Aujourd’hui sur smartphone, demain avec d’autres dispositifs, la réalité augmentée est une des technologies les plus prometteuses pour les prochaines années. Le domaine de la cartographie s’est bien entendu saisi de cet élan, avec des usages prometteurs pour le secteur du tourisme. Tour d’horizon de ces nouvelles cartes en réalité augmentée. 

“La navigation et le design doivent fonctionner ensemble pour favoriser l’orientation – et aider les personnes à comprendre où ils sont et où ils peuvent aller.”

Cette phrase ne parle pas de cartographie. Elle est extraite de The elements of user experience, le bestseller UX de Jesse James Garrett. Une carte est comme un site web ou une application mobile. On doit s’y repérer, et pouvoir naviguer facilement vers sa destination. 

La navigation et le design doivent fonctionner ensemble

Ainsi, depuis les années 90, et l’avènement du GPS, les cartes n’ont cessé d’intégrer de nouveaux calques technologiques. Les usages se sont transformés, et la carte touristique en papier a perdu de son attrait. 

Plus rapides, plus efficaces, les nouvelles cartes sont aussi moins poétiques. Selon les chercheurs en neurosciences,  “le GPS favoriserait ainsi l’effet tunnel et une vision du monde fragmentée, oublieuse de l’espace géographique dans sa globalité”. Les cartes en réalité augmentée pourraient bien changer la donne.

 

Les cartes en réalité augmentée sur smartphone

 

WeMap est une startup française qui compte parmi ses clients Air France et Le Louvre par exemple. C’est pour mieux naviguer, justement, qu’elle a lancé son expérience de cartes en réalité augmentée. 

Son CEO Emmanuel Mouren me le disait sur le salon Vivatech 2021. La carte touristique traditionnelle demande un effort de projection. Baptisée “Tête haute”, la carte AR de WeMap s’affiche ainsi en 2D lorsque le téléphone est dirigé vers le sol, et passe en version augmentée lorsqu’il est relevé. La transition est fluide, l’expérience intuitive. 

Ces nouvelles cartes guident le visiteur de manière plus naturelle et plus visuelle : flèches au sol, éléments de contextualisation et de localisation, informations touristiques… Le tout fonctionne sans téléchargement d’application, puisque WeMap a fait le choix de l’application web. Pour les acteurs du tourisme, les cartes WeMap, fondées sur la solution open source Open Street Map, sont une vraie alternative à Google Maps. 

Encore peu utilisées par le grand public, ces nouvelles cartes en réalité augmentée pour smartphone sont de mieux en mieux maîtrisées. Elles pourraient demain s’étendre sur les vitres des voitures ou même des trains, pour contextualiser le paysage traversé et permettre d’enrichir les trajets. Google maps propose lui aussi une fonction liveview sur certains appareils, mais précise d’emblée les limites. “Les cartes et la navigation peuvent ne pas être disponibles à tout moment et partout. Les conditions actuelles peuvent être différentes des cartes affichées et des données de navigation […]. Faites preuve de bon sens.” (source : google). 

Google en manque de data ? On aurait presque du mal à le croire. 

Avec la géolocalisation et l’affichage en réalité augmentée, la carte se rapproche du monde réel. Elle fusionne avec lui. 

Eric Andersen, le CEO de Mapbox cité dans l’ouvrage The Infinite Retina, estime que nous avons besoin de nouvelles cartes qui ne résument pas une rue à un trait. Lui comme d’autres imaginent des cartes parfaitement intuitives, qui nous montrent les lignes de bus, qui nous aiguillent sur un domaine skiable, qui nous guident dans un musée, qui nous alertent sur la difficulté d’un sentier de randonnée. 

Attention aux excès. Le court métrage Hyper Réality met en images de façon brillante les excès d’une réalité augmentée…

 

Double numérique : quelle opportunité pour le tourisme ?

 

Pour favoriser le développement de ces usages en réalité augmentée, l’enjeu est de cartographier le monde en 3D. Les véhicules autonomes, déjà, parcourent les rues de façon à construire les prémices de ces nouvelles cartes. Faites de polygones, elles restent invisibles pour l’utilisateur et sont le socle d’un AR cloud globalisé. C’est le fameux double numérique – ou digital twin – de notre monde.

