Bien que la pratique régulière des jeux vidéo soit de plus en plus acceptée, elle est souvent accusée à tort d’être la source de problèmes comportementaux ou d’addiction, et d’être qu’un support de pur divertissement. Ainsi, les jeux vidéo continuent de véhiculer une image assez négative au sein de notre société…Pourtant, des études universitaires ont bien démontré que l’utilisation des jeux vidéo à bon escient pouvait avoir des effets positifs.

En effet, ceux-ci permettraient par exemple d’améliorer l’acuité visuelle (jeux d’action comme Call of Duty), l’intelligence (jeux de stratégie comme Starcraft), de soulager les sensations de douleurs, et surtout d’offrir des avantages cognitifs indéniables. Plus précisément, une étude menée par Simone Kuhn (professeure associée en psychologie au sein de la société Max-Planck pour le développement des sciences en Allemagne) prouve bien le fait que cette pratique permet d’augmenter le nombre de cellules grises dans l’hippocampe droit qui représente le « le cortex préfrontal droit et le cervelet – les zones du cerveau responsables de la navigation spatiale, de la mémoire, de l’organisation et de la motricité des mains (région clé pour l’apprentissage) ».

Selon la théorie de la courbe d’apprentissage du professeur Edgar Dale (spécialisé en éducation), la simulation et le jeu permettent à l’apprenant de retenir 90% du contenu, contre 50 % en écoute / vision, et seulement 10% à travers la lecture.

Par ailleurs, l’entrepreneur Steve Keil affirme que jouer nous permet de faire grandir notre maturité émotionnelle, d’améliorer notre aptitude à prendre des décisions, et ainsi « de développer notre intelligence et notre créativité».

Avec de telles données, le marché des Serious Games (jeu sérieux) était destiné à se développer.

DÉFINITION

D’après Damien Djaouti (enseignant-chercheur en informatique spécialisé sur la question des Serious Games) et Julian Alvarez (chercheur au Play research lab, laboratoire R&D de la CCI Grand Hainaut et enseignant à l’université Lille), auteurs du livre « Introduction au Serious Games », le Serious Game est caractérisé par deux points principaux qui sont :

Le fait qu’il combine jeux vidéo et une ou plusieurs fonctions utilitaires : diffuser un message, dispenser un entraînement, favoriser l’échange de données.

Il vise un marché autre que celui du seul divertissement : la défense, la formation,
L’éducation, le commerce, la communication ou la santé.

Ainsi, ils se définissent comme une « application informatique, dont l’intention initiale est de combiner, avec cohérence, à la fois des aspects utilitaires (Serious) tels de manière non exhaustive et non exclusive, l’enseignement, l’apprentissage, la communication, ou encore l’information, avec des ressorts ludiques issus du jeu vidéo (Game).

CHIFFRES

Un marché qui existe réellement depuis le début des années 2000, avec l’arrivée sur le marché du premier titre significatif America’s Army en 2002, le marché du serious games connaît un succès croissant.

En effet, le marché mondial était estimé à 2.6 milliards d’euros en 2016, et devrait continuer sur cette croissance dans les années à venir avec des perspectives qui peuvent varier selon certaines études. Plus précisément, Market&Market fait une estimation de 5.2 milliards d’euros d’ici à 2020 (croissance de 16% par an), tandis que le cabinet Meetari estime quant à lui un marché à 6.9 milliards d’euros (avec une croissance de 22% par an).

Concernant le marché français, celui-ci a également connu une expansion rapide en affichant un chiffre d’affaires de 70 millions d’euros en 2014 (10 millions de CA en 2009), et devrait arriver à atteindre et même dépasser la barre des 150 millions d’ici la fin de l’année 2018.

