Nouvelle ère de la beauté : quels facteurs clés de succès ?

 

Comme nous l’avons vu dans notre précédent article sur les impacts de la crise sanitaire sur l’univers de la beauté, le contexte d’une pandémie à l’échelle mondiale à créé des paradoxes : même si l’on constate une nette accélération des ventes en ligne dans le domaine de la beauté, les ventes que celles-ci ont généré n’ont pas réussi à compenser la perte sur le retail. En dépit des solutions digitales qui lui sont proposées, le/la consommateur/trice français(e) n’arrive pas à abandonner le choix de son produit cosmétique à une simple expérience digitale. Qu’il s’agisse des innovations d’intelligence artificielle les plus abouties ou bien de plus simples expériences de live shopping, le marché de la beauté en France n’est pas encore assez mature pour se limiter uniquement à ce type de solutions.

Venant accélérer une tendance qui s’était inscrite depuis déjà des années, la COVID-19 a aussi poussé les consommateurs à se tourner vers plus d’essentialité : préférer les circuits courts, le commerce local mais aussi simplifier ses routines de soin en se tournant vers des produits clean et sûrs pour la santé et pour l’environnement.

Dans ce contexte, comment les acteurs de cette industrie de la beauté peuvent-ils réussir ?

En se basant sur une l’analyse complète de tous les bouleversements et de tous les grands leviers activés lors de ces dix-huit derniers mois par les acteurs de la beauté, analyse menée dans le cadre de ma thèse, nous pouvons préconiser cinq grands facteurs clés de succès qui, liés ensembles, constitueront la réponse adaptée à cette industrie en pleine mutation. La créativité, la technologie, une stratégie omnicanale, le recours aux réseaux sociaux et au marketing d’influence ainsi qu’un positionnement en tant qu’acteur engagé sont les good practices que nous allons détailler.

 

1. Facteur clé de succès n°1 : la créativité

 

“Il n’a jamais été aussi facile de créer une marque . Mais aujourd’hui, face à cette inflation des projets de créateurs, il est plus difficile de mener à bien un projet entrepreneurial car il faut pouvoir sortir du lot. Dans ce contexte, la créativité est une des clés de la réussite.”1

Quentin REYGROBELLET, président et cofondateur de Blissim

 

Aujourd’hui, le consommateur n’est plus à la recherche d’un produit mainstream.  Le green est nécessaire, c’est un nouveau standard. Mais ce dernier n’est plus suffisant car la quasi-totalité des marques surfent sur cette tendance qui n’est aujourd’hui plus différenciante.

 

En tant que marque, la créativité consiste donc à savoir identifier et saisir ce besoin pour créer une nouvelle proposition de valeur, offrir plus de diversité et communiquer sur plus d’ouverture.

 

Au-delà même de l’approche, la créativité peut s’exercer à tous les niveaux :

  • Packagings : 900.care avec ses bouteilles rechargeables, Akane avec ses pots de crème 100% biodégradables ou bien Baûbo avec son étui en carton sans point de colle ;

 

Etui Baûbo sans colle

baume solide pack sans colle

Source : baubo.fr

 

  • Formulations : Mademoiselle Saint Germain avec ses crèmes formulées à partir des plantes du Potager du Roi de Versailles, les baumes solides des Petits Prödiges ;

Baume solide Les Petits Prödiges

baume solide cosmétique

Source : lespetitsprodiges.com

 

  • Communication : nous pouvons citer Respire et son incroyable storytelling qui disrupte le dialogue avec le consommateur qu’il considère comme son égal, mais aussi la marque bio, végan et zéro déchet Comme Avant qui créé une page sur son site internet intitulée “Nos défauts” pour répondre publiquement à tous les reproches fait à la marque et expliquer les partis-pris.