Le premier rôle de ces cartes est une meilleure organisation de la smart destination. Elles aident les véhicules autonomes à naviguer, les objets connectés à se repérer. En captant l’information en temps réel, ces cartes augmentent la qualité de service. Elles peuvent aussi servir de support pour une meilleure gestion des flux. 

Si un feu rouge tombe en panne, si un accident se produit, ces cartes sont en mesure de réagir en un clin d’œil pour ajuster la navigation. Elles fluidifient l’expérience du mouvement. Et elles doivent permettre de réduire considérablement les puissances de calcul nécessaires dont chaque véhicule autonome a besoin aujourd’hui pour se déplacer. 

Ces jumeaux numériques ont aussi un intérêt pour le rail, Deutsche Bahn a lancé en janvier 2021 le projet Sensors4rail pour ajuster en temps réel son volume d’opérations grâce à la parfaite connaissance des positions de ses trains.

 

Cartes et réalité augmentée : promesses et limites

 

Cet AR cloud permet aussi d’afficher de manière beaucoup plus précise des objets virtuels en réalité augmentée. Aujourd’hui, ces objets se placent sur votre smartphone en fonction de sa position et des repères qu’il peut capter. Demain, ils seront placés au même endroit pour tout le monde. C’est la carte qui définit la position de l’objet

On pourra ainsi les observer ensemble, les acheter dans la blockchain, à condition bien entendu d’avoir des dispositifs adaptés comme des lunettes ou des lentilles de réalité augmentée, voire de réalité mixte si on souhaite les manipuler. Acheter son billet d’entrée pour un musée pourrait ainsi se faire directement en manipulant une carte. 

Les lunettes Microsoft Hololens 2 sont d’ailleurs une preuve convaincante de notre capacité à interagir avec des objets virtuels demain. 

Ces cartes posent évidemment des questions environnementales pour gérer la quantité de données, éthiques, liées au respect de la vie privée, et technologiques, tant elles exigent le développement parallèle de ressources convergentes. Pour être acceptées, elles doivent rendre invisible l’identité. Apple, plutôt que de capter des images en haute résolution, travaille sur le fait de capter des nuages de points. Lui comme d’autres dessinent en tout cas les contours des cartes de demain.

 

Augmentées ou non, la carte reste un appel à l’évasion

 

Qu’elle soit imprimée, autoguidée, plutôt intelligente ou même augmentée, la carte reste un objet de promesses, un appel vers l’ailleurs. Certains font perdurer la tradition de la carte papier, comme l’équipe d’aventuriers Les Others, 177 000 abonnés sur Instagram, qui vient de lancer un crowdfunding pour leur projet Recto Verso, une carte papier et une méthode complète pour partir à l’aventure.

Aujourd’hui, il n’y a pas un voyage proposé par un Tour Opérateur sans une carte associée, pas un réseau social voyageur qui ne permette de lister ses conquêtes géographiques sur une carte du monde, pas une compagnie aérienne qui oublie de partager avec le voyageur la carte de ses destinations. Et Google Maps est un exemple concret, bien plus qu’une vue par satellite, “pour le touriste le moyen préféré pour explorer le monde qui l’entoure.”, comme l’écrit Edoardo Colombo dans Turismo Mega Trend.

 

Sources additionnelles – Cartes en réalité augmentée

  • Vivatech 2021 : les 14 startups tourisme à suivreexplorr.fr
  • Google Glass, le pire échec de Google ? – Blog MBA MCI
  • Colombo, E. (2020). Turismo mega trend : Smart destination e turismo digitale: AI, Blockchain, Cyber, IoT e 5G. Hoepli.
  • Cronin, I., & Scoble, R. (2020). The Infinite Retina : Spatial Computing, Augmented Reality, and how a collision of new technologies are bringing about the next tech revolution. Packt Publishing.
  • Garrett, J. J. (2010). The elements of user experience : User-centered design for the web and beyond. Pearson Education.