Dans le cadre de ma thèse portant sur le Marketing Mobile et son apport en terme d’expérience dans le parcours consommateur, j’ai eu le grand plaisir d’échanger avec Florent Mariotti – Directeur CRM et Connaissance Client chez Altarea Cogedim
Altarea Cogedim est une société foncière française créée en 1994, spécialisée dans la construction, l’extension et le développement de centres commerciaux et la promotion immobilière.
Bonjour Florent et merci pour votre temps.
Tout d’abord, je suis assez surprise qu’une fonction de CRM existe chez un promoteur de centres commerciaux.
La fonction de CRM chez les promoteurs immobiliers est assez nouvelle. Cela fait environ une dizaine d’année que les promoteurs immobiliers, notamment dans les centres commerciaux, s’intéressent de près aux clients finaux, et ont eu la nécessité d’avoir des ressources dédiées pour s’intéresser à ces sujets.
Le constat qui a été fait il y a quelques années, est que les centres commerciaux, auparavant, devaient être bien placés, avoir une bonne architecture et les bonnes enseignes. Et puis finalement, le format du centre commercial a vieilli, l’avènement du e-commerce est passé par là, et il nous est apparu de plus en plus nécessaire de pouvoir travailler de notre côté à créer un trafic de plus en plus qualifié et beaucoup plus ciblé, pour faire venir les bonnes personnes dans les centres commerciaux et de faire en sorte que les enseignes puissent faire leur travail.
Maintenant, les promoteurs immobilier sont obligés d’être commerçants également, et de faire en sorte qu’au delà d’avoir créé un beau centre commercial et de gérer de la location immobilière par leur activité première , ils doivent également s’assurer du flux clients au sein de ces centres.
Considérez-vous le centre commercial comme une marque à part entière, permettant de créer un lien avec les visiteurs ?
Ca dépend vraiment du centre commercial, mais la réponse est oui. En effet, le centre commercial est une marque à part entière et son objectif est de le devenir de plus en plus pour éviter d’être simplement un agrégateur de boutiques.
Cependant, tout dépend du centre commercial. Il existe des centres commerciaux qui sont de vraies marques, souvent des centres commerciaux régionaux, parce qu’ils proposent une expérience client homogène, aboutie, centralisée et une communication associée qui a un fil rouge. Ils proposent également une expérience client qui va au-delà de simplement répondre à un besoin très fonctionnel qui est de devoir acheter un t-shirt ou une robe rouge. Ces centres commerciaux se développent de plus en plus ces dernières années, et offrent une expérience complète en matière de loisirs, d’entertainment et de fooding. Ils sont alors des marques à part entière et sont travaillés en tant que tels.
On va dans un grand centre commercial, non pas simplement pour aller faire les boutiques, on y va, dans le graal de ce qu’on recherche, pour vivre un moment en famille, aller faire les boutiques, se restaurer, se divertir, aller au ciné, aller faire du patin à glace, etc, et enfin aller faire ses courses.
D’accord, il faut donc positionner d’abord la “marque” d’un centre commercial pour mieux interagir avec les visiteurs.
Dans un deuxième temps, comment avez-vous intégré l’usage du Mobile dans vos parcours consommateurs ? Fait-il partie de votre stratégie sur toutes les étapes (découverte, acquisition, fidélisation, recommandation) ?
On l’a intégré de plusieurs manières.
Premièrement, c’était une évidence de l’intégrer, puisque tous nos visiteurs ont leur mobile en poche. Par ailleurs, lorsqu’on leur adresse des communications, ils les lisent ou visitent nos sites internet depuis leur mobile à hauteur de 70%. Cela veut dire que c’est forcément un canal de communication privilégié sur lequel, si on veut toucher nos cibles, il faut être très bon !
La deuxième chose, c’est que nous avons traité l’usage du mobile sur son aspect serviciel. C’est en effet par le mobile que l’on doit améliorer l’expérience de visite de nos clients. Le mobile, au delà d’être uniquement un canal de communication, nécessaire pour trouver les horaires, une boutique, un produit, consulter les actualités, est également le moyen d’améliorer le confort de visite de nos clients et nous avons donc développé tout un tas de services qui doivent faciliter le parcours shopping.