Justine HUTTEAU, fondatrice de Respire

success story respire

Source : respire.co

 

  • Créativité dans les services proposés : dans un contexte de forte concurrence par les pures players, nous pouvons citer l’exemple les enseignes de parfumeries qui se démarquent par le développement de services tels que les sessions shopping personnalisées avec des conseillères beauté, la création d’espaces dédiés à des prestations de beauté (bar à ongles, make-up bars, bars à sourcils, …).

 

Beauty Hub, Sephora

beauty hub sephora

Source : sephora.fr

La créativité permet, en définitive, de saisir des opportunités dans un marché saturé et où l’exigence du consommateur est prépondérante.

 

2. Facteur clé de succès n°2 : la technologie appliquée à une démarche customer centric

 

Dans une période difficile où l’on recherche positif et légèreté, nous pouvons apprécier la réalité augmentée pour son côté divertissant : en combinant réel et univers virtuel, elle offre aux utilisateurs un niveau de contrôle qui dépasse de loin ce qu’il est possible de faire dans le monde réel. Nous ne pouvons pas nier l’importance de cet aspect divertissant pour l’homme : rappelons-nous, il y a quelques années le succès fou connu par Pokémon Go, qui a su mettre d’accord petits et grands. Souvenez-vous de ces parcs remplis de personnes, les yeux rivés sur leur smartphone,  à la recherche de pokémons à capturer !

 

Les chiffres montrent par ailleurs l’impact positif pour les marques : les essais virtuels ont par exemple permis à Estée Lauder de multiplier son taux de conversion par 2,54 et d’améliorer la fidélité de ses clients. Ces résultats prometteurs sur les marchés à l’étranger montrent la véritable opportunité que peuvent constituer ces outils. Cette promesse de réussite a été très inspirante pour la France où l’on a vu fleurir ce type de technologies.

Diagnostic de peau grâce à l’intelligence artificielle

beaute tes virtuel

 

Voyons donc la réalité comme un outil ludique qui permet de créer du lien et de divertir le consommateur. Elle vient en appui du facteur clé de succès n°1 que nous avons vu précédemment. Cette approche que nous pouvons qualifier de créative rend la marque plus attractive, plus accessible pour mieux toucher le consommateur.

 

3. Facteur clé de succès n°3 : l’omnicanal

 

La réussite et le succès de certaines DNVB peuvent nous laisser penser qu’il est encore possible de se développer sur un modèle de vente uniquement digital. Vu de plus près, on s’aperçoit que toutes ces marques ont rapidement développé une distribution en points de vente physiques. Exemple parfait : la marque Respire, née d’une campagne Ulule et d’un commencement 100% digital est aujourd’hui distribuée dans de nombreuses enseignes telles que Monoprix et de pharmacies. Est-ce une volonté des enseignes de référencer une marque sous le feu des projecteurs ou est-ce un désir de cette dernière de se pérenniser en existant physiquement dans les boutiques ?

 

Avoir son site marchand est un pré-requis pour les marques mais il ne suffit pas à lui seul à générer du trafic et des ventes : en effet, la sursaturation des marques de cosmétique qui émergent sur la toile entraîne l’explosion des besoin financiers pour exister en ligne (investir dans le marketing d’influence par exemple).

 

En France, il existe toute une palette de canaux de distribution physique, qui sont plus développés que le digital. Ils constituent une véritable opportunité pour les marques pour pouvoir écouler de plus grands volumes, toucher une clientèle plus large et assurer sa visibilité. Ceci est d’autant plus accentué qu’il y a une clientèle qui reste très attachée aux tests en magasins.

 

Mais n’oublions pas que l’omnicanal c’est aussi créer un lien, aussi basique soit-il entre un service en ligne et un service en magasin et on ne peut que conseiller aux marques qui naviguent sur ces deux canaux d’avoir recours à des solutions simples comme le click and collect ou bien les tablettes pour les conseillères beauté en magasin qui apporteront une véritable valeur ajoutée à l’expérience client. L’enjeu pour les marques réside donc dans le fait d’unifier et de fluidifier le parcours d’achat des consommateurs entre les différents canaux de distribution tout en générant des synergies entre ces canaux.

