieu, via n’importe quel support. Il offre aux salariés une liberté de mouvement inédite et de nouvelles opportunités de collaboration. Le flux d’informations circule en continu. Une quête de réactivité et de productivité en réponse à un marché de plus en plus compétitif.

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La productivité est un thème récurrent de multiples applications mobiles ou web, orientées bureautique. ces outils automatisent ainsi un certain nombre de processus, générant des gains de productivité. Les logiciels de gestion de projets, par exemple, sont de plus en plus ludiques et graphiques, et intègrent des fonctionnalités évoluées améliorant la gestion des tâches, l’aspect collaboratif, et la mesure de la performance. Le domaine du CRM est également un cas d’école. Les données CRM peuvent désormais être associées à d’autres données externes telles que des flux dédiés à la veille, à la productivité, les messageries instantanées, les réseaux sociaux, entre autres.

“D’une vision 360° du client, nous devrions peut-être désormais parler d’un tableau de bord 360° du client avec sa segmentation, son potentiel et de nombreux autres indicateurs…” blog.businessdecision.com

 

 

2.3. Le digital pour favoriser la communication et le travail collaboratif

 

collaboratif-innovation-communicationAuparavant, l’efficacité d’une entreprise se mesurait à son organisation, sans forcément regarder de près l’aspect collaboratif. Ce temps est désormais révolu. Pour répondre à la transition numérique, il est essentiel de faire preuve de créativité et d’innovation. Or, pour qu’il y ait innovation, il faut de la collaboration et de la flexibilité. De nombreuses sociétés travaillent désormais en mode « Agile » afin de mobiliser toutes les parties prenantes à toutes les étapes d’un projet. Les entreprises doivent cependant s’équiper d’outils performants afin de répondre à ce besoin d’agilité. Les outils de gestion et d’échanges de documents tels que les GED, les intranet ou les réseaux sociaux d’entreprises semblent laisser place aux nouvelles plateformes de travail collaboratif : les « Digital WorkPlace ». Google Suite et Office 365, les deux poids-lourds de la bureautique en mode SaaS, proposent de nombreuses fonctionnalités faciles d’accès, dans une seule et même plateforme. Avec l’essor de l’UX, ces plateformes « nouvelle génération » ont su intégrer l’expérience utilisateur dès la conception. Fini les interfaces surchargées, difficiles à appréhender, et illisibles…

 

2.4. Le digital au service de la formation continue

 

elearning_moocLes employés sont de plus en plus volatiles. Effectuer une carrière de 10 ans au sein de la même entreprise semble appartenir au passé. Pour les nouvelles générations, notamment le millennials, tout doit aller vite. Les jeunes salariés ont peur de s’ennuyer. Ils ont besoin de ressentir du dynamisme, de se sentir impliqués dans la vie de l’entreprise, et d’avoir des perspectives d’évolution. Les entreprises doivent s’adapter et proposer des formations. Avec l’essor du E-learning (parcours de formation destiné à un public cible) et le développement des MOOC’s (parcours de formation ouvert à tous), les entreprises ont la possibilité de mettre en place des programmes de formation en interne à un coût modéré.

Au-delà de la flexibilité en terme d’horaires et de lieux dont peuvent bénéficier les collaborateurs, le E-learning a permis d’introduire des techniques d’apprentissage innovantes par le jeu (serious game, learning game…), se traduisant par un fort taux d’engagement.

 

2.5. Le Big Data au service de la performance et de la qualité de vie au travail

 

La data peut devenir un outil de management RH efficace, du recrutement au management. Elle permettrait de réduire le risque de recrutements ratés de plus de 20% en moyenne. Une équipe pluridisciplinaire de par son parcours, sa personnalité, sa culture, et son genre serait davantage productive.

Certaines sociétés proposent d’analyser les performances des salariés au cours de la journée pour adapter les stratégies de management en fonction de leurs périodes de productivité. Mais attention aux dérives !