Ces services, quels sont-ils ? Ce sont : la carte de fidélité dématérialisée, des services de géolocalisation qui permettent de repérer, au delà de savoir si une boutique est présente dans le centre, comment s’y rendre depuis le point où on se trouve, ce sont évidemment des promotions que l’on peut retrouver dans les enseignes mais en les classant et en en facilitant la lecture par du classement en terme de favoris, soit en terme de boutiques préférées ou les plus consultées. C’est tout ce qui va permettre grâce au mobile de faciliter le parcours de visite.
Troisièmement, le mobile est un outil vraiment intéressant pour récolter de l’analytique et des insights. L’analyse des parcours clients, via les téléphones mobile est quelque chose qui est vraiment intéressant pour un centre commercial qui n’a pas la connaissance des tickets caisse de ses clients. Nous sommes capables, concernant les clients venant dans le centre, d’avoir les statistiques et des mesures qui nous permettent d’appréhender le nombre de clients, le nombre de clients uniques, la fréquence, la récence de visite via le mobile.
Pour nous, il est capital d’appréhender ces notions, et c’est par le mobile que ça passe, avec un usage statistique des données de géolocalisation embarquées, lorsqu’on se dote de solutions partenaires, nous permettant de savoir si les visiteurs fréquentent la galerie marchande uniquement, l’hyper uniquement, les 2, s’ils sont plutôt au premier étage ou plutôt au deuxième. C’est une notion de connaissance clients qui est très importante et qui a été rendue possible par l’avènement du mobile. C’est un des vrais apport de ce device.
Par rapport à tous ces services, avez-vous créé une application dédiée ?
On a créé une application qui intègre tous ces services, supportée par de la communication physique et digitale encourageant son téléchargement, avec une proposition de WiFi à l’intérieur des centres commerciaux.
Concernant la carte de fidélité, est-elle à disposition sur des supports permettant de dématérialiser les cartes ou est-elle disponible dans l’application mobile spécifique du centre ?
On a créé la carte de fidélité dématérialisée à l’intérieur de l’application mobile. En effet, considérant que le centre commercial est une marque, il y a un ensemble de services associés, dont la carte de fidélité, et du coup on regroupe tout ça dans un facilitateur de shopping qu’est l’application mobile. Plutôt que de la mettre dans d’autres applications tierce qui du coup coupe l’expérience car elle n’est pas complète sans les autres services associés.
Quels types de canaux mobiles utilisez-vous ? Pour quels objectifs ?
On utilise l’application mobile et le push notification qui y est associé, et évidemment l’email et le SMS.
Le choix d’une application était logique par rapport aux services rendus aux utilisateurs. Mais il est difficile de connaître le ROI de nos applications mobiles, et ce n’est pas un outil magique : c’est à dire à la différence de retailers ou de marques qui font du commerce et qui savent vous dire que les personnes qui achètent via l’App dépense un panier moyen supérieur de x%, qu’elles ont une loyauté et une fidélité plus importantes, qu’elles passent plus de temps que sur le site mobile. Nous, nous ne sommes pas en mesure de le dire, parce qu’encore une fois, nous ne maîtrisons pas le parcours client de A à Z, et que nous sommes aveugles sur les achats réalisés dans les enseignes.
Nous sommes plus dans l’aspect conviction qu’autre chose, mais on a le sentiment que l’application mobile peut jouer un rôle intéressant dans le cadre de l’expérience que nous sommes capables de proposer au consommateur.
Quels sont selon vous les plus efficaces ? Pourquoi ?
La communication auprès de nos clients est réalisée via les apps, emails et SMS.
Par contre, le media mobile est quelque chose que nous développons beaucoup et qui s’avère très efficace, notamment parce qu’on est sur son mobile, dans une situation de mobilité et donc on fait de plus en plus de médias mobiles géolocalisés et ciblés pour communiquer sur nos actualités, nos temps forts et adresser des promotions à nos clients.