 

4. Facteur clé de succès n°4 : le marketing d’influence et les réseaux sociaux

 

Le marketing d’influence est un réel levier pour les marques en termes de business, d’image et de notoriété. Il permet d’humaniser la marque et de créer un lien émotionnel entre la marque et son consommateur. Par le marketing d’influence, les marques ont l’occasion de s’adresser directement et sans filtre à leur communauté. Il permet aussi à une marque de gagner fortement en visibilité et de se faire connaître au-delà de sa propre communauté.

 

Gardons cependant à l’esprit qu’aujourd’hui, nous avons tous conscience du biais induit par la rémunération des influenceurs les plus populaires par les marques dont ils font la promotion. Aussi, c’est un marché extrêmement concurrentiel à la fois pour les marques (prises de parole à répétition qui saturent les audiences) et à la fois pour les influenceurs (multiplication des influenceurs sur les réseaux sociaux, il devient de plus en plus difficile pour ces derniers de continuer de recruter, d’être vus et d’engager).

 

Par ailleurs, les études montrent que les produits cosmétiques figurent parmi les produits les plus partagés sur les réseaux sociaux, que ce soit par les influenceurs comme nous venons de le voir, mais aussi par les utilisateurs eux-mêmes ou par les marques. C’est ainsi que 36%6 des utilisatrices de Facebook et Instagram ont découvert de nouveaux soins cosmétiques grâce à ces deux réseaux sociaux. Il est donc primordial pour les marques de créer un contenu adapté à ces médias pour que la puissance des algorithmes de ces derniers poussent le bon produit au bon consommateur. N’oublions pas non plus qu’à l’instar d’un site de e-commerce, les réseaux sociaux ne sont pas de simples vitrines mais de véritables boutiques où il est possible d’acheter directement depuis la plateforme.

 

5. Facteur clé de succès n°5 : l’engagement durable

 

Un changement profond s’est produit dans les attentes des consommateurs. Amplifié par la crise sanitaire, les notions de clean beauty, made in France, sans packaging ou rechargeable se positionnent, entre autres, au cœur des préoccupations du consommateur. Outre la créativité dont les marques peuvent faire preuve pour répondre à ces problématiques, les marques doivent au préalable s’assurer de bien se positionner sur les moteurs de recherche pour répondre aux requêtes formulées par les internautes. Ces derniers, plus avertis que jamais, sont en quête de produits sains et dont la formulation a une importance capitale. Des outils comme Yuka, Claire, aident les consommateurs à déchiffrer les complexes listes d’ingrédients et les accompagnent dans leurs choix. Ce facteur est à prendre en compte par les marques qui se doivent de se plier à ces nouvelles exigences.

 

Dans un monde où les engagements, l’ADN, le sens et la responsabilité sont primordiaux, les marques doivent se positionner en acteurs engagés, contributeur d’un impact positif en termes sociétal et environnemental. Pour se faire, le soutien d’une cause qui correspond à leur vision du monde et à leur apport à la société constitue, en plus d’une bonne pratique, un véritable levier de différenciation. Les marques qui ont mis à contribution leur chaîne de production pour fournir du gel hydroalcoolique aux hôpitaux durant la crise sanitaire sont une parfaite illustration de ces propos.

 

Sources :

  1. Cosmétiquemag, Naissance « Pourquoi créer une marque de beauté ?”, Maryline LE THEUF, juin 2021
  2. Cosmétiquemag, La vision de la beauté des futurs dirigeants du secteur, juin 2021
  3. Cosmétiquemag, De l’impact des indies sur le marché, Patricia THOUANEL-LORANT, juin 2021
  4. Perfectcorp.com, Le guide complet de la BeautyTech, 06/01/2021
  5. Cosmétiquemag, Distribution La France marché des ONVB, Maryline LE THEUF, juin 2021
  6. Étude Facebook IQ, 2019