Analytics TV ? Il est vrai que ce titre fait très, trop BtoB.  Mais au même titre que nous vivons l’année du mobile depuis dix ans, il paraîtrait que la télévision vit ses derniers instants. N’en déplaise à certains « prophètes » , non, la TV n’est pas morte et elle a même quelques belles années devant elle. La révolution de la TV a commencé poussée par des contenus de qualité, de nouvelles offres de vidéo à la demande et une qualité d’équipement toujours plus grande, la télévision n’est pas prête à se retrouver six pieds sous terre. On peut par exemple citer la 5G qui va pousser encore plus loin la qualité de ce média avec la diffusion d’image en 8K (Lire l’article de Babpa Moussa sur ce sujet).

En effet, la télévision s’avère être plus résistante que ce que certains croyaient. C’est d’abord, et avant tout un objet. Et nous sommes en plein boom des objets connectés. Une étude récente de Juniper Research, avance même que les SmartTV vont devenir les premiers assistants vocaux d’ici 5 ans.

De plus,  la TV linéaire telle qu’on la connaissait jusqu’au début des années 2000, est en train d’intégrer le digital, la SVOD, le Replay, modifiant radicalement les modes de consommation, notamment des plus jeunes. La consommation des programmes TV, tout écran confondus, représente quotidiennement une moyenne de plus de 3 heures et 46 minutes. (40% des foyers équipés des 4 écrans).

4,5 millions de Français ont regardé quotidiennement des programmes TV sur leur ordinateur, leur tablette ou leur smartphone pendant 1h16mn chacun. Un usage en croissance de près de 30% en deux ans.

(https://www.mediametrie.fr/fr/lannee-tv-2018)

Le marché publicitaire s’adapte à cette transformation digitale en intégrant la culture data et analytique.

La convergence TV – digital

Le temps passé sur le smartphone, ou devant un écran d’ordinateur, a forcément eu des conséquences sur ce qu’on appelle désormais les médias traditionnels. La presse, la radio, le cinéma et la télévision bien sûr, en font partie.

La télévision a d’abord beaucoup souffert de la croissance du digital et de ses leviers. Mais ce canal, plus qu’une menace, est avant tout une innovation et donc une opportunité pour les marques média à renforcer leur efficacité et redonner de la valeur au média télé.

L’efficacité publicitaire et le ROI sont évidemment des enjeux primordiaux pour les annonceurs et les agences. Avec le développement d’Internet, les pure-players ont complètement révolutionné la manière de travailler le médiaplanning en y apportant cette culture de performance. Pour autant, il était important de se différencier et donc de travailler leur marque. Leur arrivée en TV était inévitable et cela allait s’accompagner de nouveaux besoins. Le monitoring des nouveaux KPIs en TV est ainsi devenu une évidence.

Très vite, le marché publicitaire a vu arriver de nouveaux acteurs. Analytics TV, Tracking TV, DR TV, beaucoup de noms pour ces plateformes qu’on connaît sous les noms de Realytics, Holimetrix ou Admo dont les levées de fonds récentes ont fait beaucoup parler (Holimetrix, en 2015 a d’abord levé 3,5 M€ en 2015, Realytics a ensuite levé 2,5M€ en 2017 et Admo vient de lever 6M€ en 2019)*1

Leur promesse ? Optimiser les plans TV en fonction non pas, des GRP délivrés, mais du trafic qui sera généré en « drive-to-web » sur le site. Quel écran ? Quelle chaîne ? Quelle tranche horaire ? Quel élément du plan permet d’enclencher le plus de visites au moindre coût ? Combien me coûte une visite en provenance de M6 vs une visite en provenance de TF1 ? Quel trafic est le plus qualifié ?

 

 

Captures d’écran de Realytics

La DR TV : du Tracking TV à l’analytique et la dataviz.

Le « Direct Response », qui était déjà utilisé en télévision, (souvent pour de la remontée d’appels téléphoniques vers des centres d’appels) a pu évoluer grâce à ces plateformes analytiques qui, très rapidement, ont donné aux agences de nouveaux moyens de reporting en embarquant des solutions de data visualisation et de dashboarding innovants. Mais également de pilotage des coûts, puisque le plan TV est embarqué sur les plateformes et cela permet un pilotage des CPV et CPL (coûts à la visite, coûts au lead).

Au fur et à mesure, les offres se sont développées. Initialement basées sur un service de tracking TV, elles se sont enrichies en intégrant notamment un volet digital. Car la data générée par ce plan TV correspond avant tout à des exposés TV donc à une donnée identifiable et valorisable permettant de faire basculer le média planning classique vers l’audience planning. Ces exposés TV peuvent être retouchés, via du retargeting proposés dorénavant par ces plateformes, mais aussi par de la synchronisation. (Retrouvez une explication détaillée de la Synchronisation TV sur le site ad-exchange),

Les cases performances et data cochées, il devenait intéressant d’ajouter une brique de mesure d’impact sur la marque, c’est pourquoi nous retrouvons sur chacune de ces plateformes des solutions d’études pré/post-test, pour une couverture complète du parcours de la marque.

