ENTRETIEN AVEC CAMILLE HENRY , Chargée de Communication chez Drivy, solution d’autopartage entre particuliers.

Intéressé par la mobilité d’aujourd’hui et de demain ? Prenez 10 min pour lire l’entretien de Camille Henry qui nous parle de la solution Drivy, la location de voiture entre particuliers.

Bonjour Camille, pouvez vous me décrire rapidement l’activité de Drivy et me donner quelques chiffres clés ?

Drivy est un service de location de voitures entre particulier. Notre objectif est de combattre la voiture individuelle en permettant à des particuliers de trouver le plus rapidement et le plus facilement possible une voiture à louer en toutes circonstances. Nous sommes une plateforme de services où les propriétaires de véhicule et les loueurs potentiels se rencontrent.

Drivy a été lancé fin 2010 en France à Paris, nous sommes présent aujourd’hui dans 5 pays puisque nous sommes en Allemagne ( 2014), Espagne (2015), Belgique (Juin 2016) et en Autriche (Juin 2016). Nous avons plus d’ 1 000 000 d’utilisateurs dans toute l’Europe mais la France reste encore majoritaire avec 800 000 utilisateurs. Nous avons 38 000 voitures disponibles dont 32 000 en France. En terme de croissance, nous doublons nos volumes de location chaque année.
Le nombre de jours d’autopartage cumulés s’élève à plus d’1,8 millions sur l’année 2016.
Nous sommes 80 collaborateurs en Europe dont 70 à Paris.

Quels est le profil type de l’utilisateur Drivy ?

Les locataires sont plutôt des hommes ( en tout cas celui qui réserve ) mais il part rarement tout seul donc ce sont plutôt des couples, trentenaires, qui vivent dans les centre villes des grandes et moyennes villes et qui n’ont pas de voiture. La non possession de voiture n’est pas dû à un manque de moyen car nous avons plutôt des CSP moyennes à plus mais plutôt à un choix délibéré de ne pas en posséder. Ces personnes n’ont pas besoin d’une voiture au quotidien mais ils partent régulièrement en weekend ou en vacances et préfère louer un véhicule en fonction de leurs besoins. L’usage principal reste le weekend, du vendredi soir au dimanche soir. 70% des locations se font à partir du domicile du locataire et seulement 30% à partir d’une gare. C’est en cela que nous nous différencions des agences de locations traditionnelles type Hertz ou Europcar qui elles ciblent beaucoup plus les gares ou les aéroports quand nous avons un usage beaucoup plus de proximité, centre ville.
Il y a également des usages un peu plus isolés du type louer un utilitaire pour déménager ou louer une voiture sympa pour un mariage.

Quels avantages pour le loueur versus une agence classique de location de voiture à part la proximité? Il y a t’il un avantage financier ?

Le prix est généralement moins cher. Mais nous ne fixons pas les prix. Nous recommandons les prix en fonction du type et de l’année d’immatriculation du véhicule mais le propriétaire est libre de choisir in fine son prix. En fonction de l’offre et de la demande le propriétaire peut faire varier son prix. C’est pour cela qu’en période de vacances scolaires ou de weekend prolongé quand les agences classiques en profitent pour augmenter leurs prix, l’offre Drivy est généralement moins chère. Mais il se peut qu’à l’inverse en période creuse, nous ayons des prix plus chers que les agences de location.
En dehors du prix, le locataire bénéficie d’une réelle transparence de nos conditions. Quand en agence traditionnelle, il arrive que beaucoup de coûts soient cachés comme par exemple le second conducteur, le siège auto bébé, l’assurance complémentaire, les frais kilométriques, l’assurance supplémentaire jeune conducteur etc etc … , chez Drivy nous n’avons pas tous ces frais masqués. Le second conducteur est prévu d’office dans le contrat. Il n’y a pas de frais supplémentaires.

Parlons justement de contrat. Ces nouveaux usages d’autopartage sont rendus possible car le monde de l’assurance a également évolué. Avez vous travaillé en commun avec les assureurs pour rédiger et simplifier ces contrats ?

