Dans notre pays, les affaires sont très liées à la qualité des réseaux professionnels.  70% du chiffre d’affaires des indépendants y serait directement lié , 30 % dans le cas des TPE. Les chefs d’entreprise qui veulent partager avec leurs pairs se retrouvent au CJD (Centre du jeune dirigeant), à l’APM (Association pour le management), à Croissance+ (Association des entreprises en croissance rapide), Sandbox (réseau d’élites internationales très fermé), PLATO (TPE) ou encore au sein d’une multitude de groupes professionnels locaux qui se retrouvent régulièrement.

Ces réseaux ont tous la particularité de fonctionner par cooptation, ce qui permet aux adhérents de s’assurer du partage des valeurs du réseau mais surtout de s’assurer qu’ils sont rejoints et reconnus par des pairs dans un espace de sociabilité qu’il connait. Ce besoin de se regrouper pour partager ou participer à une œuvre collective n’est pas récent. Dès le XVIIème siècle les francs-maçons ont étendu les loges corporatistes initiales (maçons) à des groupes de bourgeois gentilshommes rejoints assez rapidement par des commerçants, artisans ou citadins de condition modeste dont l’objectif était la bienfaisance et l’entraide mutuelle.

Leur fonctionnement de société amicale est essentiellement basé sur des rencontres physiques et la transposition digitale n’est pas évidente. Néanmoins, les profonds changements provoqués par le développement du numérique font apparaitre des opportunités pour prolonger ces partages sur le web. Ceci peut d’autant intéresser ces organisations car elles se sont toutes développées telle une toile sur différentes régions. Comme le World Wide Web, elles sont présentes sur un périmètre géographique étendu et souhaitent offrir à leurs participants la richesse d’un réseau national ou international. Le digital offre les outils mais dans la réalité, on voit bien que le e-réseau n’est pas le prolongement du réseau traditionnel. Pourquoi ?

 

Réseaux d’affaires physiques vs réseaux sociaux professionnels

Les réseaux professionnels apparus sur internet depuis une dizaine d’années comme Linkedin (2002) ou Viadéo (2004) se sont bien développés. Linkedin a dépassé les 7 millions d’utilisateurs en France pour 187 millions dans le monde et Viadéo a 9 millions d’utilisateurs en France pour 55 millions dans le monde. 63% des internautes inscrits à un ou plusieurs réseaux se connectent tous les jours ou presque, cette pratique étant facilitée par le développement des smartphones.

 

Ouverture des réseaux sociaux

A la différence des réseaux traditionnels, ces réseaux sociaux sont ouverts à tous. Cela génère un écart entre le volume des participants actifs et les inscrits, chose qui est limitée dans les réseaux physiques car quelqu’un qui ne participe pas sera exclu.
Cette ouverture à tous veut également dire que l’on peut être contacté, voir importuné par n’importe qui, même si certaines fonctionnalités limitent cette ingérence dans votre réseau. La reconnaissance entre pairs recherchée dans un réseau traditionnel est donc mise à mal.

Refuser une mise en contact peut vous faire passer pour une personne distante ou associable et comme en général, on s’inscrit sur des réseaux sociaux pour améliorer sa visibilité et son branding, la décision est délicate. Elle a pour conséquence qu’on obtient un réseau mélangé aux caractéristiques diverses sans valeur commune partagée si ce n’est du contact pour du contact.
Cette situation existe moins dans les réseaux physiques grâce à la cooptation. Google l’a bien compris en créant ses cercles dans son réseau social Google+.

 

Echanges en face à face et relationnel

Le réseau traditionnel s’appuie sur des échanges physiques. Ces réunions renforcent la proximité entre les membres du réseau et rend plus facile leur entraide mutuelle. Néanmoins, on se rend compte que les réunions éloignées ou à certains horaires ont du mal à recruter des participants. Les jeunes générations sont moins tentées par les diners-business ou autres animations conviviales. Ils sont nés avec le web et … les 35 heures. Ils veulent être libres de leur emploi du temps. Ils aiment séparer vie privée et vie professionnelle et garder leur temps libre pour voir leurs amis choisis. Les réseaux sociaux ou communautés sur Internet sont donc un moyen pour ces professionnels de rechercher et partager avec des personnes sans avoir de contraintes de déplacement physique. Par ailleurs, la génération Y est habituée à partager des idées et à intervenir sur un sujet sur Internet, elle a donc beaucoup moins de freins que ses ainés. Elle attend également beaucoup plus de ces communautés professionnelles, elle leur demande de l’efficacité et de la puissance de contact. Et cette génération n’a aucun état d’âme pour « supprimer » un ami qui n’a pas d’intérêt.

 

Indépendance des réseaux

Les réseaux traditionnels sont très attachés à leur indépendance. Ils créent donc leur propre plateforme sécurisée par un mot de passe et un login. De plus, ils imposent à leurs adhérents une architecture qui est souvent dirigée par les besoins de l’organisation plus que par ceux des participants. Par exemple, ils vont focaliser sur la diffusion de contenus du réseau au détriment d’un développement des fonctionnalités de recherche et de dialogue des participants.

Cette nécessité de se connecter à la plateforme dédiée pour accéder à son réseau virtuel est un frein majeur à son développement. Rappelons-nous que selon Médiamétrie en 2013, 40% des CSP + est inscrits sur au moins 4 réseaux sociaux. Les accès les plus simples et les plus facilités sont donc gagnants.

 

Caractère « d’écrit indélébile » d’internet

Enfin, la dernière différence que je relèverais ici est le caractère volatile des conversations en face à face à la différence des échanges écrits sur internet.  Même si les professionnels ont envie d’être visibles et de se valoriser sur ces réseaux, ils ont une grande défiance sur la protection des données personnelles. C’est le paradoxe qui existe entre la volonté d’amplifier son réseau grâce au digital et la limite de pouvoir tout contrôler. Il y a ainsi une vraie différence entre le réseau traditionnel que l’on peut associer à une communauté et les réseaux sociaux. Il y a rarement de vrais dialogues ou des échanges profonds sur les médias sociaux, les messages ne sont ni vraiment publics ni vraiment privés. Ainsi, pour contrer le caractère d’écrit indélébile des échanges sur les réseaux, l’internaute ne s’engage pas sur le fond qui reste volatile et superficiel. Il se détourne ensuite du réseau digital en lui reprochant d’être ce qu’il co-produit lui-même.

 

Ceci pose la question des conditions permettant l’engagement des professionnels sur des plateformes de partage. Dans un monde économique de plus en plus global et complexe, les professionnels ont plus que jamais besoin de partager pour évoluer. La puissance du digital est là pour les accompagner même si les résultats actuels sont encore décevants.

Je pense que l’avenir des réseaux sociaux professionnels passera par la transformation du réseau en une vraie communauté 2.0 et non uniquement par la mise en place d’outils digitaux de réseautage aussi performants soient-il. Le développement des communautés sur Linkedin,Facebook ou Google+ en complément des échanges de profils montre que le besoin d’échanger entre pairs existe bien.

Qu’en pensez-vous ? Faites-vous partie de réseaux dans la vraie vie ? Que pensez-vous des outils de partage mis à votre disposition par ces réseaux ? Les utilisez-vous ?

Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à laisser un commentaire, c’est mon sujet de thèse.