Cela passe beaucoup par Facebook Ads et des solutions de geofencing.
Vous utilisez donc la géolocalisation ?
C’est une fonctionnalité très importante pour nous, qui est associée au mobile.
On l’utilise à la fois en media et à la fois en analyse. Sur ces 2 pans d’activité, la géolocalisation est un outil vraiment intéressant pour comprendre qui vient et d’où ils viennent, et également pour pouvoir pousser de manière personnalisée des communications pour faire venir nos visiteurs.
Quels sont les points de vigilance à prendre en compte (toujours sous le prisme de l’expérience client) ?
Il y en a plusieurs.
Il y a un premier qui est l’UX. On doit être sur un usage simple, rapide, fluide, avant d’être beau, époustouflant. On est vraiment dans l’usage du mobile, c’est-à-dire que cela doit délivrer une efficacité maximum qui doit primer avant tout sur le fond et la forme.
Le deuxième est d’appliquer une logique de Test & Learn. Une bonne idée sur le papier doit se vérifier sur le terrain, et cela évite de développer des services auxquels on croit pendant 6 mois, pour s’apercevoir finalement que, pour telle ou telle raison, ce service n’est pas utilisé.
Le troisième point de vigilance est la pression marketing en terme de communication. Nous sommes très vigilants par rapport à ce point car on sait que le mobile est intrusif, et nous ne voulons surtout pas que nos clients soient irrités ou dégoûtés de nos communications. Donc nous allons toujours essayer de faire moins que trop.
Quelles sont pour vous les innovations mobiles que vous suivez de près et pour quelles raisons ?
L’innovation que nous suivons de près est le paiement, parce que dans la logique, le paiement mobile devrait être un facilitateur. C’est un vrai service qui, si on avait la capacité de le développer et l’embarquer dans une app, permettrait au client de pouvoir payer dans toutes les enseignes, d’avoir ses factures dématérialisées, ce serait génial, et nous apporterait en plus de la donnée à laquelle nous n’avons pas accès actuellement.
Il y a beaucoup de freins techniques ou opérationnels qui sont liés à cela, mais on le regarde avec grand intérêt.
On teste également aujourd’hui au sens large du digital, pas uniquement mobile, les markets place pour être capable de vendre à nos clients les produits des enseignes, et développer le Click & Collect, la livraison, la e-réservation, pour multiplier les parcours d’achats. Nous avons un test en cours sur le site de Cap 3000, où nous avons lancé en juin dernier un e-shop avec un certain nombre de nos enseignes, pour lesquelles on propose un certain nombres de produits à réserver et à venir retirer sur place.
C’était notamment quelque chose que nous avons accéléré avec la Covid-19, qui a mis un frein à la fréquentation des centres commerciaux, pour ne pas dire un stop pendant une grande période.
Pouvoir continuer de faire ces achats dans les boutique du centre Cap 3000 sans pour autant devoir se rendre dans le centre et les enseignes nous a paru une idée très intéressante.
Question d’actualité : Étant donné le contexte de la Covid-19, comment avez-vous adapté votre stratégie ? Le Mobile est-il pour vous un bon canal pour générer du drive-to-store ?
On fait un peu comme tout le monde. C’est à dire que nous avons coupé les budgets pour se recentrer sur les animations/événements qui avaient le plus de sens. Cela n’avait n’était pas logique de faire des animations alors même que l’on devait par ailleurs dire aux visiteurs de respecter la distanciation physique et autres consignes. Cela était contradictoire. Par ailleurs, la difficulté économique de nos enseignes étant telle que nous avons priorisé l’ensemble de nos investissement sur des effets à très court terme de génération de CA pour elles.
Et cela a permis d’accélérer ce sujet de la marketplace qui générerait du CA immédiat pour eux.
Mais le mobile n’a pas eu de place spécifique ou particulière dans le traitement de la crise liée à la Covid-19. Il a été un canal de communication parmi les autres.
Je tenais à remercier infiniment Florent pour cet échange très enrichissant !
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