Le neuromarketing est une application des neurosciences cognitives, qui débusque l’inconscient et l’émotion derrière nos comportements de consommateur. Par extension, certains l’envisagent comme un moyen d’augmenter les pouvoirs de persuasion vis-à-vis d’un client. Cette discipline récente née au tournant des années 2000 est à la fois fascinante et effrayante, tentant de résoudre les mystères de notre cerveau et d’en appliquer les découvertes au commerce et au e-commerce.

Le phénomène d’attraction-répulsion fonctionne à plein sur moi et me donne envie d’en savoir plus; parce que ceux qui vendent voudront toujours connaître la recette pour vendre plus et vendre mieux. Et c’est dans notre cerveau que cela se passe.

Je ne vous parlerai pas de la partie émergée de l’iceberg, c’est-à-dire expliquer rationnellement les actes d’achat : insuffisant, voire dépassé. La preuve empirique et quasi irréfutable lors de mon dernier achat: j’ai craqué pour des chaussures (top) dont je n’avais pas besoin et qui étaient trop chères pour mon budget, mais j’ai sorti ma carte.  

Dominée par mon inconscient….

Pourquoi avoir craqué pour ces chaussures? Parce que mon cerveau reptilien a été le plus fort. Au coeur de la boîte crânienne, c’est lui qui gère la partie inconsciente et quasi automatique de notre intelligence: les décisions prises y sont très rapides et prédominent celles prises par notre intelligence rationnelle et consciente.

Ainsi, en 300 ms, après avoir vue la fiche produit, c’en était fait de moi, selon les expériences du neuroscientifique américain Benjamin Libet. Le reptile en moi avait décidé d’acheter des chaussures alors que mon cerveau évolué était encore en train d’hésiter (“t’es sûre que t’en as besoin de cette paire de boots?”)

Certes, mon achat était irrationnel mais je revendique mon statut d’Homo Psychologicus  qui surpasse mon statut d’Homo Economicus, m’inscrivant ainsi dans les recherches de Amos Tversky et Daniel Kahneman, Prix Nobel d’économie en 2002.

95% de l’activité de notre cerveau relève de l’inconscient, 5% est consciente.

Le neuromarketing a compris l’irrationalité du consommateur, mais est-il capable d’aller plus loin?

Le bon sens naturel des commerçants peut désormais se développer et s’appuyer sur des mesures et des processus scientifiques qui décortiquent nos préférences. Lors de tests en situations réelles ou reconstituées en laboratoire, les sujets sont exposés à des stimuli type produit à vendre, publicité, page web, rayon de magasin,etc.,… et sont étudiés alors:

    • l’activité du cerveauEEG
      • l’IRM fonctionnelle (fIRM) pour visualiser les zones du cerveau concernées
      • les électroencéphalogrammes (EEG) pour mesurer les temps et l’intensité des réponses à un stimulus
    • l’activité du corps
      • le mouvement des yeux ou eye-tracking
      • la conductivité électrique de la peau
      • les battements du coeur
      • les modulations de la voix
      • l’analyse des émotions visibles sur le visage

Le neuromarketing ou le détecteur de mensonges du consommateur

Grâce à des mesures par définition non biaisées par la conscience, les études neuromarketing touchent au plus près les préférences des consommateurs.

Ainsi, une étude parue dans Psychological Science, a comparé  l’impact de trois campagnes anti-tabac(A, B et C) sur des sujets qui souhaitaient arrêter de fumer. Les trois mesures étaient : 

neuromarketing application1) ce que les sujets affirmaient à propos des campagnes (graphique n°1)

2) les enregistrements de leur activité cérébrales (graphique n°2)

3) l’efficacité réelle de la campagne, soit l’arrêt ou non du tabac (graphique n°3)

Le résultat indique que l’activité cérébrale reflète de très près la réalité alors que les affirmations des sujets étaient en contradiction avec l’efficacité des campagnes.