L’assurance est un maillon très important de la chaîne de valeur. Le succès de la solution repose en partie sur la confiance que les propriétaires et les locataires accordent à l’assurance en cas de problème. Le CEO a mis un an à convaincre une assurance de bien vouloir le suivre. A l’époque cela ne se faisait pas du tout. Pour un assureur, il n’y a rien de pire que d’assurer des voitures qu’il ne connaît pas et des conducteurs qu’il ne connaît pas non plus. On a d’abord travaillé avec la MMA et nous avons changé car le rapport à commencé à changer avec le succès de Drivy et les assureurs se sont intéressés au sujet. Ils sont venus nous voir pour nous dire qu’ils avaient envie de travailler avec nous justement pour apprendre. En terme de business pour eux, ce n’est pas encore très rentable mais cela devrait le devenir. Cela leur permet de réfléchir à des offres d’assurance différentes car ils savent très bien que dans 10 ans ils vendront beaucoup moins d’assurance pour une voiture possédée par une personne. Nous travaillons beaucoup avec eux et nous avons co-construit un contrat d’assurance qui est adapté à la location entre particuliers.
Le défi était de construire une offre transparente. Par exemple si vous payez une assurance pour faire 200 km et que vous n’en réalisez que 100, le prix de l’assurance pour les 100 km non réalisés vous sont re-crédités. Si vous roulez 300 km au lieu de 200 convenus, les 100 supplémentaires vous seront facturés le même prix au km que les 200 premiers sans sur-facturation. L’enjeux est d’adapter le plus possible d’entrée les assurances à la plus grande flexibilité.
Il y a plein d’avantages qui sont difficiles à montrer mais dont les gens se rendent compte quand ils ont commencé à utiliser le service.

Est ce que vous êtes approché par des acteurs traditionnels de la mobilité type constructeurs ou SNCF, TRANSDEV qui aimeraient via des partenariats ou de la prise de capital, diversifier leur savoir faire et ainsi rentrer sur le marché de l’autopartage ? 

Le groupe Mobivia ( Norauto, Midas entre autre) est entré au capital de Drivy. Ils ont un fond dédié à la mobilité durable à travers lequel ils investissent dans plusieurs start-up du secteur. Nous travaillons beaucoup avec ce partenaire et mettons en place des synergies communes. Par exemple, nous offrons à nos conducteurs partenaires des offres de réductions leur permettant d’aller entretenir leur véhicule dans les réseaux Norauto ou Midas.
Les constructeurs nous contactent effectivement. Ils sont très curieux mais pour le moment nous n’avons pas concrétisé. Pour le moment je pense qu’ils s’y intéressent mais qu’ils attendent encore de voir comment DRIVY se développe avant d’investir.

Pour le propriétaire, quels sont les avantages? et comment faites vous pour les rassurer pour qu’ils n’aient pas peur de louer leur voiture ?

L’avantage pour le propriétaire c’est de limiter les frais liés à l’assurance et à l’entretien de son véhicule. Le propriétaire compense en louant sa voiture ce qui lui permet de partager les coûts. Pour le moment la moyenne des revenus pour les propriétaires est de 600 euros par an. Ce montant ne permet évidemment pas de couvrir tous les frais liés à la voiture mais c’est toujours mieux que rien. C’est vraiment du complément.
Pour les rassurer, nous avons bien travaillé l’assurance donc en cas d’accident ou de dommage , ils savent que le locataire va payer la franchise et que si le montant des réparations dépasse le montant de la franchise c’est l’assurance qui complète.
Il y a un seul contrat d’assurance pour le propriétaire de façon à ce que cela soit simple pour lui et surtout très transparent. Le locataire a lui plusieurs options de contrat portant finalement sur le montant de la franchise en cas de sinistre.
Il y a également une assistance. On a un service client également qui accompagne le propriétaire dans ses démarches auprès des assurances si besoin.
Nous avons nous un rôle pédagogique au niveau du propriétaire car pour être couvert par l’assurance, il doit vérifier le permis du locataire ainsi que la carte bancaire.

Mais chaque citoyen n’est pas policier … Comment vérifier un permis quand on est une personne lambda et qu’on ne peut pas interroger un fichier central ?

En fait ce n’est pas vérifier le permis mais vérifier que toutes les informations soient cohérentes et qu’elles se recoupent les unes les autres.
Le locataire doit avoir un compte Drivy à son nom et prénom, il doit payer avec une carte bancaire qui est à son nom et prénom et il doit présenter le jour de la location un permis au même nom et prénom.
Le propriétaire doit également faire un état des lieux précis avec photo avant de louer sa voiture. Cet état des lieux doit être fait avec les 2 protagonistes.

Si les deux doivent être présents, cela ne permet pas une grande souplesse pour le propriétaire qui n’est pas toujours à côté de son véhicule au moment de la location. Comment faites vous pour que le propriétaire puisse louer son véhicule sans contrainte physique ?

Nous venons justement de mettre au point il y a quelques mois un nouveau système nommé Drivy Open. 
Nous avons développé en interne un petit boitier qui vient se mettre dans la voiture et qui permet d’ouvrir et de fermer la voiture via un téléphone.
Dans ce cas là , l’état des lieux a été fait préalablement par le propriétaire de la voiture via des photos et transmis à l’ application mobile ou nous avons mis au point un “contrat mobile” . Le locataire n’a plus qu’à vérifier les photos et si il est d’accord, accepter. Au retour de la voiture le locataire se doit de faire la même chose. Dans le cas où quelqu’un l’emboutirait 2 heures après, ce n’est plus de la responsabilité du loueur.