 

3. Les dérives liées à l’essor du Digital au travail

 

Malgré de belles innovations et perspectives pour améliorer notre quotidien au travail, les dérives liées à l’essor du Digital ajoutées au manque d’encadrement législatif, ne sont pas sans risque. En 2012, un rapport de France Stratégie avait déjà identifié cinq principaux risques :

 

3.1. Le “blurring”, ou l’effacement progressif de la frontière entre vie privée et vie professionnelle

 

blurringSelon le Baromètre Edenred-Ipsos « Bien-être et motivation des salariés » de 2015, le salarié d’aujourd’hui est « souvent sollicité par son travail en dehors de ses horaires professionnels, mais aussi amené à régler des problèmes privés au bureau ». La frontière entre la vie privée et la vie professionnelle est donc de plus en plus fine. Cette étude révèle que 55% des entreprises en France équipent leurs salariés de smartphones, et 71% des salariés utilisent leurs propres appareils à des fins professionnelles. 64% des salariés se disent satisfaits de l’équilibre vie professionnelle / vie privée. Pourtant, 51% considèrent que leur entreprise doit faire plus d’efforts en matière d’organisation du travail.

 

3.2. L’intensification et l’accélération du travail

 

atawadLes outils digitaux toujours plus performants ont rendu possible la connexion permanente et l’augmentation de la productivité. Mais cette quête semble sans fin. Le salarié actuel a besoin de réactivité, mais cultive en contrepartie un sentiment d’urgence et d’impatience. Ce besoin d’immédiateté, voire d’ubiquité, est favorisé par Internet et le trio Desktop / Tablette / Mobile permettant de communiquer partout et à tout moment. La Data vient renforcer ce phénomène. Adapter les journées de travail d’un salarié en fonction des données récoltées sur sa productivité n’est-il pas trop extrême ? Attention de ne pas passer d’une recherche d’optimisation, à une course sans fin à la performance.

 

3.3. L’overdose d’information, ou infobésité

 

“Selon des enquêtes menées auprès de managers, près des trois quarts souffrent de sur-information et du sentiment d’être pris dans une urgence généralisée et presque tous pensent que cette situation ne peut qu’empirer.” Caroline Sauvajol-Rialland, Infobésité, gros risques et vrais remèdes, L’Expansion Management Review.

droit-a-la-deconnexionOn peut donc aisément comprendre que cette surcharge informationnelle puisse provoquer un sentiment de stress lié à la sensation de travail inachevé, et conduise de fait au burn-out. Voilà pourquoi le droit à la déconnexion a fait son entrée dans le code du travail. Mesure emblématique de la loi controversée du 8 août 2016, dite “Loi Travail”. Les entreprises auront le devoir de mettre en place des instruments de régulation de l’outil numérique. Ces mesures viseront à assurer le respect des temps de repos et de congés, ainsi que l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale.

 

3.4. L’affaiblissement des relations interpersonnelles

 

Cette ultra-connexion peut également conduire, paradoxalement, à un repli sur soi. Dépersonnalisation des relations, opacité des échanges, jeux de pouvoirs et d’exclusion dans les « cc » et les « cci » …

 

3.5. Un contrôle renforcé qui réduit l’autonomie des collaborateurs

 

protection-des-donneesUn employeur peut collecter des données en interne (la productivité via l’utilisation des outils…), et en externe (les réseaux sociaux et Google). Où sont les limites, et quelles sont les conséquences pour les salariés ? La CNIL et les défenseurs de la liberté numérique s’en inquiètent. Comment gérer l’utilisation de ces données amassées par les employeurs ? Cette nouvelle ère de la Data soulève de nombreuses interrogations à propos des libertés individuelles. Les législateurs ont fait un premier pas avec le GDPR, règlement européen sur la protection des données, applicable en mai 2018 prochain.

Mais la route sera longue pour comprendre réellement l’impact de la Data à tous les niveaux de notre société, et légiférer en profondeur sur les libertés individuelles de chacun. Si nous voulons éviter que l’ultra-connexion au travail se transforme en ultra-surveillance, les datas collectées en entreprise devront être intégrées dans le code du travail.

 

Conclusion :

 

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont un réel potentiel pour améliorer notre quotidien au travail. Il est cependant difficile d’en mesurer les effets. Cependant, il convient de rappeler que la technologie doit être au service de l’humain, et non asservir celui-ci dans une quête infinie de performance. En l’absence de législation suffisante pour cause de transformation digitale soudaine et mal maîtrisée, chacun doit prendre ses responsabilités et agir de manière éthique dans la mesure du possible. Reste à espérer que les pouvoirs public sauront accompagner cette transition numérique dans les 10 prochaines années, d’un point de vue législatif, afin que les dérives ne puissent s’installer.

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