Most of the time, prospect don’t do what they think or what we think they think. (Daniel Kahneman)

Le neuromarketing cherche à explorer ce paradoxe et à renforcer les techniques marketing

Il peut améliorer:

  • le design des produits et le packaging
  • la politique de prix
  • l’agencement des magasins et le merchandising
  • la publicité et de la communication
  • et… le e-commerce

Dans le cadre du e-commerce, le neuromarketing optimise  l’Expérience Utilisateur. La psychologie comportementale, les mesures biométriques dont l’eye-tracking (qui permet d’établir des cartes de chaleur), les fIRM et les EEG sont autant d’outils pour déterminer les règles de l’UX et les optimiser.

Tous des Pinocchio?

Dans un monde où le neuromarketing aurait découvert comment tirer les ficelles de mon comportement de consommateur, j’aimerais ne pas être un pantin et pouvoir garder mon libre-arbitre. Alors, mon petit cerveau reptilien, même si tu as plus de 500 millions d’années derrière toi, je vais ralentir et prendre le temps d’inviter la rationalité dans mon processus d’achat. Descartes versus Spinoza, un partout. Bon,ce n’est quand même pas gagné, parce que justement je viens de repérer une petite paire d’escarpins ….

Les marketeurs ne se sont toutefois pas encore transformés en alchimistes de la vente parfaite. D’une part, il y a des chaussures que personne n’achètera jamais sauf sous la torture, technique qui ne relève pas du marketing. D’autre part, on peut estimer comme Droulers et Roullet que « le fait d’observer (au niveau macroscopique) n’a jamais influé ou modifié le sujet d’observation. Affirmer que la découverte de certaines activations cérébrales sous certains stimuli commerciaux est le premier pas vers une manipulation pure et simple, relève de l’affabulation ou de l’ignorance. »

Les limites du neuromarketing

Elles apparaissent assez vite sous la surface brillante de la quête du Buy Button dans le cerveau.  Cette science n’en est pas encore tout à fait une. Les cohortes concernées sont peu nombreuses, à l’instar de des mesures sur les campagnes anti-tabac qui ont été menées sur 31 personnes. S’ajoute à cela le fait que  les lectures des mesures sont sujettes à caution.

Par ailleurs, si les résultats sont scientifiquement intéressants, ils peuvent enfoncer des portes ouvertes en ne faisant que conforter le fameux bon sens dont je parlais plus haut. L’équipe de Brian Knutson, psychologue de Stanford, a montré en 2007 l’implication de deux zones cérébrales différentes en fonction du prix affiché pour un produit. Ainsi un produit attrayant active le noyau accumbens (lié à l’anticipation du plaisir). Si pour ce produit attrayant, le prix affiché est excessif, l’insula (lié à la sensation de douleur) s’active et parallèlement, le cortex pré-frontal (lié au processus de choix) s’inhibe. Ces découvertes revêtent un intérêt scientifique, mais, est-il surprenant qu’un consommateur soit déçu par le prix trop élevé d’un produit et décide de ne pas l’acheter? Non, rien de nouveau.

Les limites sont aussi d’ordre pratique: comptez plusieurs dizaines de milliers de dollars pour une étude digne de ce nom et, bien sûr, ce ne sera pas pour des entreprises françaises. La loi de bioéthique du 7 juillet 2011. Art.16-14 indique que  «les techniques d’imagerie cérébrale ne peuvent être employées qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique, ou dans le cadre d’expertises judiciaires.»

En conclusion

process neuromarketing

Je reprendrais les propos de Droulers et Roulet qui ont qualifié le neuromarketing de « neuroscience du consommateur » : à la dimension rationnelle de la décision d’achat s’ajoutent l’inconscient et la prédétermination comportementaleLe neuromarketing relève ainsi plus du pragmatisme propre à l’activité commerciale que de la manipulation diabolique des consommateurs. Il participe à  « l’élargissement et à l’accumulation des connaissances relatives aux relations esprit-cerveau, tout en conservant parallèlement une finalité pratique dans la vie des affaires.«