Voici une liste de quelques serious games à tester :

1) Fency Drone (disponible sur l’App store et Google play)

Le serious game est né à travers l’initiative de quatre salariés d’Orange, car l’un d’entre eux était préoccupé par le fait que son plus jeune fils, âgé de 11 ans, puisse tomber dans l’un des multiples pièges sur la toile (arnaque, chantage…). Fency Drone est un serious game visant notamment les adolescents (sans se limiter à ce public) qui se présente sous la forme d’une application pour smartphones et tablettes. Son but est de permettre aux joueurs d’acquérir rapidement quelques réflexes pour éviter de tomber dans des pièges tendus sur internet. En termes de gameplay, “le joueur est confronté à des vagues de drones, dont certains sont envoyés par des personnes mal intentionnées, tandis que les autres sont inoffensifs, voire bénéfiques”. Concrètement, il incombe au joueur de faire le tri entre les drones qu’il faut laisser passer et ceux qu’il faut détruire.




2) Clim City (disponible ici)

Ce serious games a été développé par Cap Sciences à Bordeaux, en s’inspirant du fameux jeu de gestion “Sim City”, pour faire de la sensibilisation sur les gaz à effet de serre (GES). Le gameplay propose aux joueurs d’être à la tête d’une ville déjà construite avec des activités émettrices de GES. L’objectif est donc d’élaborer un plan climat en prenant compte les efforts que les différents acteurs de la société peuvent fournir), en mettant en place des stratégies et moyens sur un délai de 50 ans (2008-2058) afin de baisser le taux de GES, et développer l’utilisation des énergies renouvelables pour la ville plus verte. Pour sensibiliser au maximum, le gameplay propose une aventure assez difficile puisque le joueur ne pourra réaliser qu’un nombre restreint d’actions (par année), celui-ci devra donc faire des choix et vite se rendre compte que la tâche ne va pas être facile à réaliser.




3) Le Bon, la Brute et le Comptable (disponible ici)

Ce serious games a été créé par l’agence Journalism ++, pour démontrer à quel point la corruption dans son ensemble est présente dans le quotidien de nos élus politiques. Selon Nicolas Kayser-Bril (une des trois personnes à avoir travaillé sur le projet), « Politiques et administratifs cherchent toujours à minimiser les affaires de corruption pour en faire des cas isolés ». Ici, le joueur incarne une directrice de cabinet d’une élue d’une municipalité française et dont le rôle principal est de régler les problèmes quotidiens de gestion d’une ville (ex. : satisfaire des acteurs qui ont des intérêts opposés). Le joueur est rapidement amené à faire des choix difficiles, à essayer de comprendre pour chaque situation s’il est question de corruption ou seulement d’échange de bons procédés.

BBC

4) ISIS the end (disponible ici)

Alors que le sujet de la radicalisation reste toujours d’actualité, des étudiants de l’Université de Lyon ont décidé en 2016 de créer le serious games ISIS the end, où le gameplay se présente comme une expérience narrative. En effet, le joueur est invité à incarner un agent de l’UNIR (organisation gouvernementale fictive luttant contre la radicalisation), et devra alors mener une enquête sur la vie de 4 personnages illustrant chacun un cas différent de radicalisation. Plus précisément, il sera amené à les écouter et à les interroger en choisissant parmi plusieurs questions possibles, ainsi que leurs proches, en recherchant des indices dans leurs vies privées (ex. : publications sur les réseaux sociaux). L’objectif est donc de trouver la meilleure méthode pour comprendre leur cheminement de pensées, et toutes les épreuves qui les ont amenés à cette situation, pour avoir une chance de les aider à ne pas franchir le pas.




5) DATAK (disponible ici)

Le thème de la protection des données personnelles reste également un thème d’actualité, surtout parmi les adolescents qui ne se rendent pas forcément compte des conséquences de leurs actions sur Internet. Ainsi, dans le but de renforcer cette conscience et réalité, les studios DNA en collaboration avec la RTS (Radio Télévision Suisse) ont réalisé le jeu Datak où l’utilisateur rentre dans la peau d’un stagiaire au sein de la mairie de Dataville, dont le rôle est la gestion des réseaux sociaux et de régler des problèmes du quotidien. Au fil de l’aventure, l’utilisateur sera exposé vers différents points sensibles du Big Data dans le but de mieux comprendre les enjeux.

http://https://www.youtube.com/watch?v=GxWT4VPZFQ8

6) SMOKITTEN (disponible à partir de septembre 2018 sur l’App store et Google Play)

En étant la première cause de mortalité évitable (environ 66 000 décès chaque année) , le tabac demeure un sujet extrêmement sensible et représente encore un vrai problème de santé publique. Néanmoins, parmi la population française de fumeur (environ 15 millions), la moitié déclare avoir cette volonté d’arrêter de fumer.