Les limites d’un modèle TV basé uniquement sur la performance

L’arrivée de ces nouveaux KPIs permet évidemment de donner plus d’amplitude à un plan TV pour répondre à plusieurs problématiques et des objectifs qui couvrent l’ensemble du tunnel, de la notoriété à la conversion finale.

Or le risque à court terme est de voir s’enfermer les stratégies TV dans des visions orientées uniquement sur la capacité du média à générer du trafic sur un site et à enfermer la réflexion stratégique dans une dimension purement centrée sur la performance directe quitte à  en oublier les attributs de la marque.

Le GRP, la couverture, la distribution des contacts et l’efficacité qui en découlent, font partie en quelque sorte d’un héritage empirique du média et ne peuvent être mis de côté quand on travaille un dispositif TV avec des objectifs en termes de notoriété ou d’image de marque mais aussi de ventes.

Matthieu le Cann, CEO d’Holimétrix l’explique dans un interview à Petitweb : il n’y a pas de performance sans notoriété

Avec la vogue du drive to web, l’histoire bégaie : il y a quinze ans, le digital prônait l’acquisition au détriment du branding avant de se rendre compte qu’il n’y avait pas de performance sans notoriété.

 

L’achat d’espaces TV à l’heure de l’automatisation

L’avenir est plutôt radieux pour ces plateformes d’analytique et de tracking. Depuis quelques années, en faisant évoluer les KPIS de la télévision, elles ont en effet contribué à faire évoluer les méthodes d’achat d’espaces TV.

L’autorité de la concurrence venant de lever tout un ensemble de restrictions sur la publicité à la TV (http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/standard.php?id_rub=696&id_article=3353&lang=fr), il y a fort à parier que la publicité segmentée (ou TV adressable) commence à se développer prochainement. Associée à la possibilité qu’aura désormais la distribution de faire des promotions en télévision, la performance en TV devrait continuer à croître.

En phase avec la fragmentation actuelle des écrans, il sera bientôt possible d’analyser le trafic issu de l’IPTV et des Replay. Une brique supplémentaire en miroir des audiences sur laquelle travaille Médiamétrie et qui prennent en compte l’ensemble de la consommation des contenus TV.

Parler d’avenir sans parler de l’automatisation serait presque une hérésie, puisque c’est bel et bien ce qui se profile pour l’achat d’espaces TV – comme pour le digital. L’enjeu ici est le basculement vers l’achat en programmatique, qui en dépit de quelques contraintes actuelles, se généralisera dans les prochaines années. Le machine learning (apprentissage automatique) dans un premiers temps, puis l’intelligence artificielle font évidemment partie des sujets de développement puisqu’ils permettraient une optimisation capable d’embarquer des années d’historique et tout un ensemble de data en temps réel (de la météo aux données d’audience)

Pour Guillaume Belmas, CEO, fondateur de Realytics, c’est un enjeu majeur :

L’intelligence artificielle au service de l’achat média TV ? C’est une réalité ! La télévision programmatique est en marche et les solutions sont de plus en plus concrètes : Par exemple, la solution AdPlan de Realytics propose la première solution d’automatisation de mediaplanning à la performance. Dans un monde où les procédures manuelles sont chronophages, il apparaissait indispensable de réfléchir à la façon dont simplifier l’achat TV et automatiser la construction des plans médias, et c’est désormais chose faite.

La data et l’IA sont maintenant au service de tout l’écosystème TV :

  • les agences média, qui voient leur productivité décuplée grâce à l’automatisation des tâches à faible valeur ajoutée,
  • les annonceurs, qui peuvent harmoniser les modes d’achat mais aussi la mesure des investissements entre les différents canaux marketing on/off
  • mais aussi les régies, qui peuvent dorénavant proposer des modèles très similaires à ceux proposés par les acteurs digitaux.

Grâce à ces avancées majeures, la TV conserve ses lettres de noblesse (notamment par sa puissance) mais rivaliser également avec les grands acteurs digitaux en offrant une approche à la performance digne des GAFA.

L’avenir de la télévision est donc étroitement lié aux data et de facto au digital. L’automatisation et le machine learning sont évidemment les grands enjeux à venir. Des technologies et surtout une vision, qui sans enlever la valeur de ce qu’il représente, risquent de chahuter fortement le sacro-saint GRP dans les prochaines années.


1* : Données issues de Crunchbase.