Quel est le business Modèle de Drivy ?

Nous prenons une commission sur les montants de location. Nous reversons 70% au propriétaire, 15% pour l’assureur et 15% chez Drivy.

Avez vous des Professionnel sur la plateforme ?

Oui , il y a des professionnels sur la plateforme. Nous avons des petites agences de location, des garages et d’autres spécialistes de l’automobile, qui ont des véhicules qui ne servent pas. Par exemple , un concessionnaire peut louer des véhicules sur Drivy en attendant de les vendre. C’est quelque chose qu’effectivement on développe car cela nous permet d’étoffer notre offre. Ce sont des véhicules souvent propres et neufs avec des pros de l’automobile qui les entretiennent. Donc c’est hyper bon pour nous.
Nous ne cachons pas le fait d’avoir des professionnels sur la plateforme. Sur l’annonce d’un pro, vous trouverez la mention Pro. C’est très clair pour le locataire.

Est ce que Drivy, à long terme, pourrait être une plateforme permettant d’englober 100% des services de location de voiture à savoir du particulier au particulier ou de la location classique via des pros ?

Notre souhait est de rendre disponible le plus de voitures possibles au plus de locataires possibles à tout moment. Donc ça passe effectivement par toutes les solutions existantes.
L’objectif est de pouvoir trouver sur Drivy en quelques clics le plus de voitures disponibles que ce soit celle d’un particulier ou d’un pro.
L’avantage d’avoir commencé par une plateforme entre particuliers c’est de pouvoir aller très vite , avec un parc de véhicules qui existait déjà. Ce sont peu de moyens à investir et donc ça peut aller vraiment très vite. L’offre pro se construit beaucoup plus lentement mais est complémentaire de l’offre particuliers.
A terme et dans nos rêves les plus fous, l’idée c’est que nous ayons effectivement toute l’offre de voitures à louer sur Drivy.

Est ce que des gros réseaux d’agences sont présents sur la plateforme ?

Non, il n’y en a pas aujourd’hui. Ils n’ont pour le moment pas besoin de nous. La location de voitures est un énorme marché . Les grosses agences ont une part de business men ou women importante dans leur clientèle. Ces gens là vont chercher une voiture à leur arrivée à une gare ou à un aéroport, peu importe le prix.
Ce n’est pas la même clientèle que nous.
Drivy marche bien mais nous restons minuscule à côté d’acteurs traditionnels.
Au début,assez agressifs, ils ont vite compris que l’on contribuait finalement aussi à démocratiser la location de voitures et à l’installer comme un art de vivre. Finalement notre ennemi commun est la voiture personnelle des gens.
Nous avions fait un sondage et nous sommes rendus compte qu’il y avait environ 30% de nos clients qui n’avaient jamais loué de voiture avant d’en louer une sur Drivy. Donc en fait, nous amenons les gens à sauter le pas de la location en leur proposant une offre un peu différente de ce qui existe sur le marché. Ces personnes vont passer le cap de la location plutôt que la possession et le jour où il n’y aura pas de voiture disponible sur Drivy à côté , ils n’hésitent pas à aller louer chez Avis ou Hertz. Finalement, on contribue à faire grossir le marché de la location plutôt que de piquer des parts de marché.

Quels Médias utilisez vous pour vous faire connaitre? Quels défis pour demain ?

Il y a 2 axes. Le premier axe est l’innovation. Notre but est de fournir un service de façon le plus fluide possible sans friction pour le locataire comme pour le propriétaire. Ca passe par un site plus ergonomique avec une sélection de voitures plus affinée. Des propriétaires qui répondent plus vite, des prix plus adaptés… etc etc …
Le second axe est l’axe international avec une volonté de se développer dans encore plus de pays européens.

Est ce que l’arrivée de la blockchain, qui permettrait à un particulier de louer directement à un autre particulier sans intermédiaire, remet en question la stratégie de Drivy ? Mesurez vous ce risque et comment vous y préparez vous ?

Pour le moment ce n’est pas une menace identifiée pour nous. Louer sa voiture n’est pas comme louer un outil. On a l’avantage de proposer un service clés en main pour le propriétaire comme pour le loueur au niveau de l’assurance. Et c’est un des points clés du service. Sur Airbnb par exemple , il est très facile une fois que l’on connaît le propriétaire de contourner le système. Il est beaucoup plus rare de mettre le feu à un appartement que de rayer ou d’abîmer légèrement une voiture. Pour le moment on est encore indispensable à la mise en relation dans un climat de confiance pour des personnes raisonnables.

Merci beaucoup Camille et bonne continuation à la plateforme Drivy.