En sachant que ce processus d’arrêt reste très compliqué sans soutien, outils, ou autres accompagnements, le serious games Smokitten a donc été créé par le studio indépendant de création de Serious Games Dowino, le centre Hygée (centre de prévention de cancer) et le CIPRET Valais (association spécialisée dans la prévention des addictions) pour aider les joueurs à lutter contre envie de fumer. Pour cela, ils devront s’occuper d’un petit compagnon virtuel (un chaton fumeur qui veut lui aussi arrêter son addiction), et l’aider à se divertir à travers plusieurs activités simples et relaxantes (course à pied, du yoga, pêche…) durant leurs pauses cigarette par exemple, pour collecter de l’argent virtuel afin de personnaliser l’île sur lequel se trouve le chaton. Chaque joueur pourra suivre sa progression, et partager avec toute une communauté leur doute et succès (des proches pourront par exemple envoyer des messages personnalisés aux joueurs afin de les encourager).




7) Summertime : l’été de choix (disponible sur l’App store et Google Play)

En cette période estivale, le Crips Ile-de-France et Gamabilis (startup qui développe des jeux vidéo à impact positif) ont lancé un serious games à destination des jeunes de 16 à 25 ans.

L’objectif est de faire de la prévention en santé sexuelle et de développer des compétences personnelles et sociales telles que la prise de décision, et faire de la promotion auprès de cette cible, les comportements les rendant acteurs de leur santé. Ici, le joueur incarne soit une jeune femme ou un jeune homme (entre 15 à 17 ans) qui participe à plusieurs activités avec des amis. Le but étant de faire les bons choix pour arriver à une des fins positives de l’histoire. Si celui-ci échoue, le personnage se retrouve avec un an de plus pour tenter de revivre un été mémorable.




CONCLUSION

Malgré cette passion moderne assez controversée, nous pouvons constater que les jeux vidéo peuvent être utilisés en dehors du cadre du pur divertissement. En effet, les effets positifs (surtout au niveau cognitif) qui leur sont attribués ont permis de voir l’avènement de ce nouvel outil, le Serious Game, qui permet ainsi de donner une dimension beaucoup plus innovante en termes d’apprentissage, d’enseignements et d’information.

SOURCES :

Yasmine Kasby (2012), Les Serious Games : Une révolution

Julian Alvarez & Damien Djaouti (2012), Introduction au Serious Games

https://cursus.edu/articles/37077/linfluence-du-jeu-sur-le-cerveau#.W0nF_dIzY2w

https://www.huffingtonpost.fr/2013/11/12/jeux-video-bienfaits-sante_n_4264120.html

http://www.jeuxvideo.com/news/888855/jeu-video-et-trouble-mental-une-position-qui-divise.htm

http://www.serious-game.fr/fency-drone-un-serious-game-pour-dejouer-les-pieges-dinternet/

https://cursus.edu/formations/11657/climcity-jeu-gratuit-de-sensibilisation-aux-gaz-a-effet-de-serre#.W1ra0Ngzab8

https://www.lemonde.fr/big-browser/article/2017/03/06/un-serious-game-pour-saisir-a-quel-point-la-corruption-est-banale_5090135_4832693.html

http://www.serious-game.fr/isis-the-end-comprendre-le-processus-de-radicalisation/

http://blog.seriousgame.be/datak-un-serious-game-sur-la-protection-des-donnees

https://www.smokitten.com/fr/smokitten-le-jeu/

http://www.lecrips-idf.net/crips-idf/actualite-crips-idf/2018-06-21,nouveau-jeu-video-summer-time.htm